C’est demain à New York que débutent les Internationaux des États-Unis, dernier tournoi du Grand Chelem de la saison. On suivra évidemment Bianca Andreescu, Félix-Auger Aliassime et Denis Shapovalov, qui ont droit à un traitement de star, mais les favoris seront encore les « vieux » Roger Federer, Rafael Nadal, Novak Djokovic ou Serena Williams !

Personne n’a oublié l’issue dramatique du match entre Félix Auger-Aliassime et Denis Shapovalov, l’année dernière, au premier tour des Internationaux des États-Unis.

Le premier avait dû abandonner à la troisième manche, alors que l’issue du match était encore très incertaine, en raison d’un problème récurrent d’arythmie cardiaque. Les derniers instants du duel, avec Félix en larmes et Shapovalov qui le rejoint au filet pour le consoler, ont touché tous les amateurs.

Le Québécois a dit cette semaine qu’avec le recul, il gardait quand même un bon souvenir de ce match, son premier en Grand Chelem. Autour de lui, ses proches ont vécu les choses différemment.

« Non, ce n’est pas un bon souvenir, a confié hier en entrevue l’entraîneur Guillaume Marx. C’est vrai que c’était la première fois qu’il était au tableau principal d’un tournoi du Grand Chelem, après avoir remporté trois belles victoires en qualifications alors qu’il n’était encore que 150e [mondial], et ça, c’est positif.

« Le reste, non, et c’est sûr qu’on ne l’a pas oublié. »

Auger-Aliassime a finalement pu corriger la situation grâce à une intervention chirurgicale relativement commune. « Ce sont quand même des choses compliquées et, à New York, on ne savait pas ce qui se passait, on n’était sûrs de rien », a rappelé Marx.

« Avec le recul, on voit que ça s’est bien passé, que l’intervention a permis aux choses de rentrer dans l’ordre. Sur le plan du tennis, cela a permis une belle avancée dans sa carrière, même si cela nous a mis un peu en retard, à la fin de l’année 2018, quand il a fallu régler ça. »

PHOTO JULIO CORTEZ, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Denis Shapovalov et Félix Auger-Aliassime se retrouveront mardi sur le Grandstand, troisième court en importance au Centre Billie Jean King.

Une belle avancée, en effet. Un peu comme Bianca Andreescu, Auger-Aliassime vient d’accéder au top 20 mondial et il est 18e tête de série cette année à New York. Comme la Torontoise, il vient de vivre un tournoi « à la maison », avec toute la pression et les distractions que cela représente.

Et même s’il n’a pas terminé la Coupe Rogers avec le trophée du champion, le joueur de 19 ans a offert de très belles performances. « Je pense que Félix savait au départ qu’il aurait beaucoup de pression, mais il a quand même été un peu surpris de l’ampleur du phénomène au moment de disputer les matchs », a souligné Marx.

« Ça s’est quand même bien passé. Il a fait trois excellents débuts de match. Après, il y a eu un peu plus de crispation, mais c’est quand même très positif. Même quand il a perdu, il a fait un très bon match contre un gars [Karen Khachanov] qui est encore un peu meilleur que lui. »

Défait à son premier match au tournoi de Cincinnati, Auger-Aliassime a été rattrapé par sa semaine à la Coupe Rogers. « C’est sûr qu’il y a eu un petit contrecoup là-bas, car il avait beaucoup moins d’énergie [contre Miomir Kecmanović] », a expliqué Marx.

« Comme il a perdu assez tôt, ça nous laissait deux semaines complètes avant son premier match ici à New York. On a donc entièrement refait le programme d’entraînement sur 15 jours, en prévoyant exactement ce qu’on allait faire tous les jours. On s’y est vraiment tenus, avec un petit ajustement dès qu’on a su quel jour il disputerait son premier match [ce sera mardi]. »

Un adversaire « dangereux »

Clin d’œil du sort, Auger-Aliassime et Shapovalov s’affronteront encore au premier tour cette année à New York. Quel que soit le résultat du match, l’issue devrait être moins dramatique.

« C’est sûr que, quand on a reçu le tableau, on s’est tous regardés avec un petit sourire en se disant que c’était celui de l’an dernier, a raconté Guillaume Marx. Et Félix avait déjà dû affronter deux Canadiens [Vasek Pospisil et Milos Raonic] aux premiers tours à Montréal. Après deux ou trois minutes, toutefois, on était passés à autre chose et on savait qu’il fallait se préparer pour un match “comme les autres”.

