Trop sage, Genève? Trop riche, trop propre? Il y a du vrai dans tout cela. Mais méfiez-vous des apparences: sous ses airs de grande bourgeoise alanguie, elle sait aussi se montrer enjouée, ouverte, parfois même un brin coquine. L'austère protestante s'est transformée en épicurienne au fil des siècles et, à voir les terrasses de restaurants bondées, personne ne semble s'en plaindre.

JOUR 1

10h: Balade sur le Léman

La figure la plus emblématique de Genève, c'est certainement l'énorme jet d'eau qui jaillit du lac Léman à 200 km/h. L'attraction la plus photographiée de la ville n'est en fait qu'une vulgaire valve de décompression utilisée par un distributeur d'eau au XIXe siècle. Mais les gens aimaient bien, et peu à peu la hauteur du jet a monté, monté... On en profite pour marcher le long de la rive, en admirant les montagnes françaises d'un côté et les palaces carburant aux pétrodollars de l'autre. Les «mouettes» vous feront même traverser la baie gratuitement si vous logez à l'hôtel: en effet, on vous remettra alors un laissez-passer gratuit pour tous les transports en commun, dont ces petites embarcations jaunes.

Midi: Les Schtroumpfs

Un îlot de maisons à l'architecture amusante, originale, a été érigé tout juste derrière la gare Cornavin. Des formes extravagantes, des couleurs qui détonnent dans une ville pas trop portée sur les excès. On pense d'abord aux élucubrations du Catalan Gaudi, puis le vrai déclic se fait quand on apprend que les Genevois les appellent les Schtroumpfs: c'est vrai que les sympathiques petits personnages bleus y seraient très à l'aise... Comme Genève est une ville où l'on peut très facilement se déplacer à pied, on part dîner dans la vieille ville, où les bonnes tables abondent - dont, près de l'Arsenal, Les Armures, une jolie terrasse pas trop ruineuse.

14h30: Le coeur de la ville

Comment visiter Genève sans arpenter la vieille ville dans tous les sens? Ici la maison natale de Jean-Jacques Rousseau, là la place du Bourg-de-Four, où se tenaient les foires au Moyen-Âge. Ou encore l'hôtel de ville, où est née la Croix-Rouge. Celle-ci a son propre musée, mais il est en rénovation et n'ouvrira que l'an prochain. Les antiquaires, les galeries, les bureaux de professionnels se succèdent dans ces rues pavées, parfois pentues et miraculeusement presque exemptes de circulation.

19h30: Ténors nocturnes

Bien sûr, c'était une chance inouïe, mais ce soir-là il y avait concert sur le parvis de la cathédrale. Donc possibilité de manger une crêpe toute simple, mais savoureuse, au café Saint-Pierre voisin, avec un petit verre de fendant pour faire passer le tout au son des ténors. Qui a dit que les Genevois étaient des protestants frustrés?

JOUR 2

10h: Le plus belle vue

D'abord, les protestants sont deux fois moins nombreux que les catholiques dans cette ville de la taille de Québec. Et ils ne sont pas frustrés: quand Calvin vint s'y installer, en 1536, il voulut y imposer une version extrêmement rigoriste de la Réforme, en réaction aux excès du catholicisme: interdiction de boire, de danser, pour les femmes de porter un ruban dans les cheveux... Les Genevois le mirent à la porte de la ville aussi sec! Un intéressant Musée international de la Réforme raconte les péripéties religieuses de cette époque. Pour compléter, la cathédrale Saint-Pierre, voisine, est le monument le plus visité de Genève. On y visite le site archéologique révélé par de récentes fouilles au sous-sol, puis on monte dans la tour nord de la cathédrale. La plus belle vue sur Genève, le lac, les Alpes, c'est d'ici qu'on l'a.

Après-midi

Carouge

Ne dites surtout pas que Carouge est un quartier de Genève, vous vous ferez lyncher! Disons que c'est une petite ville... juste à côté de la grande, à trois stations de tramway ou 30 minutes de marche. Pourtant, ici, on se sent bien loin de l'animation de Genève. Jadis, on venait ici pour s'encanailler. Après un long déclin, Carouge est devenue très tendance, très restos branchés où vous ferez un bon repas, un verre de Gamaret (le savoureux cépage local) à la main. Une petite visite à la place du marché et à son étonnant temple protestant, et nous voilà prêts à remplir notre devoir de touriste: dévaliser les boutiques! Genève est une ville où il y a de l'argent, beaucoup d'argent. Les étrangers forment 43% de la population, employés par des centaines d'organisations internationales. Alors tous les Cartier, Piaget et autres Hermès ont pignon sur la rue du Rhône. Derrière, rue de la Croix d'or, ce sont les grandes surfaces qui se succèdent. Mais à Carouge, rien de tout ça. C'est le monde des artisans, des petites boutiques à prix doux. Celui de la chapelière, de la couturière qui ne touche que le lin, du caviste aux vins locaux, M. Delomier, du bijoutier Siebold, de ce vieux monsieur aussi, qui fabrique chaque pièce de chaque horloge qui sort de son atelier. Combien avez-vous mis d'heures à faire cette grande pendule, M. Kazes? «Je ne sais pas, qu'il répond, je ne compte pas mon temps.» Un horloger!