Une tradition au sens profond s’exprime avec les festivités du jour des Morts (Día de Muertos). À la fois incontournable et iconique au Mexique, cette fête qui rend hommage aux défunts constitue aussi une source d’inspiration. Cette année, un festival se tenant à la fin d’octobre souligne la richesse du patrimoine de la région.

Les rues d’Oaxaca se parent de couleurs, alors qu’une multitude de spectacles attestent de l’essor culturel de cette ville du sud du Mexique. « Le jour des Morts comporte des traits issus de différentes traditions autochtones du Mexique, affirme l’historienne de l’art Andrea Almogabar. La coexistence de plusieurs cultures fait justement le propre d’Oaxaca. »

Un syncrétisme avec la religion catholique définit aussi le jour des Morts. « L’autel traditionnel vient d’une tradition zapotèque, alors que divers éléments viennent de la culture nahuatl et de bien d’autres, note Andrea Almogabar. Il s’agit d’une fusion culturelle à l’image du Mexique. »

Avec pour titre « Oaxaca siempre vive, nunca muere » (Oaxaca vit toujours et ne meurt jamais), le festival présente principalement des expositions d’art public, des spectacles de musique et des œuvres de théâtre. Chaque année, les défilés costumés appelés comparsas ou muerteadas figurent parmi les rassemblements les plus courus entourant le jour des Morts.

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Les rues d’Oaxaca se parent de couleurs pour les festivités du jour des Morts.

On y compte notamment la participation d’une troupe de danse reconnue internationalement, celle des Chinas Oaxaqueñas Genoveva Medina. « Nous avons rejoint ces festivités il y a 12 ans avec l’objectif d’honorer les cultures autochtones, raconte Miguel Tejero, chorégraphe de la troupe. Nous représentons une histoire profondément métissée. »

Cosmovision essentielle

« Les traditions qui célébraient la mort étaient présentes dans les cultures mésoaméricaines avant l’arrivée des colons européens, explique Andrea Almogabar. C’est vraiment là que se trouve l’origine du jour des Morts. »

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La richesse du patrimoine de la région s’exprime entre autres dans l’art mural.

Elle note que ces cultures gardent des échos bien vivants au Mexique. « Nous avons une plus grande conscience de la mort et nous savons qu’elle fait partie de la vie quotidienne, alors qu’elle représente un tabou dans la pensée occidentale, souligne-t-elle. Nous l’honorons pour célébrer la vie, et c’est peut-être pourquoi nous avons une culture festive. »

Cette conscience suppose aussi une reconnaissance du caractère éphémère de la vie.

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Andrea Almogabar, historienne de l’art

La plume d’un quetzal, qu’on considérait comme le plus bel oiseau, valait davantage que l’or dans la culture nahuatl. C’est la beauté éphémère de ses couleurs qui lui conférait sa valeur.

Andrea Almogabar, historienne de l’art

D’ailleurs, l’historienne de l’art y voit une inspiration actuelle. « Les peuples de l’époque préhispanique se consacraient à l’agriculture dans la région où nous vivons, et c’est ce qui définissait leur cosmovision, dit-elle. Celle-ci dénote plutôt une relation d’appartenance à la nature, et cette vision contraste avec l’anthropocentrisme que prônait l’Église. »

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Le zócalo (place centrale) de la ville d’Oaxaca, avec une ornementation de fleurs de cempasúchil, typiques du jour des Morts.

À l’heure où la défense de la planète devient un enjeu vital, il s’agit d’un héritage dans lequel on peut voir une forme de subversion. Andrea Almogabar y voit un appel à l’éveil. « Le sens de cette tradition doit être préservé, estime-t-elle. Lorsque nous la partageons avec les étrangers, nous tenons justement à le faire dans le contexte d’échanges respectueux. »

Comme historienne de l’art, elle est appelée à faire découvrir dans différents contextes les traditions liées à ces célébrations. Par exemple, elle dirige ces jours-ci des visites à Mitla, une magnifique zone archéologique qui représentait la « vallée des Morts » pour les Zapotèques. « Il y a bien davantage qu’un spectacle dans ces cultures, dit-elle. Il s’agit d’un héritage contemporain, complexe et appartenant aux personnes qui le portent à l’échelle locale, alors qui mérite d’être bien mis à l’honneur. »

Mouvements actuels

« Ces traditions nous amènent à nous connecter à notre héritage et à lui donner une vie actuelle, ajoute Amarildo Omeldo, artiste reconnu pour son travail avec l’atelier qu’il dirige à Yahuiche, localité en périphérie d’Oaxaca. C’est ce que je fais avec l’art du masque. »

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Atelier de confection de masques d’Amarildo Olmedo à Yahuiche, Oaxaca

Avec un collectif d’artistes originaires de Yahuiche, localité où il a mis en place son atelier, il a choisi de se consacrer pleinement à cette forme de création établie il y a une trentaine d’années. « Il s’agit d’une initiative de l’artiste Cecilio Sánchez, lui aussi originaire de Yahuiche, dit-il. Cette orientation plastique qu’il défendait vient de la connexion entre l’histoire populaire et l’expression vive. »

Il note que Cecilio Sánchez travaillait avec Rufino Tamayo, artiste originaire d’Oaxaca et qui figure parmi les noms essentiels de l’histoire de l’art au Mexique. « Il y a un esprit de résistance dans la culture du Día de Muertos, affirme l’artiste. Nous partageons notre art sur le plan communautaire et nous portons les masques dans les comparsas et les muerteadas. »

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