Tout a commencé à Indian Wells pour Bianca Andreescu. Il y a quatre ans, elle soulevait le premier trophée de sa carrière sur le circuit de la WTA sous le bouillant soleil du désert californien. Depuis, elle est devenue une femme accomplie. Elle est surtout devenue une joueuse plus patiente, car elle sait que ça prend du temps pour revenir au sommet.

Depuis le début de la semaine, Andreescu ne s’est pas arrêtée une seule seconde. Elle est l’une des têtes d’affiche du tournoi le plus important du printemps. Celui que certains considèrent comme le cinquième tournoi majeur de la saison.

Si elle fait autant de promotion, c’est non seulement parce que la Canadienne est une ancienne championne, mais surtout parce qu’elle est encore extrêmement populaire. Elle avait aussi pris la pose à maintes reprises et réalisé de multiples entrevues lors de son passage en Thaïlande il y a quelques semaines.

La journée où elle s’est entretenue avec La Presse, elle a aussi pris part à des engagements avec la WTA et l’entreprise Head, l’un de ses principaux commanditaires.

Andreescu a énormément évolué depuis son sacre à Indian Wells en 2019. Dans les mois suivants, elle a remporté l’Omnium Banque Nationale et les Internationaux des États-Unis. Toutefois, elle n’a gagné aucun titre depuis.

« Je me perçois différemment », explique la 36e raquette mondiale.

Auparavant, elle se définissait davantage par ses résultats, mais le temps a fait son œuvre. « Dorénavant, je suis capable de me dire que j’ai donné le meilleur de moi-même, même si je perds, et quand même être heureuse. Rire avec mon équipe, aller souper et ne pas m’enfermer dans ma chambre pendant deux ou trois jours. »

Une chose, plus que tout, lui a permis d’être en paix avec son métier. La patience.

« C’est un mot énorme, dit-elle lorsqu’on le lui suggère. Depuis que je suis jeune, la patience n’a jamais été une grande qualité et, maintenant que je suis plus mature, j’ai appris sur moi-même et sur mon sport. »

De la patience, elle a dû en cultiver. Les blessures l’ont rattrapée et l’ont empêchée d’exploiter tout son potentiel. Son corps l’a laissée tomber plusieurs fois. Assez pour l’éloigner des courts pendant de longues périodes. « Ce n’est pas toujours facile, être une athlète, parce que tu dois toujours négocier avec des pépins de santé, même si mentalement tu te sens bien et que ton jeu est adéquat. »

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Bianca Andreescu au repos lors d’un match contre Maria Sakkari, au US Open, en septembre 2021

Elle l’a appris à ses dépens, justement en Thaïlande, où elle a dû abandonner en plein match de demi-finale face à Lesia Tsurenko. Avant ce match, elle n’avait perdu aucune manche en trois affrontements.

Néanmoins, « je dois être reconnaissante, raconte-t-elle, parce que je n’ai aucune blessure sérieuse, donc je peux récupérer rapidement et enchaîner les tournois. Chaque semaine, j’espère que la prochaine sera meilleure, et les dernières semaines ont été meilleures. »

Revenir au sommet

À 22 ans, Andreescu croit que le meilleur est encore à venir. Elle refuse toutefois de se fixer des objectifs trop concrets. Son bonheur ne sera pas défini par le nombre de matchs gagnés, de tournois disputés ou de places gagnées au classement.

À un point tel que c’est nous qui lui avons appris qu’elle était la Canadienne la mieux classée.

Pour moi, c’est juste d’être heureuse, d’avoir du plaisir, de rester en santé et de travailler fort. Parce que je sais qu’avec ça, le reste viendra.

Bianca Andreescu

Le reste, c’est obtenir une place dans le top 10 et remporter un autre tournoi du Grand Chelem. « Je n’ai pas d’échéancier, clame-t-elle, mais cette année, ce serait chouette », lance-t-elle en riant.

Il peut être grisant d’atteindre les plus hautes sphères de sa discipline, comme lorsqu’elle a accédé au quatrième rang mondial en octobre 2019. En revanche, la chute peut être brutale, comme lorsqu’elle a dégringolé jusqu’au 121e rang en avril 2022.

Avec le temps, elle a appris à laisser aller certains sentiments. À limiter les excès, dans la joie ou dans la peine, et à en faire juste assez. Pour gagner ou pour être heureuse.

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La Canadienne Bianca Andreescu a remporté le tournoi d’Indian Wells en 2019.

« Je suis quelqu’un qui est toujours en quête de plus et, parfois, j’ai besoin de me parler pour ne pas me faire prendre au jeu. C’est correct d’avoir de mauvaises journées. Ce n’est pas bon de toujours se mettre trop de pression sur les épaules. »

Il y a quatre ans, Andreescu avait 18 ans. Elle était remplie de promesses et d’espoir. Elle était aussi une gagnante. Si elle avait la chance de reparler à cette gamine rêveuse, assise dans le vestiaire du Tennis Garden à côté de son gros trophée, elle aurait tant à lui dire.

« Je lui dirais de ne rien tenir pour acquis et d’en profiter le plus possible. D’être prudente avec toute l’attention médiatique, parce que ça pourrait l’atteindre. Et surtout de s’assurer de faire des choses qui profitent au plus de gens possible. S’impliquer dans une fondation, s’impliquer auprès d’une œuvre de charité, signer des raquettes, prendre des photos. En fin de compte, c’est ce qui importe. »