Comme tout événement de sport professionnel, les tournois de tennis sont réglés au quart de tour. Les averses peuvent certes jeter un peu d'incertitude sur l'horaire, mais en général, les joueurs savent à quoi s'en tenir.

Varvara Lepchenko, elle, sait toutefois qu'elle peut maintenant s'attendre à tout, car elle a vécu cette semaine ce qu'elle a qualifié de « journée la plus folle » de sa carrière.

Commençons par le contexte. Lepchenko, une Ouzbèke d'origine qui représente désormais les États-Unis, participait aux qualifications de la Coupe Rogers la fin de semaine dernière. La 50e joueuse mondiale a perdu au dernier tour des qualifications. Mais comme elle était la mieux classée des joueuses éliminées au dernier tour, elle pouvait encore espérer une place au tableau principal. En cas de forfait d'une joueuse, elle devenait en effet une « lucky loser », soit une joueuse repêchée.

C'est donc dimanche qu'elle a perdu en qualifications. Lundi, aucune joueuse n'a déclaré forfait. Idem mardi après-midi, tous les matchs au programme ont été disputés comme prévu.

« Je voulais quand même me donner une chance, a admis Lepchenko, en entrevue à La Presse. Mais mardi, je sentais que je n'avais plus de chances. C'est une situation bizarre, car tu ne peux pas trop faire de choses, mais tu ne peux pas non plus quitter le site. »

Mais voilà que quelques minutes avant son duel prévu à 18 h 30, l'Espagnole Garbiñe Muguruza a déclaré forfait. La troisième joueuse mondiale était aux prises avec des problèmes gastriques.

S'est alors amorcée une course contre la montre, car selon les règlements de la WTA, une joueuse repêchée a 15 minutes pour se présenter afin de disputer le match, une fois le forfait confirmé. Si elle en est incapable, on passe à la joueuse suivante parmi celles qui ont été éliminées. Et celle-là n'a que cinq minutes pour se présenter.

« J'avais tout fait ce que je devais faire : un entraînement le matin, un autre l'après-midi, et ensuite, je suis allée dans le parc [Jarry] pour courir des intervalles, explique Lepchenko. J'avais terminé ma journée, et là, j'ai aperçu mon père en haut d'une colline, qui criait mon nom ! Dès que je l'ai vu, je savais que quelqu'un avait abandonné. J'ai couru vers les bureaux et on m'a dit que j'avais cinq minutes pour me changer et aller sur le terrain. Je n'avais presque plus de vêtements propres pour la journée ! »

Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Appelée à remplacer Garbine Muguruza à cinq minutes d’avis mardi soir, Varvara Lepchenko a gagné son match (3-6, 6-4 et 6-2) contre la Britannique Naomi Broady, une joueuse issue des qualifications.

« Les premières minutes du match, j'essayais simplement de me calmer, car c'était tout de suite après mon entraînement. J'étais assez concentrée malgré tout, car je savais que c'était une belle occasion pour moi. Je voulais faire de mon mieux. Tout s'est tellement passé vite, je n'ai pas vraiment eu le temps de réfléchir. C'était peut-être mieux comme ça ! »

Mieux, car Lepchenko a gagné son match, malgré les conditions difficiles ! Un gain de 3-6, 6-4 et 6-2 sur la Britannique Naomi Broady, joueuse issue des qualifications.

COUP DE POUCE AU CLASSEMENT

Ce coup du hasard représente un cadeau du ciel pour Lepchenko. C'est que la joueuse qu'elle remplaçait, Muguruza, avait un laissez-passer pour accéder directement au deuxième tour. En remportant son match, Lepchenko a donc atteint le troisième tour, ce qui lui assure des gains appréciables.

En effet, sa défaite au dernier tour des qualifications lui aurait valu 20 points et 3120 $. Voilà que dans le pire scénario, si elle perd aujourd'hui son match de troisième tour contre la Britannique Johanna Konta, elle obtiendra 105 points et touchera 27 790 $. Si elle gagne, les gains augmenteront.

Ces points sont d'autant plus précieux qu'elle perdra bientôt les 185 points qu'elle avait décrochés en atteignant la demi-finale à Stanford, à l'été 2015 (le classement mondial est établi sur une base de 52 semaines).

« Je ne pense pas grimper au classement cette semaine, mais au moins, ça va m'aider à garder ma position, ça fera du bien financièrement et ça va m'aider à me préparer pour la séquence qui mène aux Internationaux des États-Unis.

« Disons que le terme "lucky loser", ça exprime vraiment bien ce que c'est ! »