« Cela dit, c’est quand même compliqué d’affronter Denis dès le premier tour, il va falloir bien jouer d’entrée. Il vient de faire les demi-finales à Winston-Salem et, même s’il est un peu retombé au classement, c’est un joueur très dangereux, particulièrement ici où il a souvent bien fait. »

Shapovalov, qui est conseillé depuis quelques jours par le Russe Mikhail Youzhny, ancien huitième mondial, a vraiment relancé sa saison depuis le retour en Amérique du Nord. « Cette pause que j’ai prise après Wimbledon m’a permis de retrouver mon énergie et aussi cette étincelle que j’avais un peu perdue », a rappelé le Torontois en point de presse à Winston-Salem.

Mon jeu était toujours là à l’entraînement, mais j’avais de la difficulté à gérer mes émotions en match.

Denis Shapovalov

« Je me sens maintenant beaucoup plus fort, physiquement et mentalement, et je suis prêt pour des situations plus difficiles comme celles qu’on rencontre aux Internationaux des États-Unis. »

Le joueur de 20 ans avait atteint le quatrième tour pour ses débuts à New York en 2017, après être passé par les qualifications. Il a encore bien fait l’an dernier en atteignant le troisième tour, où il ne s’est incliné qu’en cinq manches face au Sud-Africain Kevin Anderson, alors cinquième mondial.

Le match entre Auger-Aliassime et Shapovalov sera donc joué mardi, en fin d’après-midi (quatrième match après 11 h). Les organisateurs l’ont programmé sur le Grandstand, troisième court en importance au Centre Billie Jean King.

Difficile pour Raonic, Pospisil et Schnur

Trois autres joueurs canadiens sont entrés directement au tableau principal des Internationaux des États-Unis, mais ils ne reçoivent pas la même attention que leurs jeunes compatriotes Auger-Aliassime et Shapovalov.

Milos Raonic est pourtant un habitué de la deuxième semaine à New York, mais le joueur de 28 ans est ralenti cette saison par des malaises persistants au dos, et il serait étonnant qu’il puisse passer au travers d’un tournoi aussi éprouvant que les Internationaux des États-Unis. Ses premiers matchs s’annoncent relativement aisés, mais c’est contre lui-même qu’il devra surtout se battre.

De son côté, Vasek Pospisil retrouve rapidement la forme après avoir lui-même dû composer avec une blessure au dos. Il a bien failli surprendre Auger-Aliassime il y a trois semaines à la Coupe Rogers et possède le jeu pour embêter ses adversaires, particulièrement en cinq manches. Le tirage ne lui a toutefois pas été favorable avec un premier tour contre le Russe Karen Khachanov, neuvième favori et récent demi-finaliste à Montréal.

Brayden Schnur fera ses débuts à New York à 24 ans, mais il a lui aussi hérité d’un adversaire difficile, le Français Benoît Paire (29e), qui était en finale hier à Winston-Salem et connaît une très bonne saison.

Des cinq Canadiens, seul Raonic sera en action aujourd’hui. La 21e tête de série affrontera le Chilien Nicolás Jarry (69e) dans le quatrième match au programme sur le court 5.

« Je me surprends moi-même ! »

PHOTO DAN HAMILTON, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Bianca Andreescu est passée du 208e au 15e rang mondial.

Il y a un an, Bianca Andreescu venait de rater le Coupe Rogers et, encore loin de sa meilleure forme, elle avait été éliminée au premier tour des qualifications à New York.

Depuis cette défaite, la joueuse de 19 ans présente une fiche incroyable de 56 victoires et 6 défaites. Elle est passée du 208e au 15e rang mondial et elle est considérée comme l’une des favorites des Internationaux des États-Unis.

Vendredi, c’est elle qui a succédé à Roger Federer sur la tribune érigée dans le stade Louis-Armstrong pour la traditionnelle journée des médias. Sa progression phénoménale, ponctuée de titres d’envergure à Indian Wells et à Toronto, a surpris tout le monde, elle la première.

