L’image était crève-cœur, samedi soir, à Flushing Meadows : assise sur son banc, Leylah Annie Fernandez essuyait ses larmes en regardant son adversaire célébrer dans les gradins. Elle venait de s’incliner face à la Britannique Emma Raducanu en deux manches de 6-4 et 6-3, en finale des Internationaux des États-Unis.

La jeune Québécoise était si près du but. Malgré la défaite, elle s’est présentée sur la scène avec un demi-sourire, qui s’est élargi quand la foule l’a ovationnée. Un baume sur son cœur, devinait-on. Elle regardait autour d’elle, les yeux embués.

Encore une fois, elle a employé les mots justes pour traduire son amour au public.

« Est-ce que je peux dire une chose de plus ? », a-t-elle doucement demandé après avoir répondu à quelques questions au micro.

« Je sais que cette journée était particulièrement difficile pour New York et tout le monde à travers les États-Unis », a-t-elle laissé entendre, alors que cela faisait 20 ans samedi qu’avaient eu lieu les attentats du 11 septembre.

« Je veux juste dire que j’espère pouvoir être aussi forte et résiliente que New York l’a été au cours des 20 dernières années, a-t-elle poursuivi. Merci d’avoir été derrière moi, de m’avoir encouragée. Je t’aime, New York, j’espère te voir l’année prochaine. »

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Les applaudissements ont repris de plus belle. La jeune femme, née un an après les tragiques évènements qui ont secoué l’Amérique, a fait preuve d’une grande classe malgré la défaite.

Elle n’avait évidemment pas manqué de féliciter son adversaire dans les minutes précédentes.

« Ce sera difficile de récupérer de cette journée, mais Emma a très bien joué, alors je veux la féliciter, elle et son équipe, a-t-elle dit. Mais vous savez quoi ? Je suis vraiment fière de ce que j’ai fait ces deux dernières semaines. »

Raducanu, qui devient la première joueuse issue des qualifications à remporter ce tournoi, a aussi souligné les efforts et la pugnacité de Fernandez.

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Emma Raducanu

« Elle a joué du tennis incroyable contre certaines des meilleures joueuses au monde. C’était un match très difficile. Le degré de difficulté était extrêmement élevé. J’espère qu’on jouera l’une contre l’autre encore souvent dans plusieurs autres tournois et, espérons-le, en finale. »

Fernandez, postée derrière elle sur la scène, a ri et acquiescé. Disons que les chances de les voir s’affronter dans les années à venir sont assez bonnes, vu leur âge rapproché et leur éclosion au même tournoi…

Finale de la jeunesse

Cette finale était celle de la jeunesse. Fernandez, 19 ans et 73e mondiale avant le tournoi, venait d’évincer trois joueuses du top 5, dont une détentrice de quatre titres de tournois du Grand Chelem. Emma Raducanu, 18 ans et 150e mondiale, n’avait pas perdu une seule manche depuis le début du tournoi.

Toutes deux connaissaient déjà la meilleure quinzaine de leurs carrières. Elles n’avaient absolument rien à perdre. Et tout à gagner.

La foule, elle, semblait pencher un peu plus en faveur de la Québécoise au début du match.

Le premier jeu a été remporté facilement par Raducanu, et c’est au deuxième jeu qu’on a vraiment compris à quel genre de match on aurait droit. Alors que Fernandez était au service, les deux athlètes se sont échangé l’avantage comme s’il s’agissait d’une patate chaude, jusqu’à ce que la Britannique réussisse à briser pour la première fois en six occasions. C’était 2-0.

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Leylah Annie Fernandez lors d’une discussion animée avec l’arbitre lors d’une pause médicale de son adversaire

Fernandez a semblé retrouver ses repères, mettre de côté la nervosité et s’ajuster aux coups de son adversaire au troisième jeu. Elle a concrétisé une balle de bris après en avoir raté deux, puis s’est aisément emparée du quatrième jeu pour faire 2-2.

Le match avançait, et les chiffres se ressemblaient de part et d’autre. À 4-4, toutes deux avaient remporté 33 points. Alors que Raducanu excellait grâce à sa puissance et à ses retours de service, Fernandez, elle, arrivait à remporter des jeux grâce à la variété de ses attaques.

Alors qu’elle menait 5-4, Raducanu a concrétisé sa quatrième balle de manche. Après un set, la Britannique avait brisé deux fois sur dix occasions, contre une fois sur quatre occasions pour Fernandez.

Cette dernière a pris les devants aux points pour la première fois de la rencontre en brisant au troisième jeu de la deuxième manche, mais Raducanu s’est emparée des quatre jeux suivants pour faire 5-2. La Québécoise n’a pas abandonné, réussissant à réduire l’écart à 5-3.

Alors que Fernandez menait 40 à 30 au jeu suivant, en route vers une possible remontée, Raducanu a glissé sur le terrain et s’est éraflé un genou, qui s’est mis à saigner. L’officielle lui a donc accordé trois minutes pour recevoir l’aide des soigneurs, ce qui a semblé mettre Fernandez hors d’elle. Au retour, la Britannique est revenue de l’arrière pour triompher.

« Honnêtement, je ne savais pas ce qui arrivait avec Emma, a expliqué Fernandez en conférence de presse, une heure après le match. Je ne savais pas à quel point sa chute et sa blessure étaient sérieuses. C’est pour ça que je suis allée voir l’officielle pour lui demander ce qui arrivait. C’est arrivé dans le feu de l’action. C’est malheureux que ce soit arrivé quand j’avais le momentum, mais c’est du tennis et il faut passer à autre chose. »

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Leylah Fernandez et Emma Raducanu

Raducanu n’a pas perdu une seule manche en 10 matchs. Elle est la quatrième Britannique à repartir avec le gros trophée à la maison.

« C’était assurément un match difficile pour nous deux, a soutenu Fernandez. J’ai malheureusement fait trop d’erreurs dans des moments clés et elle en a profité. »

Fernandez a éprouvé beaucoup de difficultés au service pendant la finale. Elle a remporté 56 % de ses premières balles et commis 5 doubles fautes. Son adversaire a quant à elle remporté 67 % de ses premières balles et fait 2 doubles fautes.

« Je pense que je vais traîner cette défaite pendant longtemps, a déclaré Fernandez. Je pense que ça me motivera à faire mieux à l’entraînement et pour la prochaine chance que j’aurai. Mais je suis très heureuse de la façon dont j’ai joué et agi sur le court ces deux dernières semaines. Je me suis beaucoup améliorée, pas seulement en termes de tennis, mais aussi émotionnellement et mentalement. »

De quoi être fière

Leylah Annie Fernandez a de quoi être fière de son parcours, elle qui a fait vibrer le Québec, la foule new-yorkaise et le monde du tennis au grand complet au cours de la dernière semaine avec ses performances, son sourire contagieux et son fameux poing dans les airs quand elle remportait des points importants.

« Le Québec m’a donné beaucoup avec l’école et avec le tennis, a-t-elle déclaré. J’ai eu beaucoup de bonnes expériences là-bas, alors je suis très contente de pouvoir l’inspirer, de donner ces victoires au Canada et au Québec. »

Avec cette défaite en finale, la jeune femme empochera 1,25 million US, elle qui avait encaissé en tout et pour tout 786 772 $ jusqu’à maintenant dans sa carrière !

Lors de la prochaine mise à jour du classement de la WTA, la Québécoise percera le top 30 mondial. Souvenons-nous qu’elle pointait au 88rang au tout début de l’année 2021, et au 73rang avant le début des Internationaux des États-Unis…

Son prochain tournoi sera celui d’Indian Wells, au début d’octobre.