Trois villes se partageront le titre de capitale européenne de la culture en 2010 : Essen, en Allemagne, Pecs, en Hongrie, et Istanbul, en Turquie. Depuis 1996, l'Union européenne confère le titre de capitale européenne de la culture à une ville de la communauté. En 2000, pour souligner le tournant du millénaire, le Parlement européen a attribué ce titre à neuf métropoles de l'Union. Depuis, elles sont parfois deux ou trois à se partager l'honneur. Concrètement, cela se traduit par de généreuses subventions destinées à améliorer les infrastructures culturelles et à organiser des expositions, des concerts, des spectacles et des manifestations dont l'agglomération urbaine serait incapable d'assumer les coûts sans ce soutien financier. Ce sont d'ailleurs souvent des villes de seconde importance qui réclament cet honneur. Elles en profitent également pour tenter d'élargir leur rayonnement touristique.

En décembre 2003, j'ai eu la chance d'être présent à Lille pour les cérémonies d'ouverture précédant l'accession de cette ville au titre, pour 2004. Les artistes invités avaient joyeusement mis les lieux - y compris les municipalités de l'agglomération urbaine comme Roubaix et Tourcoing - sens dessus dessous. La rue Faidherbe (l'équivalent de notre rue Sherbrooke) avait été transformée en décor de bande dessinée sous la supervision du bédéiste Jean-Claude Mézières. À Roubaix, la place de l'Hôtel de ville avait été coiffée de bouquets d'arbres suspendus, cimes vers le bas (La forêt suspendue). Les Québécois Robert Lepage et Louis-Philippe Demers avaient peuplé les quais d'une station de métro de robots. L'art contemporain avait investi les espaces publics pendant que des manifestations plus «traditionnelles» (notamment une grande exposition consacrée à Rubens) colonisaient les musées. C'est sans parler des nombreux concerts de musique classique, techno, hip-hop, jazz...L'intronisation de Lille couronnait des années d'efforts consacrés à la réhabilitation de la grande ville française du Nord après le naufrage des industries lourdes liées au charbon.

On peut en dire autant d'Essen, qui parachève sa réhabilitation sur le plan esthétique, après avoir été gangrené par un siècle et demi d'industrialisation. C'était le siège des fameuses usines Krupp (aujourd'hui le conglomérat ThyssenKrupp AG) et du complexe des mines de charbon de Zollverein, dont les gigantesques installations sont désormais classées sur la liste du patrimoine de l'UNESCO. C'est aussi la ville centre de la plus grande concentration urbaine d'Allemagne, celle du bassin de la Ruhr, qui regroupe 53 localités, dont Bochum, Duisbourg et Dortmund, et compte 7,3 millions d'habitants. C'est d'ailleurs l'ensemble de cette ville-région qui, sous le nom de Ruhr 2010, accueille les manifestations et activités culturelles inscrites au programme cette année. Sinon, on trouve notamment, à Essen, une belle cathédrale du XIIe siècle, un «Versailles local», la villa Hügel, qui était la résidence de la famille Krupp, et le Grugapark, le plus grand parc urbain d'Europe.

La liste des expositions, spectacles et autres manifestations inscrites au programme de Rurh 2010 est interminable. Certaines activités relèvent de la mégalomanie, comme cette Nature morte - voie rapide de la Ruhr, qui consistera, le 18 juillet, à fermer l'autoroute qui traverse l'agglomération sur 60 km et à y convoquer les habitants - et les touristes - autour des 20 000 tables qui y seront installées pour ce que les organisateurs présentent comme «le festival de rue le plus bigarré d'Europe».

Les principales expositions se tiendront dans le tout nouveau Musée de la Ruhr, aménagé dans les installations de la mine de Zollverein.

À coté d'Essen, Pecs fait figure de village, avec ses 160 000 habitants. C'est pourtant la plus belle ville de Hongrie après Budapest. Elle est lovée sur les flancs des Mecsek, un massif de hautes collines hérissées de vignes qui, en la protégeant des vents du nord, lui permet de bénéficier d'un microclimat méditerranéen. Le tissu urbain est hétéroclite : on y trouve aussi bien des vestiges de l'époque romaine qu'une énorme mosquée datant de l'occupation ottomane, une superbe basilique romane et quantité de bâtiments baroques. La vieille ville, où se croisent plusieurs rues piétonnes, est dotée d'un système souterrain de caves à vin qui s'étendent sur 2 km. La municipalité n'a ni les moyens ni les infrastructures nécessaires pour organiser un bouquet d'activités de la même ampleur qu'à Essen ou Istanbul. S'y tiendront, notamment, des expositions sur la tradition architecturale hongroise et d'autres mettant en évidence des artistes magyars d'avant-garde. On parle aussi d'un festival de musiques balkaniques, de conférences, etc. Mais il y aura surtout beaucoup de spectacles de rue qui agrémenteront la découverte de cette localité que bien peu de Québécois connaissent.

On glissera rapidement sur Istanbul, qui se passe de présentation et qui n'a, surtout, pas besoin d'une série de manifestations culturelles exceptionnelles pour mériter le détour. L'agence chargée de l'organisation d'Istanbul 2010 a retenu 520 projets. On signalera deux d'entre eux : le Musée de l'innocence, conçu par l'écrivain Orhan Pamuk, qui ouvrira ses portes en juillet, et l'exposition De Byzance à Istanbul, qui se tiendra en septembre et en octobre.

Sur le web

Essen

ruhr2010.de

Pecs

pecs2010.hu

Istanbul

istanbul2010.org