« C’est vrai, je me surprends moi-même ; c’est incroyable, ce qu’une année peut changer, a-t-elle souligné, en point de presse à New York. En 2018, j’étais blessée au dos et là, je vais être directement dans le tableau principal, 15e tête de série ! »

« Et c’est sûr que je suis confiante après ma victoire à la Coupe Rogers, à Toronto. Mon meilleur résultat en carrière en Grand Chelem a été un troisième tour cette année en Australie, et j’aimerais faire au moins aussi bien ici. Mais gagner le tournoi serait encore mieux ! »

De toute évidence, la jeune femme affiche avec de plus en plus d’aplomb son nouveau statut. « Je n’avais pas réalisé tout ce que je pouvais faire sur un court, même si mon entraîneur [Sylvain Bruneau] n’arrêtait pas de me dire qu’il y avait une grande championne en moi. Je ne sais pas, peut-être que je commence à le réaliser… »

Force mentale

Plus que tout, c’est l’intensité d’Andreescu qui lui a permis de remporter toutes ses victoires, souvent après avoir été dans des situations très délicates. Si elle souligne l’apport de son équipe sur le plan de la préparation physique, la Torontoise insiste sur sa force mentale : « Un bon conditionnement physique est important pour passer à travers les matchs, les tournois, les longues saisons. Mais la préparation mentale est souvent ce qui fait pencher la balance dans les situations importantes, en fin de match, quand le corps craque et qu’il faut trouver des ressources dans sa tête. »

Je fais beaucoup de méditation, beaucoup de visualisation aussi. J’en avais parlé à Indian Wells, mais je crois vraiment qu’il faut entraîner son cerveau aussi sérieusement que son corps.

Bianca Andreescu

« Je pense que beaucoup d’athlètes travaillent seulement sur leur physique, en oubliant l’aspect mental, alors que c’est le cerveau qui dirige le corps. »

« Si on est fort mentalement, je pense qu’on peut trouver en soi des ressources pour pousser davantage son corps quand les choses ne se passent pas comme on le veut. Et je pense que c’est souvent ce que j’ai réussi cette saison. »

Nouvelles ambitions

Sûre d’elle, de nouveau en pleine forme après un printemps gâché par une blessure à une épaule, Andreescu affiche de nouvelles ambitions. Bien réussir aux Internationaux des États-Unis est évidemment sa priorité immédiate, on l’a vu, mais elle pense aussi à la Finale de la WTA, à la fin d’octobre.

Elle occupe actuellement la huitième place au classement de la saison, la dernière qualificative pour la finale de Shenzhen, en Chine. « Ce serait incroyable de me qualifier, a-t-elle estimé. Faire partie de ce groupe d’élite représenterait déjà beaucoup pour moi. Pensez : je jouerais contre les meilleures joueuses du monde ! Avoir mon nom avec les leurs signifierait vraiment beaucoup.

« Mais en même temps, je ne veux rien tenir pour acquis, assure Andreescu. Je sais qu’il va y avoir des semaines plus difficiles, que je vais perdre des matchs. En ce moment, les choses se passent bien et j’espère simplement pouvoir garder cet élan pour le reste de la saison. »

Serena Williams disait dimanche dernier à Toronto qu’Andreescu était bien plus mature qu’elle au même âge. Et la jeune Canadienne l’assume pleinement. « Nous sommes jeunes, Félix [Auger-Aliassime], Denis [Shapovalov] et moi, mais nous sommes prêts à être les visages du tennis canadien. Nous avons grandi en admirant Milos [Raonic], Vasek [Pospisil], Eugenie [Bouchard], mais le temps est peut-être venu pour notre génération ! »

Enfin une victoire pour Bouchard ?

PHOTO MARK BLINCH, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Eugenie Bouchard 

Eugenie Bouchard va tenter demain de mettre fin à une série de 11 défaites consécutives devant la Lettone Anastasija Sevastova, 12e favorite. Une grosse commande pour une joueuse qui a quand même offert une belle performance il y a quelques jours à Toronto, au premier tour de la Coupe Rogers, contre Bianca Andreescu. La Canadienne de 25 ans continue d’ailleurs d’avoir de nombreux partisans et elle a pris part vendredi à une « clinique » organisée par Yonex au tournoi du Bronx, à New York, en compagnie de l’Australien Nick Kyrgios.

Dix joueurs à suivre

Si les favoris des Internationaux des États-Unis sont clairement désignés du côté masculin, avec encore Novak Djokovic, Rafael Nadal et Roger Federer loin devant, la situation est plus indécise chez les femmes. Serena Williams est la favorite des parieurs, mais saura-t-elle tenir deux semaines ? 

