Dans le nord de la Colombie, près de Carthagène, se trouve le village de La Boquilla, où on pêche le crabe selon des techniques traditionnelles. On y trouve des gens qui ont peu, mais qui ont tout à offrir, et qui vous accueillent à bras ouverts.

(Carthagène des Indes) À la sortie de l’hôtel, il fait déjà chaud. En Colombie, le soleil prend ce malin plaisir à taper la peau dès qu’il se lève. Le bus ouvre ses portes. Il nous emmène apprendre à pêcher le crabe.

Le trajet dure une trentaine de minutes, mais on nous transporte clairement ailleurs. Si l’hôtel est situé dans la zone touristique de Carthagène, on se dirige maintenant vers un endroit où le train de vie est plutôt paisible, familial, communautaire. Là où on subsiste en pêchant dans la mangrove.

PHOTO WILLIAM THÉRIAULT, COLLABORATION SPÉCIALE

La récolte de crabes a plus tard été servie au dîner. On a également mangé du poisson, du riz et des légumes.

Le bus s’engage sur le sable. À travers la fenêtre, quelques bâtiments, un peu de verdure, des installations de bois. Nous voici au petit village de La Boquilla, peuplé d’Afro-Colombiens qui s’expriment fièrement dans un espagnol caribéen – distinct de celui du reste du pays.

La Colombie est une terre marquée par les inégalités, explique Hernando Osorio, notre guide pour la journée. La ville de Carthagène, qui dépasse le million d’habitants, est divisée en six strates où les conditions économiques varient largement.

Les strates 1 et 2 se retrouvent au sud de la ville, dans les quartiers pauvres. Les strates 3 et 4 correspondent à la classe moyenne. Les 5 et 6, quant à elles, abritent les nouvelles constructions de style américain. Il y a une vingtaine d’années, d’importants investissements en provenance des États-Unis ont permis la modernisation des strates aisées de la ville – creusant ainsi les écarts de richesse.

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Environ 10 000 personnes vivent à La Boquilla, à quelques kilomètres de Carthagène des Indes.

« Les immeubles où vous logez, c’est 5. La Boquilla, c’est 1 », indique Hernando en désignant du doigt des habitations rudimentaires, desquelles émanent quelques visages curieux.

Sur place, le groupe Ecotours nous prend en charge. Fondé en 1999, il a pour objectif d’améliorer les conditions de vie du village à travers l’écotourisme, la transmission des rudiments de la pêche au crabe traditionnelle, de ses racines et de ses coutumes. C’est une occasion d’emploi pour les locaux, car 100 % des employés d’Ecotours Boquilla le sont. L’activité revient à près de 30 $ pour le touriste. L’argent récolté permet aussi à la communauté de préserver la mangrove.

Nous faisons quelques pas sur le quai. La chaleur monte, et il n’est que 9 h. Les pêcheurs sont des hommes travaillants, ça se sent. Ils ont les manches retroussées, les mains usées. Le regard honnête. Autour d’eux, des cages à crabes et des appâts, mais aussi des filets et des petits couteaux.

Le groupe d’une vingtaine de personnes se divise et s’installe à bord des barques. Hernando prend la parole. « Il y a beaucoup de personnes en visite à Carthagène qui ne savent pas que tout près se trouve un endroit magnifique, paisible, dans la nature », dit-il en souriant, pendant que le ruissellement des pagaies se mélange aux bruits de la faune.

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Le temps d’un avant-midi, Hernando Osorio nous a guidés à travers la mangrove caribéenne.

La Boquilla est comme un petit village de résistance. La vie ici est simple. Vous pêchez, vous mangez, vous vivez en communauté.

Hernando Osorio, guide touristique colombien

Les pieds dans l’eau

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Selon l’endroit, la mangrove peut faire de 15 cm à 3 mètres de profondeur. On pêche dans les zones peu profondes.

Frégate, pélicans, iguanes, ratons laveurs, serpents… ils sont nombreux à peupler la mangrove, écosystème qui se développe en zone tropicale ou subtropicale. Une fois que nous avons dépassé la végétation, des corridors de palétuviers, on peut mettre les pieds dans l’eau. Elle nous arrive à peine aux genoux.

Afin de récupérer le crabe, il faut l’attirer avec des sardines. C’est ainsi qu’on se retrouve, appuyés par les pêcheurs du village, à lancer des filets. Il faut les projeter de sorte à couvrir la plus grande surface possible puis les ramener vers soi en les enroulant autour de la main, nous expliquent-ils avec un accent côtier qui s’apparente à celui des Cubains, des Dominicains ou des Portoricains.

Une fois les sardines attrapées, elles sont découpées. Leur chair, placée dans une boîte à filet conçue spécifiquement pour cette activité, sert à piéger les crustacés. Ceux-ci, en tentant de mettre la pince sur leur butin, vont demeurer prisonniers des filets et se retrouvent au fond des chaudières prévues à cet effet, à l’avant des barques.

La récolte, en plus de fournir le dîner, est comme une ode au travail traditionnel, ou encore une marque d’amour faite à une communauté tissée serré. Nous avons tous le bonheur de nous immiscer dans une autre culture. Et il se trouve que notre guide, Hernando, fait la même chose avec la nôtre.

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Les Afro-Colombiens représentent environ 10 % de la population du pays.

Si les pêcheurs s’adressent à nous en espagnol, Hernando en profite pour discuter avec le groupe dans un très bon français. Il n’a jamais mis le pied hors des frontières colombiennes, mais a fait ses études en langues étrangères. Et il en est fier, à juste titre.

« Au gym, tu ne forces pas avec une seule main. Mon frère cadet m’a dit : “Si tu apprends le français, tu auras un avantage sur les autres qui parlent juste espagnol et anglais”. Alors je force avec les deux mains », illustre-t-il sur le trajet du retour.

Avant de nous rencontrer, Hernando pensait qu’il aurait affaire à un groupe français, belge ou suisse. Les touristes européens, dit-il, sont fréquents dans la région. « En arrivant, mon collègue me dit : “Regarde, ce sont des Canadiens”. Ça m’a attiré comme un aimant », avoue-t-il, ajoutant qu’il considère un jour venir s’établir au Québec.

Ça se sent, ce n’est pas un argument de vente ou pour créer des liens. Hernando parle avec intérêt, avec sérieux. Il est franc, même s’il laisse son imaginaire le transporter. « J’ai une petite fille. Elle rêve de voir la neige. Un jour, moi aussi, j’aimerais bien sentir la neige. Je serai comme un enfant. »

Après ces mots, il esquisse un sourire discret. Il a le regard pointé sur la mer.

Quand aller en Colombie ?

Vous pourrez retrouver les meilleures conditions météorologiques de la Colombie durant la saison sèche, de décembre à mars.

Comment s’y rendre ?

De Montréal, on peut se rendre en Colombie en réservant un trajet comprenant une escale en sol américain avec American Airlines ou Delta. C’est généralement LATAM Airlines qui assure le second vol. Des vols y partent tous les jours. Air Canada offre des vols directs vers la capitale, Bogotá, trois fois par semaine. Avianca, une compagnie aérienne colombienne, vient tout juste d’annoncer une nouvelle liaison Montréal-Bogotá à raison de 4 vols par semaine, dès le 31 mars. Arrivé au pays, il est facile de se déplacer grâce à des courts vols internes ou des trajets en navette.