(Paris) Wimbledon, considéré comme le plus grand tournoi du monde, pourrait devenir cet été la plus prestigieuse exhibition de tennis : l’ATP et la WTA, qui gèrent les circuits masculin et féminin, ont décidé vendredi de ne distribuer aucun point au Majeur sur gazon s’il maintient sa décision d’exclure Russes et Biélorusses en raison de la guerre en Ukraine.

« Si rien ne change, c’est avec un immense regret et à contrecœur que nous ne voyons pas d’autre possibilité que de retirer les points ATP à Wimbledon pour l’édition 2022 », a annoncé l’instance dans un communiqué. Une position imitée quelques minutes plus tard par la WTA.

Pour l’ATP, si Wimbledon exclut les joueurs et joueuses de nationalités russe et biélorusse, c’est le principe considéré comme « fondamental » d’équité entre tous les joueurs de participer à tous les tournois « en fonction de leur mérite et sans discrimination » qui est remis en cause.

Le tournoi britannique du Grand Chelem a annoncé le 20 avril son intention d’exclure les Russes et les Biélorusses de l’édition 2022, car « dans les circonstances d’une agression militaire injustifiée et sans précédent, il serait inacceptable que le régime russe tire le moindre bénéfice de la participation de joueurs russes ou biélorusses ».

Le Majeur sur gazon a cependant précisé que cette décision pourrait être revue si les « circonstances changent radicalement d’ici juin ».

Depuis, la seule nouvelle réaction du All England Lawn Tennis Club qui accueille le tournoi a été de confirmer, le 26 avril, qu’il n’avait « aucune (autre) option » que de bannir ces joueurs.

« Intégrité du système »

Aussi l’ATP, qui accepte les joueurs russes et biélorusses sous bannière neutre, a-t-elle répété vendredi que cette position « remettait en cause » le principe d’équité entre les joueurs ainsi que « l’intégrité du système de classement ».

« Nos règles et nos accords existent afin de protéger les droits de tous les joueurs. Des décisions unilatérales de cette nature […] créent un précédent dommageable pour le reste du circuit. La discrimination mise en place par des tournois de leur propre chef n’est simplement pas viable sur un circuit qui s’étend dans plus de 30 pays », insiste l’ATP.

Les quatre tournois du Grand Chelem (Internationaux d’Australie, Roland-Garros, Wimbledon et Internationaux des États-Unis) ne dépendent pas directement de l’ATP ni de la WTA.

Mais la décision de Wimbledon a été très mal accueillie par l’immense majorité du monde du tennis qui y voit un geste politique et, à l’image de Rafael Nadal, « très injuste ».

L’ATP souligne que Wimbledon a suivi « des recommandations » du gouvernement britannique qui n’avaient pas valeur d’obligation et que ces « recommandations informelles offraient une alternative qui aurait permis aux joueurs de participer individuellement sous bannière neutre après avoir signé une déclaration » contre l’invasion en Ukraine, ce qui aurait été « une option plus acceptable par l’ATP ».

Le président du All England Club, Ian Hewitt, avait cependant estimé que cette option aurait pu faire courir un risque « aux joueurs et à leur famille ».

À Londres, la ministre britannique de la Culture, des Médias et des Sports, Nadine Dorries, a dénoncé la décision des instances du tennis professionnel.  

« La communauté sportive internationale a réagi rapidement et à juste titre et a condamné unanimement les actes illégaux et barbares de Poutine en Ukraine », a-t-elle rappelé. « Nous regrettons profondément la décision prise ce jour et nous exhortons l’ATP à examiner sa position concernant les points ATP. Cela n’envoie pas un bon message, que ce soit à Poutine ou au peuple ukrainien. »

Neutralité

La Fédération internationale (ITF) a également annoncé retirer à Wimbledon les points pour les tournois juniors et de tennis fauteuil programmés durant la quinzaine du Majeur.

« La position de l’ITF demeure que les joueurs russes et biélorusses doivent être autorisés à participer en tant qu’athlètes neutres », explique la Fédération qui a par ailleurs interdit depuis le 1er mars la Russie et la Biélorussie de participer à toute compétition par équipes nationales.

En revanche, l’ATP a décidé de maintenir les points aux tournois ATP 500 du Queen’s et ATP 250 d’Eastbourne ainsi qu’aux Challengers (2e division) en Grande-Bretagne cet été, car « les joueurs russes et biélorusses ont la possibilité de participer à d’autres tournois aux mêmes semaines, contrairement à Wimbledon, ce qui minimise l’impact sur l’intégrité des classements. »

« Dire que je suis déçu par l’ATP serait un euphémisme », a réagi l’ancien joueur ukrainien Serhiy Stakhovsky, rentré dans son pays pour combattre. « Je ne me serais jamais attendu à ce que quelqu’un choisisse le camp des envahisseurs et des meurtriers. »

Le Britannique Daniel Evans, 32e joueur mondial, a déclaré pour sa part à la BBC : « Je pense que la majorité des joueurs estiment que ce n’est pas idéal que les autres (les Russes et Bélarusses, NDLR) ne puissent pas jouer, mais il devrait y avoir des points en jeu à Wimbledon ».  

« À mon avis, a ajouté le no 2 britannique, les instances tentent seulement de protéger les joueurs russes en leur permettant de jouer. »

L’ATP précise qu’elle étudiera par ailleurs d’éventuelles sanctions à infliger à la Fédération britannique (LTA).

Une réaction jugée « disproportionnée »

Les organisateurs du tournoi de Wimbledon ont qualifié vendredi de « disproportionnée » la décision prise par l’ATP et la WTA de ne pas distribuer de points en vue des classements mondiaux lors de la levée britannique du Grand Chelem en cas de maintien de l’exclusion des joueurs russes et biélorusses.

Le tournoi londonien, qui a annoncé le 20 avril que les Russes et Bélarusses ne seraient pas autorisés à participer cette année à l’épreuve en raison de l’invasion de l’Ukraine, a fait part de sa « profonde déception » et ajoute que ne pas attribuer de points est « disproportionné dans le contexte des circonstances exceptionnelles et extrêmes de la situation ».

Le All England Club, qui gère Wimbledon, dit avoir pris la « seule décision viable » compte tenu de la position du gouvernement britannique visant à limiter l’influence extérieure de la Russie, et ajoute qu’il s’y tient.

« Nous regrettons profondément les conséquences de cette décision sur les personnes concernées. Cependant, compte tenu de la position adoptée par le gouvernement britannique de limiter l’influence extérieure de la Russie […], nous continuons de penser que nous avons pris la seule décision viable pour Wimbledon en tant qu’évènement sportif et institution britannique renommés, et nous nous en tenons à cette décision », ajoutent les organisateurs de Wimbledon dans un communiqué.

Quant à la réaction de l’ATP, de la WTA et de l’ITF, ils jugent que « ces décisions-là sont disproportionnées dans le contexte des circonstances exceptionnelles et extrêmes de la situation et de la position dans laquelle nous nous sommes retrouvés, et dommageables pour tous les joueurs présents sur le circuit ».

Le tournoi de Wimbledon est programmé cette année entre le 27 juin et le 10 juillet.