Deux grands bassins entourés de végétation, des arabesques d'or formées de boules de verres d'où surgissent des jets d'eau: le nouveau bosquet du Théâtre d'eau, la première création contemporaine pérenne au Château de Versailles, n'oublie pas l'esprit du paysagiste royal André Le Nôtre.

«J'ai d'abord voulu retrouver l'idée du bosquet tel qu'il était sous Louis XIV, un théâtre de verdure avec de l'eau», explique le paysagiste Louis Benech, retenu avec le sculpteur Jean-Michel Othoniel à l'issue d'un concours international en 2012.

Constitué d'une multitude de fontaines et de trois fausses perspectives disposées en patte d'oie, le bosquet originel, tombé en désuétude, a été détruit sous Louis XVI.

Un temps lieu de rencontre des enfants et des nourrices au 19e siècle, il était depuis en «dormance», mais sa végétation avait sévèrement souffert des tempêtes de 1990 et 1999. Il rouvre au public cette semaine et sera accessible toute l'année.

Se glisser dans les pas du célèbre jardinier royal qui a travaillé pour Louis XIV de 1645 à 1700 était un défi de taille pour Louis Benech qui n'avait jamais travaillé à Versailles.

Défi aussi pour Jean-Michel Othoniel qui n'avait jamais collaboré avec un paysagiste, jamais conçu de fontaine, mais avait déjà travaillé dans des jardins, notamment ceux de l'Alhambra à Grenade (Espagne).

Louis Benech a créé sur une moitié de la clairière de 1,5 ha deux bassins, l'un en longueur (150 m), l'autre plus petit et légèrement surélevé comme une scène. Loin de tout pastiche, les deux plans d'eau sont retenus par des panneaux d'acier corten (patiné).

Dominant les bassins, un chemin fait le tour du bosquet, offrant «des surprises et des points de vue». «Nous avons voulu faire un jardin de méditation», dit Jean-Michel Othoniel.

Quant aux arbres, le paysagiste a retenu des hêtres et des chênes verts, ne dépassant pas les 17 mètres voulus par Le Nôtre et ponctués d'espèces au feuillage dorée (if d'Irlande, tilleul...). Au total, «le bosquet ne compte que 25 espèces de plantes», souligne Louis Benech.

L'alphabet des danses de cour

Si le paysagiste fait écho au génial jardinier royal, c'est le Roi Soleil lui-même qui a inspiré Jean-Michel Othoniel.

«Le jardin tout entier est la description de son pouvoir», souligne-t-il. Louis XIV avait rédigé un guide intitulé «Manière de montrer les jardins de Versailles» où il décrivait les différents parcours.

C'est en faisant le parallèle entre la broderie des parterres du jardin et les danses de cour que le sculpteur va trouver l'inspiration pour ses trois fontaines. «J'ai découvert à la bibliothèque de Boston L'art de décrire la danse rédigé en 1701 par Raoul-Auger Feuillet à la demande de Louis XIV, pour retranscrire et mémoriser les mouvements de danse de cour».

«C'est cet alphabet qui a donné forme à mes sculptures» : des arabesques de grosses perles en verre de Murano (1751 au total) ornées d'une feuille d'or à l'intérieur. Pas question de se lancer dans des verres multicolores, comme pour la bouche du métro Palais Royal à Paris, «l'or était imposé», Versailles oblige, dit Jean-Michel Othoniel.

«La forme des fontaines a imposé un gros travail d'ingénierie, en raison des courbes et des porte-à-faux. Nous avons utilisé des imprimantes 3D pour visualiser le projet», explique le sculpteur.

Il a fait aussi appel à l'art des fontainiers, notamment celui de l'ajutage, ces pièces en étoile placées à l'embouchure de la fontaine et permettant de régler la forme et la force du jet. «L'eau fait partie de la sculpture en la prolongeant».

Jean-Michel Othoniel ne connaissait par Louis Benech qui l'a choisi après avoir constaté dans une exposition au Centre Pompidou que ses sculptures en verre avaient le pouvoir de fasciner les enfants.

Versailles s'est ouvert depuis plusieurs années à l'art contemporain avec des expositions temporaires souvent spectaculaires (Jeff Koons, Takashi Murakami, Giuseppe Penone, Lee Ufan.... et bientôt Anish Kapoor).