Vaste territoire protégé de 1500 km carrés, le parc national du Mont-Tremblant est renommé pour ses activités de plein air comme le canot-camping et la randonnée, mais on oublie que ses 400 lacs regorgent de poissons indigènes qui ne demandent pas mieux que de mordre à l'hameçon.

Dans le secteur L'Assomption, accessible par le village de Saint-Côme, dans Lanaudière, la pêche est l'activité-vedette du printemps. Pour découvrir cette zone méconnue, je suis parti, à la fin du mois de mai, pour un court séjour de pêche avec Jean-François Boily, directeur du marketing au parc du Mont-Tremblant.

Son désir le plus cher: me prouver que la pêche à Tremblant, c'est quelque chose! «Quand les gens veulent aller à la pêche, ils pensent réserve faunique ou pourvoirie, et pourtant, il se fait de la belle pêche dans les parcs nationaux du Québec», soutient-il. C'est ce que nous allons voir...

Rendez-vous à l'accueil Saint-Côme, porte d'entrée du secteur L'Assomption. Ici, le paysage diffère du secteur de la Diable, le pôle d'activité situé près de la station Mont-Tremblant. Pas de hauts sommets à l'horizon ni de chutes spectaculaires. Simplement des lacs, des ruisseaux et la rivière L'Assomption qui baigne les lieux. Cependant, on y trouve quelque chose d'unique de nos jours: la tranquillité. C'est le secteur le moins fréquenté du parc.

À 14h, c'est l'heure de vérité. On saute dans la chaloupe pour découvrir ce que renferme le lac Crapaud, à une minute de notre chalet du lac Cabot. Toutefois, la météo ne joue pas en notre faveur: le mercure dépasse les 25 ºC et il fait un vent à écorner les boeufs. Il s'agit d'une journée parfaite... pour la planche à voile! Résultat: en six heures de pêche, on ne réussit qu'à capturer une truite, et comble de malheur, c'est mon guide qui a mis le grappin dessus!

Après cette journée ordinaire, la chance nous sourit en soirée. À 20h pile, on participe au fameux tirage au sort des lacs pour la pêche du lendemain, une tradition dans les parcs nationaux de la SEPAQ. Au poste d'accueil, une dizaine de pêcheurs attendent que leur numéro sorte pour choisir le lac le plus prometteur. Ce sont des habitués de la place, qui connaissent le parc comme le fond de leur chaloupe.

L'atmosphère qui règne durant ce tirage est pittoresque. Il n'y a que des hommes, bière populaire à la main, qui parlent de leurs exploits de la journée. Certains sont assez éméchés. Quand le garde-parc sort son boulier, semblable à celui qu'utilisaient les Lavigueur pour déterminer leurs numéros de la 6/49, c'est le silence. Puis, la première boule sort: numéro 10. Yabadabadou! C'est nous! On réserve immédiatement le lac John, un plan d'eau où n'importe quel quidam peut remplir son quota, nous dit le personnel du parc. Parfait pour moi.

À 7h30 le lendemain, on jette nos lignes à l'eau. Eh bien, ce lac est à la hauteur de sa réputation. En quelques heures, j'ai réussi à capturer sept belles truites (le quota) qui rendraient jaloux n'importe quel pêcheur professionnel. De beaux spécimens d'une à deux livres qui ont vendu chèrement leur peau, se débattant et livrant des combats épiques contre le pêcheur que je suis. Quelques-unes ont même remporté la bataille, regagnant leur liberté.

Pendant qu'on faisait bonne pêche, on entendait, en musique de fond, le chant des huards, les battements d'ailes des perdrix en pleine saison des amours et le tambourinage des pic-bois. Et sur ce lac, qui fait 1200 mètres de long et 600 mètres de large, il n'y avait qu'une seule chaloupe. La nôtre. Quel privilège!

Que de la truite bio!

Dans un parc national, il ne se fait pas d'ensemencement. Que des truites indigènes, nourries aux mouches et aux écrevisses, donc 100% bio. À la différence de la truite ensemencée, prédominante en pourvoirie, la truite indigène est nettement plus combative et, dirais-je, plus intelligente que sa consoeur d'élevage, d'où son habileté à se déprendre de l'hameçon.

Autre avantage de la pêche dans un parc national, la probabilité de capturer des truites de belle taille est favorisée par une gestion rigoureuse de chaque plan d'eau. Sur le lac John, on fixe le quota à 150 truites par année. Dès qu'on atteint ce plateau, on ferme boutique, afin de permettre une régénération naturelle. La priorité va à la conservation. Une stratégie gagnante, car d'année en année, la qualité de la pêche se maintient.

Le seul hic à cette pratique: les lacs ne sont ouverts que quelques semaines par année. Donc, au moment où vous lirez ces lignes, le lac John sera déjà fermé, ayant comblé déjà assez de pêcheurs!

Illustration(s) :

PHOTO SIMON DIOTTE, COLLABORATION SPÉCIALE

Cette belle truite a vendu chèrement sa peau. Et elle était succulente!