Tous les grands artistes ou presque ont vécu des périodes sombres. S’ils ont réussi à inspirer et à émouvoir les gens, c’est grâce à leur histoire, rarement parfaite. Contre vents et marées, Rebecca Marino est revenue au-devant de la scène et elle est prête à tout pour y rester.

Cinq ans. C’est le temps que Rebecca Marino a pris pour elle-même avant de revenir au tennis. Cinq ans passés à lutter contre une dépression et à essayer autre chose, comme l’aviron. Cinq ans pour penser à elle. Cinq ans pour faire le vide, avant de refaire le plein.

En 2013, la Canadienne a pris une pause du tennis. À l’époque, elle avait expliqué souffrir d’une dépression. Elle avait aussi déclaré en avoir assez du tennis, de son mode de vie solitaire, d’être toujours seule et de devoir être loin des siens.

L’athlète de Vancouver est revenue au jeu en 2018. Cela dit, c’est surtout au cours des deux dernières années qu’elle a repris du poil de la bête.

Arrêter pour ensuite revenir n’est certes pas une tâche facile pour une athlète professionnelle au tournant de la trentaine. Toutefois, Marino a tout mis en œuvre pour que son retour soit un succès, et elle y est parvenue.

Elle a gagné plusieurs titres sur le circuit ITF, dont le plus récent en mars dernier en Californie. Son histoire avait ému beaucoup de gens l’an dernier, lors de son passage à l’Omnium Banque Nationale, à Montréal. Elle avait brillé en éliminant Madison Keys, 16e tête de série, et Paula Badosa, aujourd’hui classée au troisième rang mondial. Elle avait été éliminée au troisième tour par la première tête de série Aryna Sabalenka. Son charisme, sa joie de vivre et ses entrevues en français avaient charmé le public québécois.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Rebecca Marino lors de son passage à l’Omnium Banque Nationale, à Montréal, l’an dernier

Ce week-end, elle défend les couleurs du Canada dans le cadre de la Coupe Billie Jean King, chez elle, à Vancouver.

En admiration

Ses coéquipières n’ont que de bons mots à l’égard de Marino. Elle est la plus vieille joueuse de la formation canadienne. Ses compatriotes moins expérimentées ont le privilège de la côtoyer et de prendre exemple sur elle.

« J’admire énormément ce qu’elle a fait depuis son retour, ainsi que la force et la persévérance dont elle a pu faire preuve. Ce qu’elle a traversé n’a pas dû être facile », a expliqué Carol Zhao.

Les gens ne voient que le résultat final, mais il faut le vivre de l’intérieur pour savoir à quel point c’est difficile de revenir à ce niveau, avec les blessures et les entraînements.

Carol Zhao

Une autre vétérane de la formation canadienne, Gabriela Dabrowski, d’un an sa cadette, n’a elle aussi que des éloges pour Marino.

Au-delà de ses performances sur le terrain, c’est le fait que Marino ait pu conserver la même identité malgré les épreuves qu’elle a traversées. C’est d’ailleurs pourquoi elle est à ce point appréciée des amateurs et des membres de l’équipe nationale.

« Elle a eu un parcours sans faute, elle est aimée, elle a toujours traité tout le monde avec respect, et c’est une grande qualité. C’est inspirant de la voir aller. Avec tout le succès qu’elle connaît, c’est un excellent modèle pour les jeunes joueuses. »

En mission

Forte d’une fiche de 21 victoires et 6 défaites depuis le début de la saison, Marino a bien l’intention d’offrir le meilleur tennis de sa vie à Vancouver, alors qu’elle jouera devant les siens. Les occasions sont rares et elle veut en profiter.

Chaque jour passé sur le terrain est un cadeau pour l’athlète de 31 ans. Arrêter pendant cinq ans et repartir de zéro a été probablement le plus grand défi de sa vie. Néanmoins, elle n’en parle pas avec regret. Pour elle, cette période de remise en question a été une période d’apprentissage. Sur elle-même, ce qu’elle voulait et ce qu’elle souhaitait offrir.

J’ai travaillé beaucoup à prendre confiance en moi au cours de la dernière année. C’est quelque chose que je devais travailler, parce que je connais le niveau de jeu que je peux atteindre et j’ai besoin de jouer à ce niveau plus souvent.

Rebecca Marino

Comme une peintre qui s’installe à nouveau devant sa toile, la Canadienne avait tout à faire lors de son retour en 2018. Elle est dorénavant capable de s’exprimer en toute liberté et d’avoir les idées claires.

« Je suis satisfaite de ma saison, jusqu’à maintenant. Ça n’avait pas super bien commencé aux Internationaux d’Australie, mais c’est déjà derrière moi. Je savais que j’allais avoir besoin de beaucoup de matchs, et j’ai réussi à prendre de l’assurance. J’étais en mission. J’ai gagné mon titre et je veux continuer à bien jouer et à jouer dans les plus gros évènements possibles. »

Actuellement, la priorité de Marino est de réintégrer le top 100. Elle est en ce moment 111e. À travers cette quête de succès et d’un meilleur classement, elle ne peut faire abstraction du fait que son histoire est racontée et qu’elle l’accompagnera pour le reste de sa carrière. C’est pourquoi elle aimerait autant que possible inspirer une nouvelle génération d’athlètes qui, comme elle, pourraient devoir composer avec un parcours atypique.

« J’aimerais beaucoup devenir un modèle, mais ce n’est pas quelque chose que je peux contrôler. J’essaie seulement d’être authentique, d’être moi-même, et je pense que c’est le meilleur moyen de raconter mon histoire. Je veux donner envie aux gens de jouer au tennis. »

Elle le dit elle-même, ses cinq années de pause vont peut-être lui permettre d’en jouer cinq de plus que prévu.

Dans cette quête d’offrir le plus beau des tableaux, il y a chez elle ce souci de bien faire les choses. Une étape à la fois, parce que les grandes réalisations sont faites d’une série de petites choses mises bout à bout.