La demi-finale de Roland-Garros entre Novak Djokovic et Carlos Alcaraz était en train de devenir le match de l’année. Jusqu’à ce que l’Espagnol soit pris de crampes. Le Serbe a vaincu son jeune rival en quatre manches 6-3, 5-7, 6-1 et 6-1.

La finale avant la finale, disait-on, à propos du match de demi-finale entre les deux joueurs les plus dominants au monde.

Jusqu’en début de troisième manche, la prophétie s’est avérée, et les attentes étaient comblées. Les deux assaillants étaient en train de donner ce que le tennis a de mieux à offrir.

Il y avait de tout. Des frappes lourdes et précises, de longs échanges, de la délicatesse au filet et, surtout, un respect mutuel entre deux grands s’échangeant les politesses.

Djokovic avait remporté la première manche et Alcaraz, la deuxième. Alors que cette rencontre était devenue un deux de trois, une malencontreuse blessure à la jambe droite d’Alcaraz, en plus de crampes intenses, ont jeté une ombre à ce spectacle grandiose lors d’une journée ensoleillée à Paris.

Alcaraz a même cédé un point à son adversaire pour pouvoir recevoir des traitements dans l’immédiat pour tenter de se soulager. Mais rien à faire. Diminué pour le reste du match, Alcaraz est demeuré debout, en attendant seulement que Djokovic finisse par remporter les six jeux nécessaires pour plier la rencontre.

« Je suis déçu de moi », a dit Alcaraz, qui a fait porter la faute des crampes à la « tension du moment ».

« J’étais arrivé pour jouer ce match en me sentant très bien physiquement, et j’ai eu des crampes à partir de la fin du deuxième set, début du troisième. Les crampes ont commencé dans le bras. Au début du troisième set, j’ai commencé à avoir des crampes dans tout le corps, pas seulement dans les jambes. J’avais vraiment du mal à bouger dans le troisième set. Puis j’ai eu une petite chance dans le quatrième, mais c’était vraiment difficile. Ça me fait mal de quitter Roland-Garros comme ça, mais je suis un garçon positif et donc j’y vois une bonne expérience. »

À sa 70participation en tournoi majeur, Djokovic atteint la finale pour la 34fois. Sa septième à la Porte d’Auteuil.

Une déception

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Novak Djokovic

Le plus regrettable dans ce match, ce n’est pas ce qui est arrivé, mais plutôt ce qui n’est pas arrivé.

Les deux joueurs ont connu des ennuis de santé dans les dernières semaines. Alcaraz à la jambe. Djokovic au bras. Les deux sont arrivés sur le court Philippe-Chatrier quelque peu éclopés.

Malgré tout, leur niveau et leur rendement laissaient croire à une rédemption, des deux côtés.

Il y avait tant à l’enjeu. D’une part, Djokovic était en mission. Il voulait accéder à la finale pour tenter d’enlever son 23titre en tournoi majeur pour ainsi devancer Rafael Nadal sur ses terres. D’autre part, Alcaraz, le digne héritier du toréador, bataillait pour rafler un premier titre à Roland-Garros, là où il gagnera assurément un jour.

L’entame de match a été à la hauteur des attentes. C’était possiblement le match de l’année sur le circuit de l’ATP.

C’est pourquoi la plus grande déception au terme de ce duel est de ne pas avoir eu droit à ce à quoi on s’attendait. Du moins sur cinq manches, parce que le début de match a été d’une qualité exceptionnelle. À l’image des capacités des deux gladiateurs.

Depuis le début de la quinzaine, Alcaraz a écrasé et terrassé chacun de ses adversaires. Notamment grâce à un coup, sa désormais signature, le coup droit coupé, en amorti. Sur terre battue, ce coup bien exécuté devient l’équivalent d’une dose létale.

Toutefois, Djokovic a rapidement contrecarré ses plans. D’abord, en montant au filet régulièrement, réduisant ainsi la marge de manœuvre de son adversaire dans le haut du terrain. Puis, en lui offrant des balles hautes et profondes, rendant ainsi difficile le placement d’amortis. Stratégiquement, le vétéran a été plus fort que son rival, de 16 ans son cadet.

La seule faille du Serbe a été au service. Sans être catastrophique, il a ouvert la porte au premier joueur mondial en n’étant pas aussi redoutable qu’il peut l’être. Au cours de la deuxième manche, la plus serrée du match qui plus est, Alcaraz a répondu.

Inefficace en balle de bris jusqu’au huitième jeu avec un ratio de zéro en cinq, l’Espagnol a brisé Djoko. Il l’a aussi refait dans le dernier jeu de la manche. Alcaraz a déstabilisé le double champion du tournoi en prenant ses aises et en allant chercher chacun des angles, même les plus restreints, offerts par le Djoker.

C’était un match de tous les instants, jusqu’à ce que le corps d’Alcaraz ne réponde plus.

À la hauteur de l’homme

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Sans raison apparente, Carlos Alcaraz s’est tordu de douleur. Sa jambe droite étant visiblement le problème. La douleur était telle que le joueur de 20 ans a laissé tomber sa raquette, figé par l’inconfort.

À la fin du deuxième jeu de la troisième manche, en réception de service, Alcaraz a bondi, comme le font des joueurs sur le point de retourner le service d’autrui pour s’avancer dans le terrain.

Mais sans raison apparente, Alcaraz s’est tordu de douleur. Sa jambe droite étant visiblement le problème. La douleur était telle que le joueur de 20 ans a laissé tomber sa raquette, figé par l’inconfort. Djokovic est venu le voir et parce que la douleur était persistante, il a fait appel au médecin. Cependant, comme le total des points n’était pas impair et que le moment de changer de côté n’était pas venu, il a dû concéder un point à son adversaire.

Le traitement, au genou ou à la cuisse, a duré quelques secondes, et Alcaraz est revenu dans l’action. Mais sans bouger. Chaque mouvement semblait pénible. Il a laissé filer la manche. Malgré un arrêt au vestiaire entre le troisième et le quatrième chapitre, le mal était fait.

La dernière manche a été une balade dans le parc pour Djokovic, qui n’a pas hésité à saluer le courage de son adversaire après le match.

« Je veux juste dire avant toute chose que je trouve ça dommage pour Carlos, a-t-il lancé après s’est fait complimenter sur sa victoire. Je me sens mal pour lui, j’espère qu’il pourra bien s’en remettre. […] Je veux lui dire bravo pour son esprit compétitif et de s’être battu jusqu’au dernier point. J’ai beaucoup de respect pour lui ! »

« J’aurais eu honte d'abandonner, a expliqué Alcaraz. J’étais en demi-finale d’un Grand Chelem ! Dans le quatrième set, je me donnais 1 % de chances de pouvoir revenir, j’ai même eu une balle de bris dans le premier jeu. Mais ensuite, j’ai juste continué de jouer, il n’était pas question d’abandonner. »

Alcaraz représente l’avenir du tennis. Peu de joueurs ont le privilège d’être comparés à Roger Federer et Rafael Nadal, non seulement en termes de style, mais aussi de classe, de respect et d’attitude. Alcaraz est l’un d’eux. À l’image de Federer, qui n’a jamais mis fin prématurément à un match en raison de blessure pendant toute la durée de sa carrière, Alcaraz est resté dans la rencontre en dépit de ses douleurs, par respect pour son adversaire, les spectateurs et son sport. C’est la marque des plus grands et même s’il devra patienter pour gagner son deuxième majeur, Alcaraz en fait déjà partie.