En achetant la division des téléphones mobiles de Nokia pour 7,5 milliards de dollars canadiens, Microsoft imite tardivement Apple, Google et BlackBerry, qui conçoivent déjà tous deux à la fois des téléphones intelligents et leur système d'exploitation. L'impact de la transaction pourrait s'étendre jusqu'au marché des ordinateurs, espère Microsoft.

Un mariage éprouvé

Comme un couple qui se marie, Nokia et Microsoft se fréquentent déjà depuis quelque temps. Nokia s'était déjà engagée en février 2011 à n'utiliser que la plateforme Windows Phone pour ses téléphones intelligents.

La gamme Lumia, née de cette union, a connu un succès modeste, mais suffisant pour permettre à Windows Phone de devancer BlackBerry comme troisième plateforme mobile dans au moins 34 marchés, dont les États-Unis, la Chine, la Russie et le Brésil.

«Certains diront que troisième, ce n'est pas deuxième ou premier, mais je vous répondrai que pour être deuxième, il faut d'abord être troisième», s'est félicité le PDG de Microsoft, Steve Ballmer.

Nokia a écoulé 7,4 millions de téléphones intelligents Lumia au dernier trimestre.

Trois raisons

Selon Steve Ballmer, il y a au moins trois raisons pour lesquelles Microsoft et Nokia seront meilleures ensemble que comme partenaires distincts.

D'abord, la transaction permettra à Microsoft d'augmenter et de simplifier ses efforts de marketing. «On peut probablement faire mieux comme nom pour attirer le consommateur que le «Nokia Lumia Windows Phone 1020», mais pour différentes raisons liées à chaque entreprise, on n'arrivait pas à le raccourcir», a-t-il illustré.

Il sera aussi plus facile d'innover. Ainsi, même si le Lumia 1020 offre des fonctions photo inédites, grâce surtout au côté matériel, «ensemble, nous aurions certainement redoublé d'efforts pour y greffer de meilleurs logiciels et services», a expliqué M. Ballmer.

Finalement, les deux entreprises gagneront en agilité. Quand deux entreprises décident séparément dans quels pays et auprès de quels opérateurs de réseau affecter le plus de ressources, il se crée inévitablement des inefficacités qu'une entreprise réunie pourra éviter.

Microsoft continuera d'offrir sa plateforme à d'autres fabricants. Samsung, HTC et Huawei fabriquent présentement des appareils avec Windows Phone 8.

Succès possible

Malgré la foule de sceptiques, il est possible que cette transaction permette bel et bien à Microsoft d'accélérer sa croissance dans le marché des téléphones intelligents, estime l'analyste Michael Walkley, de Canaccord Genuity.

«Nos récents coups de sonde indiquent une amélioration constante des ventes du Lumia 520 et d'autres modèles d'entrée ou de milieu de gamme. En fait, les ventes du 520 sont solides non seulement dans les marchés émergents [...], mais aussi dans des marchés établis comme les États-Unis ou le Royaume-Uni. Nous croyons qu'avec son bilan financier solide et sa nouvelle concentration sur les appareils, Microsoft peut accélérer le momentum de la plateforme Windows Phone 8.»

Terry Myerson, vice-président aux systèmes d'exploitation chez Microsoft, a rappelé que Microsoft avait réussi, lors de la dernière décennie, à faire très bien progresser la plateforme Exchange et la console de jeux vidéo Xbox malgré de faibles parts de marché au départ.

Prix élevé

Microsoft déboursera au total 5,44 milliards d'euros (7,55 milliards CAN) pour la division de Nokia et un accès de 10 ans à son portefeuille de brevets.

Pour l'analyste Tim Long, de BMO Marché des capitaux, qui a évalué la transaction du point de vue de Nokia, il s'agit d'un prix inespéré.

«Nous ne nous attendions pas à une transaction de ce genre et, même si nous l'avions fait, les termes sont beaucoup plus avantageux pour Nokia que ce que nous aurions prévu.»

Les marchés ont semblé partager ce point de vue. L'action de Nokia a progressé de plus de 30% au cours de la journée d'hier, alors que celle de Microsoft perdait 4,5%.

Un impact sur l'ensemble de Microsoft

Du succès dans le marché des téléphones intelligents dépend celui des tablettes, a reconnu Steve Ballmer. Et le succès dans le marché des tablettes, a-t-il poursuivi, se transmet de plus en plus à celui des ordinateurs.

«D'une certaine façon, donc, un investissement réussi dans le marché des téléphones intelligents aura des répercussions sur l'ensemble de ce que l'on fait, ce qui, en plus, aura pour effet d'attirer davantage les développeurs d'applications», a-t-il résumé.

Ballmer a d'ailleurs maintes fois reconnu, hier, que la plateforme Windows Phone accuse un retard au chapitre des applications offertes, écart que Microsoft vise à combler.

Des millions de clients à convertir

En plus des téléphones intelligents Lumia, Microsoft hérite de la forte présence de Nokia dans le marché des téléphones mobiles "réguliers". L'entreprise finlandaise a livré plus de 53 millions d'appareils du genre au dernier trimestre. Microsoft y voit une occasion de fidéliser ces clients à sa plateforme au moment où ils feront la transition à un téléphone intelligent.

Microsoft pourra continuer d'utiliser la marque Nokia pendant 10 ans pour les appareils de ce genre.

Un prétendant de moins pour BlackBerry

Cette transaction élimine vraisemblablement la possibilité que Microsoft se porte acquéreur de BlackBerry. Après un bond d'un peu plus de 3% en matinée, l'action du géant canadien a terminé la journée avec une hausse plus modeste de 1%.