Serena Williams
37 ans, 23 titres majeurs, 8 titres à New York
Toujours parmi les meilleures à 37 ans, Serena semble toutefois avoir de plus en plus de difficulté à rester en pleine forme. Et alors qu’elle n’est plus qu’à un seul titre majeur du record de Margaret Court, elle a perdu ses trois dernières finales en Grand Chelem. Quand même impossible de la négliger.

Simona Halep
25 ans, 2 titres majeurs, demi-finaliste à New York en 2015
Elle n’a remporté qu’un titre cette saison, mais c’était à Wimbledon, avec une véritable démonstration (6-2 et 6-2) devant Serena Williams. Elle a le jeu pour briller sur les courts du stade Arthur-Ashe, mais saura-t-elle trouver en elle la motivation pour résister à deux semaines de folie à New York ?

Naomi Osaka
21 ans, 2 titres majeurs, championne en titre
De retour au premier rang mondial, elle a connu une saison en dents de scie après son triomphe en Australie. Elle vient toutefois d’atteindre les quarts de finale à Toronto et à Cincinnati et semble retrouver son tennis. N’oublions pas qu’elle a remporté les deux derniers tournois majeurs sur surface dure…

Madison Keys
23 ans, finaliste à New York en 2017, demi-finaliste en 2018
Ses performances passées montrent qu’elle est toujours redoutable aux Internationaux des États-Unis et elle vient tout juste de s’imposer à Cincinnati. Finaliste malheureuse en 2017, devant Sloane Stephens, elle a acquis beaucoup de maturité en devant surmonter des blessures et sera mieux armée si elle retourne en finale cette année.

Sofia Kenin
20 ans, 3e tour à New York en 2017 et 2018
Née à Moscou, l’Américaine est l’une des révélations de la saison avec déjà deux titres. Elle n’a toutefois encore que 20 ans et, même si elle affichera des ambitions plus élevées cette année à New York, elle devra aussi composer avec la pression très forte que le public new-yorkais ne manquera pas de lui imposer.

Novak Djokovic
32 ans, 16 titres majeurs, 3 titres à New York
Le Serbe a remporté quatre des cinq derniers tournois majeurs et, à ce rythme, il dépassera bientôt tous ses rivaux sur la liste des titres en Grand Chelem. Toutefois, s’il a gagné trois fois à New York, il y a aussi subi cinq défaites en finale. Chose certaine, ce serait étonnant qu’il ne soit pas encore dans la lutte jusqu’au bout.

Rafael Nadal
33 ans, 18 titres majeurs, 3 titres à New York
Sa performance en finale de la Coupe Rogers, devant l’un des joueurs en forme de la saison, a prouvé qu’il était encore en mesure de briller sur le ciment, malgré ses « vieux » genoux. Reste à voir s’il pourra vaincre Djokovic ou Federer. L’Espagnol devra aussi se méfier des premiers tours ; il avait été sorti au troisième et au quatrième tour à New York en 2015 et 2016.

Roger Federer
38 ans, 20 titres majeurs, 5 titres à New York
Battu rapidement à Cincinnati, la semaine dernière, le Suisse n’a sans doute pas encore digéré sa défaite en finale à Wimbledon, devant Djokovic, après être venu à deux points du titre. Ses admirateurs aimeraient le voir savourer une revanche, mais Federer a bâti son glorieux palmarès en gardant toujours la tête froide. Il ne devra pas l’oublier.

Daniil Medvedev
23 ans, 4e tour à New York en 2017 et 2018
Champion à Cincinnati, finaliste à Montréal et à Washington, Medvedev est sur une formidable lancée. Il a aussi le rare avantage psychologique d’avoir battu Novak Djokovic deux fois déjà cette saison. Ça risque d’être plus compliqué à faire en Grand Chelem, d’autant plus qu’il n’a encore jamais franchi le quatrième tour à ce niveau.

Karen Khachanov
23 ans, 4e tour à New York en 2018
Un peu comme son « jumeau » Medvedev, le Russe a beaucoup progressé cette saison. Quart de finaliste à Roland-Garros, il a la taille et la puissance pour bien faire sur le ciment. Et il a montré pendant son match contre Félix Auger-Aliassime, au stade IGA, qu’il avait aussi un caractère qui pourrait le servir devant le rude public new-yorkais.