Homme d’action s’il en est un, Eugène Lapierre s’est vite adapté à la situation inhabituelle dans laquelle la COVID-19 a plongé la planète. Le directeur de la Coupe Rogers est cantonné chez lui depuis plusieurs jours, ce qui ne l’empêche de travailler.

« Le Centre national du Stade IGA est fermé, mais nous nous sommes vite adaptés, a expliqué le vice-président de Tennis Canada, jeudi, en entrevue téléphonique. Avec le travail à distance, c’est pratiquement “business as usual”. J’ai d’ailleurs l’impression que nous allons retenir plusieurs leçons de cette situation, particulièrement quand on voit l’impact positif que cela peut avoir sur l’environnement. »

Tout en étant bien conscient des enjeux globaux de la situation actuelle et de la nécessité d’accorder la priorité à la santé collective, Lapierre s’inquiète un peu pour son tournoi.

« Je travaille avec le regroupement des évènements internationaux à Montréal, avec les gens du Grand Prix notamment, et nous sommes tous dans l’attente, explique-t-il. La plupart de ces évènements sont prévus avant nous et c’est évident que les échéances se rapprochent. »

« Au tennis, ils ont annulé tous les tournois sur la terre battue, alors que Roland-Garros a pris la décision unilatérale de reporter le tournoi en septembre ; ç’a choqué tout le monde, mais je pense que s’ils avaient été à leur place, ils auraient probablement fait la même chose. Pour l’instant, on en est au 7 juin, avec le début de la saison sur le gazon. »

La Coupe Rogers devrait être disputée du 10 au 16 août. Cette année, c’est le volet féminin (WTA) qui serait joué à Montréal, alors que les hommes (ATP) seraient à Toronto. Tout cela reste toutefois très conditionnel.

« J’ai l’impression que le baromètre de ce qui nous attend va être la décision sur les Jeux olympiques de Tokyo, estime Lapierre. On parle de plus en plus d’un report des Jeux ; on peut compter les éditoriaux qui le réclament et il y a de plus en plus d’athlètes qui disent que cela n’a pas de bon sens. »

« La pression va monter sur les organisateurs des Jeux et ça va être le baromètre ultime puisque nous sommes la semaine juste après. D’ici là, qu’on soit organisateur ou amateur, on va suivre la situation. S’il y a miraculeusement un redressement de la situation, qu’arrive l’été et qu’on a envie de sortir et d’aller s’amuser, on sera peut-être le premier grand tournoi à avoir lieu… mais on n’y est pas encore. »

Du tennis jusqu’à Noël ?

On ne sait pas encore quand la situation reviendra à la normale, mais les responsables des circuits professionnels et les organisateurs des tournois travaillent déjà sur plusieurs scénarios. De toute évidence, les acteurs ont intérêt à travailler de concert.

« Cela a déjà commencé, sous l’impulsion des gens de la WTA, où Steve Simon fait vraiment du bon travail depuis son arrivée, rappelle Lapierre. Il respecte les processus, parle à tout le monde et a mis en place un beau modèle d’organisation. »

« À Indian Wells, la décision d’annuler le tournoi est venue des autorités, mais cela s’est avéré plus compliqué à Miami. L’ATP a pris les devants, un peu forcé par les joueurs qui voulaient rentrer à la maison, mais la WTA a insisté pour que les choses soient un peu mieux concertées. Après quelques jours de flottement, les deux circuits se sont entendus pour faire les annonces conjointement et ça devrait continuer comme ça. »

« C’est sûr que, dans ce contexte, l’annonce du report de Roland-Garros en septembre, après les Internationaux des États-Unis, est venue déstabiliser tout le monde. Nous étions déjà en discussion avec la WTA pour évaluer les possibilités de reprendre Indian Wells, Miami et les principaux tournois qui auront été annulés d’ici là plus tard cette année. La saison pourrait être allongée, peut-être jusqu’à Noël, et le calendrier complètement chamboulé. »

« On nous avait demandé jusqu’où notre tournoi pouvait être reporté, si c’est impossible de le disputer en août, et on leur avait répondu qu’on pouvait aller jusqu’au début octobre, à la limite. C’est sûr que Roland-Garros vient prendre toute la place, où à peu près. »

« Cela dit, il faut aussi réaliser qu’on va d’abord prioriser le haut de la pyramide, les tournois du Grand Chelem. Dans un scénario où le temps sera limité, c’est évident qu’il n’y aura pas de place pour tout le monde. À moins d’avoir la possibilité de jouer à l’intérieur, ce qui n’est pas notre cas, on va regarder comment tout ça va évoluer et on verra bien. »

« On peut être optimistes ou moins optimistes, mais de la façon dont je vois évoluer les choses, c’est difficile d’imaginer comment la situation pourrait aller mieux à moyen terme. Les décisions nous concernant seront prises éventuellement, que ce soient par les circuits ou carrément par les gouvernements. »

« Dans le meilleur des scénarios, ce sera réglé et on aura une belle fête du tennis à la date prévue ; sinon, on verra bien comment on s’arrange ! »