En 35 ans de coaching, André Labelle a entraîné une foule de jeunes talentueuses. En tête de liste, Bianca Andreescu, dont il a contribué au jeu très complet. Grâce à des méthodes parfois inusitées…

En 2016, Andreescu, alors âgée de 15 ans, entame les Internationaux d’Australie chez les filles (juniors) en tant que favorite. Numéro 1, rien de moins.

À ce moment, elle travaille avec Labelle, qui l’a coachée pendant environ quatre ans au centre d’entraînement de Toronto, avant que Sylvain Bruneau prenne le relais, en 2018.

Après deux victoires expéditives à Melbourne, la Canadienne déclare forfait, victime de deux fractures de stress à un pied, et sera arrêtée pendant six mois.

Pas six mois sans toute forme d’entraînement, cela dit.

« J’avais pris une chaise de bureau, avec les pattes mobiles, j’avais enlevé le dossier et, chaque jour, on faisait une heure d’entraînement là-dessus, raconte André Labelle. On en a profité pour travailler différentes choses de sa game, ses amortis, sa slice. C’est là qu’on a commencé à travailler sa slice beaucoup. »

Ce manège a duré de trois mois et demi à quatre mois, six jours par semaine, jusqu’à ce qu’elle ait le feu vert médical pour revenir sur ses pieds.

« Je la plaçais dans un coin, je lui envoyais des balles et je lui disais d’ouvrir le jeu. C’était sa petite heure où elle avait du fun. C’était super agréable. »

Le goût de l’imprévisibilité

André Labelle, entre autres responsable du programme féminin du Centre national, accorde beaucoup d’importance à la polyvalence de ses joueuses. Faire croître toutes les habiletés des athlètes, il y prend plaisir, affirme-t-il. Et plus elles sont développées à un jeune âge, plus les enseignements deviendront ancrés.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Bianca Andreescu, lors de la Coupe Rogers, à Montréal, en juillet 2016

Dans le cas de Bianca Andreescu, il ne s’attribue cependant pas tout le mérite de la période précédant Sylvain Bruneau.

D’abord, parce qu’elle a été « chanceuse d’avoir toujours eu de bons entraîneurs » avant son arrivée comme responsable du centre d’entraînement torontois, en 2015.

Et puis, ce goût pour l’imprévisibilité dans le jeu, l’Ontarienne l’avait en elle.

« Bianca s’emmerdait à faire la même chose, lance Labelle. Elle était déjà en bonne posture pour développer ça, elle aimait varier beaucoup. Même pendant les échauffements, ce n’était pas la fille qui frappait la même balle tout le temps. »

Ce qui avait amené son entraîneur à lui faire la prédiction suivante.

Je lui disais qu’elle changerait la façon dont se joue le tennis féminin.

André Labelle, responsable du programme féminin du Centre national et ancien entraîneur de Bianca Andreescu

La polyvalence est une qualité qui peut mettre un certain temps à absorber entièrement, toutefois.

« Ce qui va s’améliorer, avec l’expérience des matchs, ce sont ses choix de jeu selon les adversaires. Elle a tellement de possibilités avec la même balle que des fois, elle ne fait pas le bon choix », analyse son ex-entraîneur.

Ce ne sont pas tous les joueurs qui ont le luxe de se buter à de tels dilemmes. Un heureux problème, dira-t-on.