Les combattants squelettes ne battent que brièvement en retraite avant de charger Zhao Jing, 23 ans, qui les arrose avec deux revolvers géants, sur les battements d'une musique électronique.

ChinaJoy, la plus grande exposition chinoise de jeux vidéos, est aussi le royaume du «Cosplay» chinois, jeu de rôle en costumes dont les adeptes incarnent leurs héros préférés de mangas, d'animation, de jeux vidéo... Venu du Japon, où il a émergé il y a presque deux décennies, le Cosplay a désormais ses fans en Chine, jeunes gens vivant à mi-chemin entre réalité et fantastique. 20 000 ont participé à différents concours cette année, selon ChinaJoy, organisateur des championnats nationaux.

Zhao Jing fait partie d'une équipe de 36 membres de la ville de Hangzhou (est), qui s'entraînent depuis des mois entre trois et cinq heures par jour pour leur représentation de 12 minutes de «Soul of the Ultimate Nation», jeu de rôle en ligne massivement multijoueurs, MMORPG dans le jargon.

«Je ne peux pas travailler à plein temps», dit la jeune fille qui depuis sept ans prend part aux tournois, entre mars et août.

Ses efforts ont été récompensés l'an dernier quand elle a été choisie pour représenter la Chine au Sommet mondial du Cosplay d'Aichi, au Japon. Son équipe s'est classée en deuxième position parmi les 14 en lice.

Les champions nationaux remportent des prix de 10.000 yuans (quelque 1.000 euros), le dixième de ce que gagnent les plus grandes équipes internationales, selon ChinaJoy.

Les compétiteurs de niveau national sont aujourd'hui un millier contre 600 l'an dernier.

«Les autres filles aiment aller dans les bars, faire des courses. Moi ce qui me plaît, c'est de regarder des dessins d'animation et de jouer les personnages que j'aime», explique Zhao.

A en juger par les participants de ChinaJoy, Zhao n'est pas la seule dans ce cas. Son équipe est d'ailleurs plus qu'à moitié composée de jeunes filles, dont beaucoup déguisées en zombis et squelettes.

Tian Jing, étudiante en arts du Shanxi (nord), qui attend une aide pour coiffer une perruque bleue, raconte aussi l'incompréhension de certaines amies.

«Elles pensent que c'est une perte de temps et d'argent. Moi je leur dis qu'on peut en retirer beaucoup, comme d'apprendre la patience, ou à faire des choses», dit gaiement la jeune fille de 22 ans.

L'une des fiertés, normalement, des joueurs est de fabriquer eux-mêmes leurs déguisements, avec un soin de costumière de théâtre, après avoir étudié avec la plus extrême minutie leurs personnages, leurs vêtements, accessoires, attitudes.

«On fait naître pour de vrai un monde imaginaire» explique Zhang Li, 23 ans, bibliothécaire à Nankin, les cheveux relevés derrière une tiare.

«Je suis devenue accro», confesse-t-elle.

Zhang Li est dans la compétition depuis cinq ans mais n'a avoué sa passion à ses parents -- de stricts enseignants -- que l'an dernier: elle avait fait équipe avec Zhao, gagné le championnat chinois et avait besoin de leur aval pour partir au Japon.

«Ils ont été en colère. Mais contents aussi quand j'ai fini deuxième. Maintenant ils me permettent le Cosplay tant que ça ne perturbe pas ma vie», dit-elle.

Le succès du Cosplay chez ces jeunes adultes a beaucoup à voir avec l'énorme pression pesant sur les adolescents chinois pour qu'ils réussissent en classe.

Pour Sun Yunwei, juge de Cosplay et cadre chez Shanghai Digital Content, une agence de promotion de l'industrie, ces jeunes rattrapent des plaisirs manqués à l'adolescence.

«C'est lié à notre système éducatif. Collégiens et lycéens n'ont pas le temps de s'intéresser à tout ça, même s'ils aiment», dit Sun.

«Une fois à la fac, ils peuvent s'investir là-dedans», ajoute-t-il.

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