Des navires offrant (enfin) un signal satellite en mer. Des applications numériques implantées à la pelletée. D’innombrables mesures prises pour protéger l’environnement. La venue annoncée de croisières hivernales au Québec. Pas de doute, l’industrie des voyages en mer est en train de changer de visage.

Virage techno

De toute évidence, les croisières ont profité de la pandémie pour embrasser la technologie. Il est désormais fréquent de s’enregistrer en ligne avec un téléphone intelligent, d’y archiver sa carte d’embarquement, d’utiliser son appareil pour ouvrir sa cabine et ajuster les lumières, ou de réserver ses excursions et ses repas. « Les passagers peuvent même suivre leurs enfants, qui portent un bracelet électronique, un peu partout sur le navire », explique Céline Bussières, fondatrice de Miss Croisières média.

L’internet en mer

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Le Grandeur of the Seas du groupe Royal Carribean, à Miami

En août dernier, le groupe Royal Caribbean annonçait qu’il se brancherait à Starlink pour offrir un signal satellite partout. « Les gens veulent de plus en plus travailler en profitant des avantages d’être sur une croisière, dit la spécialiste. D’autres veulent garder contact avec leurs proches ou partager leur expérience sur les réseaux sociaux. Disons que certains forfaits internet étaient meilleurs que d’autres. Souvent, ça ne fonctionnait pas si la journée était nuageuse. »

Navires branchés

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le Zanndam, au port de Montréal

On sait déjà que l’industrie souhaite devenir carboneutre d’ici 2050, en misant entre autres sur des carburants alternatifs comme le gaz naturel liquéfié, l’hydrogène et le biodiesel. En parallèle, plus de 80 % des nouveaux navires commandés pourront se brancher à quai. « Avec son potentiel hydroélectrique, le Québec est l’un des endroits les mieux outillés pour accueillir de tels navires », affirme René Trépanier, directeur général de Croisières Saint-Laurent, qui représente les neuf ports de croisières internationales du fleuve. Il précise que les ports de Montréal, de Halifax et de Brooklyn offrent déjà le branchement, alors que ceux de Québec, de Boston et du Maine l’envisagent sérieusement.

Le poids carbone

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Le MSC Fantasia, au large d’Istanbul, en Turquie

Ayant mené une importante réflexion auprès d’une firme en développement durable, Croisières Saint-Laurent a ciblé 35 projets pour changer la donne à quai. Dans le lot, on remarque l’étude sur le poids carbone des navires lorsqu’ils naviguent sur le Saint-Laurent et quand ils sont à quai. « En ayant des indicateurs chiffrés, on va pouvoir établir un dialogue avec les compagnies », dit M. Trépanier. Il souhaite leur parler de compensations diverses. « Ça peut aller d’une suggestion de réinvestir dans la protection d’un marais à l’achat de produits alimentaires québécois qui seront servis à bord. Au lieu de répéter qu’ils sont de méchants pollueurs, on veut les impliquer dans le volet social et l’économie circulaire. »

Nouveau tour de taille

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Le Wind Surf de la compagnie Windstar

Évoluant dans l’industrie depuis 15 ans, René Trépanier a souvent entendu que le développement du Saint-Laurent serait limité parce que les navires de croisières devenaient de plus en plus gros. « Pourtant, la tendance s’est inversée au cours des cinq dernières années, observe-t-il. Il y a 90 petits navires d’expédition qui flottent ou qui sont en chantier. Il y a un besoin chez les gens de vivre des expériences dans des navires plus petits. » Un besoin exacerbé par la pandémie. « Les gens ont des craintes, même si les gros navires ont énormément investi dans leurs protocoles sanitaires, avec des inspections sur tous les plans, souligne Mme Bussières. L’industrie a beaucoup été mise à jour. » Néanmoins, on remarque une montée en popularité des croisières fluviales accueillant 100 personnes ou des navires océaniques de 600 passagers.

Long week-end en mer

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Le Serenade of the Sea, au large de Québec

Selon les études, les consommateurs cherchent davantage des séjours de courte durée. En 2019, 11 % des croisiéristes privilégiaient des voyages de moins de trois jours. Deux ans plus tard, les longs week-ends représentaient 19 % de la demande. En contrepartie, les voyages d’au moins 14 jours ont diminué de 3 % en popularité. Cela dit, les croisières standards de sept jours demeurent les plus populaires. Du côté des destinations, on pousse pour des escales plus longues. « Pour le développement durable, on n’aura pas le choix, dit René Trépanier. Comme une grande partie du Golfe est limitée à une vitesse de 10 nœuds, ça oblige les compagnies à réduire leur consommation de carburant et à repenser le temps passé dans nos escales. »

Pas ce que vous imaginez

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Le MSC Opera, dans le port de La Havane, à Cuba

Alors que certaines compagnies se vantent de n’avoir rien en commun avec les clichés associés aux croisières, l’industrie semble vouloir se défaire d’une image conservatrice. Résultat : des marques offrent des voyages sans enfant, exclusivement pour célibataires, pour les personnes LGBTQ+, pour les femmes qui veulent voyager seules et dans de nouvelles destinations. « Les petits et moyens navires peuvent se faufiler dans des ports où les gros n’ont pas accès, parce que c’est impossible pour eux de stationner ou parce que l’endroit ne peut pas recevoir des milliers de passagers d’un coup », explique Céline Bussières. Ainsi, les croisières s’arrêtent plus souvent dans de petites îles comme Sainte-Lucie et la Martinique. « On n’est pas dans la run de lait qui va toujours à Saint-Thomas, Saint-Martin ou San Juan », précise-t-elle.

Une croisière de Noël

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Le MS Roald Amundsen

René Trépanier trépigne à l’idée que le Québec puisse accueillir des croisières hivernales dans quelques années. « On ferait des croisières dès décembre avec une thématique de Noël jusqu’à la fonte des glaces, dit-il. L’hiver québécois est très commercialisable. La voie du Saint-Laurent est dégagée. » Alors que la Scandinavie et l’Europe du Nord ont depuis longtemps développé le créneau, il est convaincu que la province a ce qu’il faut pour attirer les amoureux de la saison froide. « On va pouvoir offrir des activités sportives comme la motoneige, les traîneaux à chiens, la pêche sur la glace ou le ski. Observer les blanchons aux Îles-de-la-Madeleine durant une fenêtre de trois semaines en hiver. Ou faire la remontée spectaculaire du fjord du Saguenay. Le potentiel est énorme ! »