Leylah Fernandez s’est lentement agenouillée, elle a déposé sa raquette sur le sol et porté ses mains à son visage, essuyant des larmes de joie. Elle venait d’obtenir son billet pour sa première demi-finale d’un tournoi du Grand Chelem à vie. À 19 ans et un jour.

La Québécoise, qui a célébré son anniversaire lundi, semble mener une véritable mission. Elle a de nouveau livré une performance digne des grandes pour triompher de l’Ukrainienne Elina Svitolina, 5e mondiale, en trois manches de 6-3, 3-6 et 7-6 (5) en quarts de finale, mardi. Un splendide cadeau d’anniversaire !

Le public new-yorkais, qu’elle charme match après match depuis le début de ce tournoi, était en liesse.

« Honnêtement, je ne sais pas comment je me sens actuellement », a lancé la jeune sensation au micro des Internationaux des États-Unis, immédiatement après le duel de 2 heures 24 minutes. « J’étais tellement nerveuse. J’essayais de faire ce que mon entraîneur m’a dit de faire. »

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Après le match, Leylah Fernandez s’est agenouillée sur le terrain, gagnée par l’émotion.

« Grâce à vous, la foule new-yorkaise, j’ai été capable de l’emporter. Vous ne m’avez jamais abandonnée », a-t-elle ajouté en regardant autour d’elle, sourire aux lèvres.

À la question : que vous donne-t-on à manger au Canada pour performer de cette façon ? Fernandez, dans toute son innocence, a répondu : « Je dirais que c’est le sirop d’érable ! »

C’est ce qu’on appelle avoir le sens du spectacle.

La Lavalloise connaît un parcours de conte de fées, elle qui joue en Grand Chelem depuis seulement deux ans. Dans ses trois derniers duels, elle a vaincu la Japonaise Naomi Osaka (3e au monde), l’Allemande Angelique Kerber (17e au monde), et maintenant l’Ukrainienne Elina Svitolina (5e au monde).

Elle n’est plus qu’à un seul match de la grande finale. Mais avant d’y arriver, elle devra battre Aryna Sabalenka (2e au monde), jeudi. Un autre important défi.

La Biélorusse a vaincu la Tchèque Barbora Krejčíková en deux manches de 6-1 et 6-4.

Un match partagé

Difficile d’avoir un affrontement plus partagé. Fernandez a attaqué au moyen de changements de direction et de coups précis dès les premiers jeux. Calme, la 73e mondiale jouait sans complexe.

Svitolina a semblé déstabilisée et nerveuse en milieu de première manche, quand Fernandez a concrétisé un premier bris de service après un long échange pour prendre les devants 4-2.


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Elina Svitolina

L’Ukrainienne s’est cependant ressaisie en deuxième manche, tandis que Fernandez a perdu du galon, laissant son adversaire s’offrir deux bris de service et une avance de 5-1. Malgré une belle combativité, Fernandez n’a pu reprendre le dessus.

Les joueuses ont toutes deux donné un beau spectacle à la foule new-yorkaise en troisième manche, multipliant les longs échanges. Fernandez a mené 5-2, puis 6-5, mais une féroce Svitolina refusait d’abandonner.

Le match s’est terminé au bris d’égalité. La jeune Québécoise, coriace, a tout donné. À 5-5, sa balle a touché le filet avant de retomber à l’intérieur du terrain. Elle a ensuite décroché le point manquant pour l’emporter.

« Le match d’aujourd’hui était assurément l’un des plus difficiles, pas seulement en termes de tennis, mais aussi mentalement et émotionnellement », a-t-elle laissé entendre en conférence de presse, plus d’une heure après sa victoire.

J’ai été un peu chanceuse à 5-5, mais je vais prendre toute la chance que je peux avoir.

Leylah Fernandez

Fernandez a remporté 70 % de ses premières balles dans la victoire et 48 % de ses deuxièmes balles. Elle a réussi 42 coups gagnants contre 31 erreurs directes, tandis qu’Elina Svitolina a fait 32 coups gagnants et 25 fautes directes.

Pendant la dernière manche, la jeune femme s’est parfois retournée vers le mur, l’air de se parler à elle-même.

« Je pensais seulement à me faire confiance, à faire confiance à mon jeu, a-t-elle relaté. Après chaque point, gagné ou perdu, je me disais tout le temps : fais confiance à ton jeu, vas-y pour tes coups et fais juste regarder où va la balle. »

Un père fier

Jorge Fernandez, père et entraîneur de Leylah, n’est pas à New York cette semaine pour des « raisons personnelles », a indiqué la jeune athlète, mais il ne manque pas une seconde de chacun de ses affrontements.

« Je l’ai appelé tout de suite après le match, quand je suis allée au vestiaire, a-t-elle raconté en souriant. Il m’a dit que je lui avais fait vivre l’enfer avec ce match, mais il est vraiment heureux pour moi, et que j’aie été capable de me battre pour chaque point. Il m’a dit que je méritais ce match et de profiter de la victoire. Demain, on va retourner au travail », a-t-elle poursuivi.

« Je pense aussi qu’il avait confiance en moi, que je ferais de grandes choses à New York, que je suivrais son plan de match et que je trouverais les solutions à tous les problèmes auxquels je serais confrontée », a-t-elle ajouté à ce sujet quelques minutes plus tard.

Des rencontres inspirantes

Le jour de son anniversaire, lundi, Fernandez a eu l’occasion de rencontrer une légende du tennis, Billie Jean King, et le gagnant des Internationaux des États-Unis en 2009, Juan Martín del Potro.

« Billie Jean m’a dit d’aller sur le court, d’avoir du plaisir et de continuer de foncer pour mes coups, a-t-elle évoqué. C’est ce que j’ai fait aujourd’hui, et ç’a de toute évidence fonctionné. »

Selon la jeune athlète, ces rencontres l’ont « inspirée à bien jouer ».

Fait à noter : avec la victoire de mardi, Fernandez fera son entrée parmi les 40 meilleures au monde après le tournoi.

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a par ailleurs félicité Fernandez par l’entremise de son compte Twitter, ce à quoi la jeune joueuse a répondu : « Wow ! Merci Justin Trudeau, je suis fière de représenter mon pays. C’est un honneur. »

La légende du basketball Earvin « Magic » Johnson avait aussi de bons mots pour Fernandez, transmis par Twitter : « Si vous n’avez pas vu la joueuse la plus excitante des Internationaux des États-Unis, Leylah Fernandez, vous manquez quelque chose ! »