Pierre Perron a sorti l'objet d'un étui noir. Ça ressemblait à une grosse balle de golf avec sa traînée. «Il pèse 180 g de moins que notre modèle précédent», a fièrement lancé le directeur du marketing international de Louis Garneau Sports en exhibant le tout nouveau casque du manufacturier cycliste de Saint-Augustin-de-Desmaures, dans la région de Québec.

C'était la semaine dernière, sous le chaud soleil de Nice. La formation Europcar, habillée par Garneau (casques, vêtements, chaussures pour certains), s'apprêtait à disputer le contre-la-montre par équipe du Tour de France. L'objectif était de limiter les pertes pour le grimpeur Pierre Rolland, qui visait alors une place parmi les cinq premiers au classement général final. Chaque seconde comptait.

Pour Pierre Perron, la course contre la montre avait débuté au printemps, au moment de concevoir ce nouveau casque, le P09, dont le modèle virtuel a été mis au point chez Lx Sim à Bromont, spécialisée dans la simulation d'ingénierie. L'objectif principal était de réduire la surface du casque et d'améliorer la circulation de l'air.

«On a réduit le volume de 10 %», explique le directeur du marketing. La queue du casque a aussi été remodelée de façon à ce que le rejet de l'air soit plus fluide.

Un prototype en plastique a ensuite été fabriqué pour des évaluations en soufflerie au Conseil national de recherches, à Ottawa.

Après des réglages, le casque a finalement été testé au vélodrome de Los Angeles, trois semaines avant le début du Tour. Pierre Perron a pu profiter de l'expertise et des commentaires de Craig Alexander et de Rachel Joyce, deux champions du monde de triathlon longue distance.

Une autre entreprise québécoise a été mise à profit: Alphamantis Technologies, firme montréalaise spécialisée dans l'analyse en mouvement. «Ils travaillaient déjà avec Garmin. Ils m'ont appelé», raconte Pierre Perron. Les instruments d'Alphamantis ont permis de prendre des mesures précises en temps réel. «Nos cyclistes avaient des capteurs partout sur le corps. Ça nous donnait un paquet de données sur les coefficients de résistance en mouvement.»

Une vitrine pour les manufacturiers

Pierre Perron a vécu son véritable «stress» moins de deux semaines avant le début du Tour, lors de l'essai des nouveaux casques par les coureurs

d'Europcar, pendant un entraînement en Vendée. «Tout le monde était aux anges», assure-t-il.

L'étroitesse de l'armature est frappante. À Nice, David Veilleux a souligné qu'il fallait étirer la coque un peu pour pouvoir y glisser les oreilles. Peu à l'aise, Kévin Reza a préféré passer son tour.

Le P09 sera en vente en janvier, au prix de détail suggéré de 339$. Principal marché visé: le triathlon.

C'est aussi ça, le Tour de France: une vitrine pour les manufacturiers qui veulent mettre en valeur leurs produits haut de gamme. Associé à Europcar depuis les débuts en 2010 - et bien avant avec Brioches La Boulangère et Bouygues Telecom -, Garneau juge l'association profitable, notamment pour s'installer dans le marché européen, considéré comme fermé.

«La demande est là, affirme Pierre Perron. Il faut maintenant s'attaquer à la commercialisation et s'assurer de continuer à développer notre réseau de distributeurs.»

Le casque P09 a été ressorti hier pour le contre-la-montre individuel du Mont-Saint-Michel. Avec le recul de Rolland au classement général, la pression chronométrique n'avait cependant plus le même sens.

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Les vélos sur le Tour ? Oui, mais...

Le maillot à pois de Pierre Rolland et l'échappée de David Veilleux en Corse ont comblé les attentes de Pierre Perron au Tour de France. «Mon Tour est déjà accompli à 50 %», disait le directeur du marketing international de Garneau, la semaine dernière, à Nice. «Le reste, c'est du bonus.»

La présence de Veilleux chez Europcar a un grand impact auprès des détaillants nord-américains, souligne Perron. «Ça montre que ce ne sont pas juste des produits, mais aussi un athlète qu'on soutient depuis ses débuts.»

L'homme d'affaires Louis Garneau ne s'en cache pas: il rêve de voir ses vélos sur le Tour. «Au niveau des vélos, tout est question d'opportunités, prévient Pierre Perron. On veut faire ça à la Garneau: une étape à la fois.»

Ce dernier estime que l'équipement, testé par l'équipe continentale Garneau-Québecor, est prêt pour les grandes ligues depuis «deux ou trois ans».

Sans se «mettre de pression», il ne «ferme pas la porte» à une commandite de vélos pour une équipe du WorldTour dès l'an prochain. Il en évalue le coût entre 1 et 1,2 million d'euros, en plus de 300 ou 400 vélos. «C'est une grande décision, il faut bien la planifier, plaide le directeur du marketing. Oui, ça peut ouvrir un marché, mais si on n'est pas en mesure de livrer les produits, ce n'est pas mieux.»

Perron refuse aussi «les risques à la Cervélo», le fabricant canadien qui a lancé sa propre équipe professionnelle avant de la saborder un an plus tard. «Ils ont mis neuf millions là-dedans et ç'a mis la compagnie en péril», soutient-il.