Wimbledon sera différent cette année. C’est sans point au classement et sans joueur russe ou biélorusse que le troisième tournoi majeur de la saison sera disputé. Un tournoi qui risque de passer à l’histoire pour les mauvaises raisons.

En avril, les organisateurs du tournoi ont annoncé, en réponse à la guerre en Ukraine, que tous les joueurs originaires des pays de Vladimir Poutine et d’Alexandre Loukachenko n’allaient pas pouvoir participer au plus prestigieux rendez-vous tennistique au monde.

Ainsi, quelques semaines plus tard, l’ATP et la WTA ont décidé, d’un commun accord, de suspendre l’attribution de points pour l’édition 2022. Donc, que ce soit dans la défaite ou dans la victoire, les performances de tous les joueurs ne seront que symboliques.

Des absents de taille

Avec cette position, Wimbledon se prive de la présence de certains des meilleurs joueurs de la planète. À commencer par Daniil Medvedev, numéro un mondial. Sans oublier Andrey Rublev, 8e joueur au monde, et Karen Khachanov, 22e au classement.

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Daniil Medvedev

Du côté féminin, Aryna Sabalenka, sixième joueuse mondiale, sera la meilleure à ne pas avoir accès au tournoi. Daria Kasatkina, 13e mondiale, et Victoria Azarenka, qui pointe au 20e rang, vont aussi manquer aux amateurs de tennis.

Pour justifier sa décision, le tournoi a déclaré qu’il était « de notre responsabilité de jouer notre rôle dans les efforts répétés du gouvernement, des industries et des institutions sportives et culturelles pour limiter l’influence mondiale de la Russie par les moyens les plus puissants possibles ».

Ce qui a irrité plusieurs acteurs dans le milieu du tennis, c’est que des joueurs soient punis pour des agissements indépendants de leur volonté. D’autant que la plupart des joueurs se sont exprimés en défaveur de l’invasion russe en Ukraine.

C’est une chose de bannir les athlètes russes lorsqu’ils représentent leur drapeau lors de compétitions internationales, comme une Coupe du monde. Cependant, dans un tournoi comme Wimbledon, les joueurs représentent leurs propres intérêts, pas ceux de leur patrie, ont soulevé plusieurs intervenants, dont Martina Navratilova, championne de 18 tournois en Grand Chelem. « Une telle exclusion, sans que ce soit la faute des joueurs, ce n’est pas la bonne manière de procéder. Je crois que c’est une mauvaise décision. Le tennis est un sport tellement démocratique. C’est difficile de voir la politique le détruire. »

La réplique

Pour contrer cette situation que l’ATP et la WTA ont jugé injuste, tout le monde se retrouve sur un pied d’égalité. Si les Russes et les Biélorusses ne pouvaient pas avoir de points, personne n’en aurait.

« Nos règles et accords existent afin de protéger les droits des joueurs dans leur ensemble. Des décisions unilatérales de cette nature, si elles ne sont pas prises en compte, créent un précédent dommageable pour le reste du circuit. La discrimination par des tournois n’est pas viable sur un circuit qui opère dans plus de 30 pays », a expliqué l’ATP dans un communiqué au mois de mai.

Plusieurs joueurs ont aussi réagi à cette décision. Finaliste l’an dernier, Matteo Berrettini pense qu’il s’est fait « complètement avoir ». Il insiste sur le fait « qu’il s’agit d’une décision difficile. J’ai tellement de points à défendre et maintenant, je ne peux plus le faire ».

« C’est difficile, a aussi souligné Novak Djokovic. Je dirais que c’est une situation de laquelle tout le monde sort perdant. »

Pour sa part, la Japonaise Naomi Osaka, qui ne disputera pas le tournoi, avait dit il y a quelque temps que si elle jouait à Wimbledon sans point, « ça ressemblera plus à un tournoi d’exhibition ». « Puis lorsque je sais que ça ne compte pas, je ne peux juste pas donner mon 100 %. »

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Sloane Stephens

Et Sloane Stephens, membre du conseil des joueuses de la WTA, n’a pas mâché ses mots : « Quand on regarde les principes du circuit et ce pourquoi on se bat, la discrimination n’est pas tolérée. C’est exactement ce qui arrive. Tant et aussi longtemps que ça tiendra, il n’y aura pas de points. »

Puis, pour la numéro un mondiale Iga Swiatek, avec ou sans point, elle jouera pour gagner : « Je me fous un peu des points. Ça demeure Wimbledon. C’est l’un des plus importants tournois de la saison. »

Le prestige demeure, mais l’équité est subjective. Reste à voir maintenant si les gagnants seront reconnus à leur juste valeur, ou bien s’il y aura un astérisque à côté de leur nom pour rappeler la signification de ce tournoi hors de l’ordinaire.