(Paris) Devenue en 15 ans une des plus marquantes de l’histoire du tennis, la longue rivalité entre Roger Federer et Rafael Nadal s’est forgée dès leurs deux premiers duels, joués à Miami, en 2004 et en 2005. En eux déjà, les germes qui ont depuis construit sa légende.

Il y a eu Borg-McEnroe, Sampras-Agassi ou encore Evert-Navratilova, il y a aujourd’hui Federer-Nadal, dont le 39e chapitre va s’écrire en demi-finales de Roland-Garros vendredi et promet d’attirer tous les regards.

«Je suis un grand fan de tennis. Alors, quand vous avez la chance d’avoir une demi-finale entre Roger et Rafa à Roland-Garros, vous allumez la télé et vous regardez. C’est sûr que je vais essayer de la voir si je peux», raconte le Suisse Stanislas Wawrinka, éliminé justement par Federer en quarts de finale mardi.

«C’est la combinaison de deux styles de jeu différents qui rendent nos matchs vraiment particuliers», estimait Nadal après leur finale inattendue aux Internationaux d’Australie de 2017, remportée en cinq manches par Federer, tout juste de retour sur le circuit après six mois de pause consécutifs à une opération au genou gauche.

«On a deux façons différentes de jouer au tennis et tous les deux du succès avec. J’ai l’impression que notre rivalité dépasse le monde du tennis, que des gens extérieurs au tennis en parlent, c’est bon pour notre sport», complétait-il.

Rebond

Les contours de la rivalité entre les deux joueurs devenus les deux plus décorés de l’histoire en Grand Chelem - 20 trophées pour Federer, 17 pour Nadal - se sont dessinés très tôt.

Dès que «Rafa», pas encore 18 ans et à peine dans le top 100, cheveux mi-longs et t-shirt sans manches bordeaux, a surpris le Suisse, fraîchement numéro 1 mondial à 22 ans, au troisième tour du tournoi de Miami en 2004 (6-3, 6-3 en à peine plus d’une heure).

Et, quand l’année suivante, toujours en Floride mais en finale cette fois, Federer a fini par renverser l’Espagnol au bout de près de 3h45 de lutte, après avoir été été mené deux sets à zéro (2-6, 6-7 (4/7), 7-6 (7/5), 6-3, 6-1).

Dès ces face-à-face initiaux, il brosse le portrait du joueur qui va le malmener sur terre battue tout au long de sa carrière et même aller jusqu’à le détrôner dans son jardin de Wimbledon en 2008.

«Il ne frappe pas la balle à plat et fort. Il met beaucoup de lift, ce qui fait rebondir la balle haut, c’est ce qui m’a posé des problèmes aujourd’hui. J’ai essayé de m’en sortir mais je n’ai pas pu», explique alors Federer.

«C’était important pour moi d’essayer de jouer de manière agressive. Mais j’ai perdu un peu de confiance en début de match, quand je suis monté quelques fois au filet et qu’il a tiré des bons passings. J’ai commencé à jouer un peu trop du fond du court, comme lui, plutôt que de venir plus au filet. C’est assurément à cause de son jeu aussi, il ne m’a pas permis de le faire», développe-t-il.

Nadal «a fait de moi un meilleur joueur»

Cette balle qui gicle, surtout sur son revers à une main, que décrit déjà Federer il y a 15 ans, c’est l’arme numéro 1 avec laquelle Nadal va le martyriser pendant des années.

Et cette volonté offensive, c’est probablement celle qui animera le Suisse vendredi pour essayer de se défaire de la tenaille espagnole.

Interrogé à l’époque sur les principales forces du prometteur Majorquin, Federer identifie «son coup droit» et «sa vitesse de déplacement», le qualifie d’«athlète exceptionnel» et loue ses qualités en défense.

«Son avenir? Oh non, s’il vous plaît, je ne préfère même pas imaginer la progression de ce gars-là!», lance-t-il au printemps 2005.

Deux mois plus tard, Nadal s’offre, en demi-finales, la première de ses cinq victoires en autant de rencontres avec Federer à Roland-Garros, sur la route du premier de ses onze sacres sur la terre battue parisienne.

S’il a rarement trouvé la clé sur ocre - deux victoires, la plus récente il y a dix ans, contre treize défaites -,  le Bâlois a repris la main depuis 2015 en remportant leurs cinq derniers face-à-face.

«Il est définitivement un de ceux qui ont fait de moi un meilleur joueur», soulignait Federer fin 2017. «Il m’a fait retravailler mon jeu, retourner à l’entraînement en réfléchissant ce que je pouvais changer. Pour ça, les défaites que j’ai subies valaient le coup.»