(New York) La bulle sanitaire des Internationaux des États-Unis n’en finit pas de parasiter le déroulement du tournoi : vendredi, un mystérieux retard de près de trois heures a perturbé le début du match entre Adrian Mannarino, sous surveillance rapprochée, et Alexander Zverev.

Alors qu’on avait appris quelques heures plus tôt, par la bouche de la joueuse belge Ysaline Bonaventure, qu’elle et les autres « cas contact » de Benoît Paire avaient interdiction de quitter la bulle avant la fin de la semaine prochaine, même s’ils étaient éliminés, on a vu Zverev se prélassant torse nu sur la terrasse de la loge du court Arthur-Ashe.  

Il aurait pourtant dû être, au même moment, en train de batailler sur le Louis-Armstrong…

Le temps passant, il est apparu que l’Allemand attendait simplement son adversaire. Mais où était donc le Français ? Impossible de savoir. Plus tard quand le match a été reprogrammé « pas avant 17 h (23 h française) », les causes de ce retard étaient toujours inconnues.

« On m’a dit qu’il y avait peu de chances qu’on joue », a expliqué Zverev.

Et soudain, Mannarino est apparu, tout de noir vêtu, parfaitement impassible. Le match pouvait commencer, vers 17 h 15, avec près de trois heures de retard.

État contre ville

Durant le match, l’USTA a publié un communiqué pour expliquer le retard : « Le match Zverev-Mannarino a été retardé, consécutivement à un dialogue mené avec les autorités sanitaires ce vendredi. La communication s’est poursuivie avec les joueurs dans l’après-midi pour les tenir au courant à tout moment. Compte tenu de la sensibilité des problèmes médicaux en cause, l’USTA n’est pas en mesure de fournir plus de détails ». Les notices de montage de meubles en kit sont plus explicites…

Il a fallu attendre que Mannarino éclaire lui-même un peu la situation, en expliquant que l’État de New York avait tenté « d’outrepasser » la ville de New York pour l’empêcher de jouer ce match.

« Je ne sais pas qui a fait quoi. Beaucoup de choses se sont passées durant tout ce temps et finalement à 16 h 30 on m’a dit que je pouvais jouer. Je remercie toutes les personnes qui se sont démenées pour que je puisse jouer », a ajouté le joueur qui a donc bien failli être victime d’un jeu d’influence politique.

Cet épisode s’ajoute au trouble qui entoure les Internationaux des États-Unis et en plombe l’ambiance, déjà sérieusement détériorée.

Après sa victoire, plus tard en session nocturne, Novak Djokovic a affirmé avoir tenté de joindre le gouverneur de l’État Andrew Cuomo, pour permettre à Mannarino de jouer. « Je ne suis pas content de la façon dont a été gérée la situation avec le joueur français », a-t-il dit.

Ce dernier n’a lui pas montré de rancœur, assurant que bien qu’inhabituelles, les conditions de vie étaient supportables.

Mais d’autres ont été beaucoup plus critiques, comme Kristina Mladenovic ou Benoît Paire, laissant même entendre qu’ils ne pouvaient pas dire tout ce qu’ils avaient sur le cœur.

« Série Netflix »

Un tweet de Luka Mladenovic, le frère et coach de la joueuse, a encore appuyé cette impression vendredi : « Si seulement vous étiez au courant de tout ce qui est en train de se passer ici… C’EST UNE SÉRIE NETFLIX JE VOUS LE JURE… Vous êtes au courant de 10 % je pense ».

Kristina Mladenovic avait dit mercredi se sentir comme une « prisonnière » ou une « criminelle ». Deux jours plus tard, on comprend un peu mieux avec cette confirmation de Mannarino : « On m’avait dit, et à tous les joueurs dans ma situation, qu’une fois éliminés on pourrait continuer de s’entraîner sur le site tous les jours, mais on nous a dit ce matin qu’en fait il faudrait rester dans la chambre pour le reste de la quarantaine… »

Or, comme l’a souligné Bonaventure jeudi, « ça fait maintenant 22 jours qu’on est là et qu’on a toujours été testés négatifs. C’est dur à accepter, surtout maintenant qu’on a perdu ».

Comment comprendre, en effet, que des joueurs négatifs au coronavirus puissent devenir plus dangereux éliminés que lorsqu’ils étaient encore en lice, au point d’être totalement reclus dans leur chambre alors qu’ils pouvaient sortir pour jouer et s’entraîner ?

Quoi qu’il en soit, certains absents doivent se dire qu’ils n’ont pas eu tort de s’être tenus à l’écart de la bulle.