Il est de moins en moins possible de réparer soi-même des appareils ayant un système électronique - des électroménagers aux voitures en passant par les tracteurs -, parce que les fabricants ne dévoilent pas leurs schémas internes.

Parfois, ils considèrent même que le logiciel dans le système électronique leur appartient toujours et ne peut être contourné - selon les fabricants, il s'agirait de piratage. Un mouvement de contestation est né aux États-Unis.



iFIXIT


En 2003, deux étudiants en génie de Cal Poly, en Californie, ont décidé de réparer leur vieux iBook, un ordinateur portable d'Apple. Sans livret d'instructions ni pièces de rechange, ils ont dû procéder par essais et erreurs et trouver des pièces dans d'autres iBook usagés.

Le service iFixit, qui vise le partage d'instructions de réparation et la vente de pièces, était né. Depuis, le service, qui se double d'un wiki, est à l'avant-plan de la campagne du « droit à réparer ».

Un autre organisme américain, le Digital Right to Repair, a réussi à lancer des projets de loi dans les États de New York et du Minnesota qui obligeraient les fabricants de tout appareil électronique à fournir des pièces, des manuels de réparation et surtout les informations sur les logiciels de diagnostic.

Le service iFixit s'est allié à la campagne, citant le nombre croissant d'entreprises qui mettent des bâtons dans les roues des réparateurs indépendants - Nikon, Apple, Microsoft pour sa Xbox, le fabricant de cafetières Keurig... De leur côté, les fabricants affirment que le contrôle des logiciels et des réparations est essentiel pour assurer la qualité du fonctionnement de leurs appareils.

LE PRÉCÉDENT AUTOMOBILE

En 2009, l'industrie automobile canadienne a accepté de fournir les logiciels de diagnostic de leurs voitures aux garagistes indépendants. Cet engagement survenait après l'introduction d'un projet de loi fédéral sur le sujet et une campagne de plusieurs années des revendeurs de voitures et des garagistes non liés aux concessionnaires. Aux États-Unis, le combat du « droit à réparer » n'est pas terminé, aucun projet de loi n'ayant réussi à franchir les deux chambres du gouvernement fédéral ou celles des États.

CULTURE AGRICOLE

L'un des secteurs où le « droit à réparer » fait le plus de vagues est celui des fermes. Les agriculteurs ont depuis longtemps l'habitude d'entretenir eux-mêmes leur machinerie. Une récente émission de la radio publique américaine NPR relatait l'histoire d'un agriculteur du Nebraska qui n'avait pas pu obtenir du fabricant de sa moissonneuse les informations nécessaires au contournement d'un capteur de pression défectueux qui poussait le logiciel de la moissonneuse à empêcher son démarrage. Il avait dû attendre deux jours pour un nouveau capteur de pression.

En avril dernier, John Deere a réagi à un article dans le magazine Wired de l'un des fondateurs d'iFixit, Kyle Wiens, en affirmant qu'être propriétaire d'un tracteur « ne donne pas le droit de copier, de modifier ou de distribuer le logiciel associé à cet équipement », en faisant le parallèle avec un livre. M. Wiens a indiqué que le parallèle était boiteux : il est possible d'écrire dans un livre, de tourner le coin d'une page pour marquer l'endroit où on est rendu, voire d'en déchirer une pour l'encadrer.

Au Québec, la question du droit à réparer ne fait pas jaser dans les fermes, selon Patrice Juneau, conseiller aux affaires publiques de l'Union des producteurs agricoles. « Ça m'apparaît très américain comme problématique ou débat », dit M. Juneau.

SOUHAITABLE POUR L'ENVIRONNEMENT

La possibilité de réparer ses appareils électroniques serait une bonne nouvelle pour l'environnement, selon la campagne Digital Right to Repair. Ces appareils sont souvent difficiles à recycler et se retrouvent généralement dans des pays du tiers-monde, où leurs composantes toxiques causent des ravages dans les collectivités pauvres, les seules qui demandent des salaires assez bas pour justifier leur recyclage. L'un des slogans du « Manifeste du droit à réparer » d'iFixit est d'ailleurs : « réparer est mieux que recycler ».

QUELQUES APPAREILS QU'ON PEUT RÉPARER

Voici quelques-uns des appareils qu'iFixit aide à réparer.

1. iPod Nano : en 12 étapes, on peut remplacer l'une des cartes du baladeur.

2. L'écran des lunettes de réalité virtuelle Oculus Rift : un abonné suggère de le remplacer par un écran d'iPod Mini ou par un écran Innolux en vente sur Amazon.

3. Les portables Toshiba : depuis 2013, iFixit demande à ses abonnés de lui envoyer des portables Toshiba afin de créer des manuels de réparation, après que l'entreprise eut obligé un blogueur australien, Tim Hicks, à retirer de son site de tels manuels.