L'Angleterre est célèbre pour ses jardins et l'un des plus réputés se cache - bien mal - dans la banlieue sud de Londres. Le All England Lawn Tennis & Croquet Club s'est installé à Wimbledon au XIXe siècle et on y «cultive» encore aujourd'hui les plus beaux courts de gazon du monde entier.

On célèbre cette année le 125e anniversaire du Championnat et Wimbledon a conservé le charme du village qu'il était en 1877 quand Spencer Gore a remporté le tout premier tournoi masculin. La petite randonnée qui mène du métro au club est étonnamment bucolique et si on prend le temps de se perdre un peu dans les petites rues transversales, on découvre un quartier qui n'a visiblement pas beaucoup changé depuis plusieurs décennies.

Le AELTC lui-même est un véritable temple du tennis, avec son musée, ses salons réservés aux anciens champions, son personnel en costumes impeccables, ses traditions bien établies. Mais on ne fête pas ses 125 ans en n'étant qu'une relique.

Wimbledon évolue continuellement. On a inauguré cette année deux nouveaux courts qui ont ramené la capacité à 19 courts et à près de 40 000 spectateurs chaque jour. Et le toit escamotable du court central, considéré par plusieurs comme un sacrilège quand on l'a inauguré en 2009, a largement prouvé son utilité depuis le début de la semaine.

Heureux mélange de vieux et de neuf, d'histoire et d'innovation, de champêtre et de technologique - aucun tournoi de tennis n'est suivi en direct par plus de pays -, Wimbledon est le tournoi le plus important du Grand Chelem, quoi qu'en pensent les Français ou les Américains. Et les joueurs sont prêts à sacrifier certains luxes auxquels ils sont habitués pour mieux goûter l'expérience du rendez-vous londonien.

Plusieurs des têtes d'affiche préfèrent ainsi louer des maisons directement à Wimbledon. Les soeurs Williams, par exemple, ont renoncé au luxe auquel elles sont habituées pour éviter la cohue des déplacements au centre-ville de Londres.

«J'ai un appartement à Paris et je sais à quoi m'attendre en Europe, a expliqué Serena jeudi. Je ne suis intransigeante que sur l'éclairage. Heureusement, nous avons trouvé une petite maison charmante dont on a refait tout l'éclairage...»

La «maison» de Roger

Roger Federer, lui, en est carrément venu à considérer le AELTC comme sa «maison». Déjà six fois vainqueur du tournoi, vu par plusieurs comme le plus grand joueur de tous les temps, le Suisse tente cette année de rejoindre Pete Sampras et William Renshaw au palmarès du Championnat avec un septième titre.

«C'est vrai que Wimbledon est un peu ma deuxième maison, a expliqué Federer, plus tôt cette semaine, en conférence de presse. C'est ici que tout a vraiment commencé pour moi en 2003 avec mon premier titre majeur, et même avant, en 2001, quand j'avais battu Pete (Sampras).

«Chaque année, Wimbledon est ma priorité absolue et je n'ai jamais aussi hâte d'arriver à un tournoi qu'ici. J'aime Londres, ma femme aussi. Nous y avons toujours été bien reçus. Être membre du club (à titre d'ancien champion) procure plusieurs privilèges et ici, c'est important pour moi.»

Sampras, qui est très proche de Federer depuis qu'ils ont effectué une tournée de matchs de démonstration en Asie, il y a quelques années, a assuré qu'il ne serait pas déçu de voir son copain égaler et même battre sa marque.

«Il a encore un énorme avantage sur tous ses rivaux à Wimbledon», a estimé le grand champion américain dans une entrevue récente à La Presse. «Nadal est excellent, Djokovic et Murray peuvent aussi prétendre au titre, mais Roger reste le maître du gazon. S'il reste en santé, il pourrait se rendre à 10 titres à Wimbledon!»

La prédiction de Sampras est certes dictée par l'amitié, mais elle témoigne aussi de la rare endurance du Suisse. Federer participe présentement à un 47e tournoi majeur consécutif. Le record de 56 appartient au Sud-Africain Wayne Ferreira, mais ce dernier n'a jamais approché le niveau d'excellence de son rival. Federer a atteint au moins les quarts de finale des 28 derniers tournois majeurs.

«Je suis très fier de cette série, a-t-il répété jeudi. C'est une bonne réponse à tous ceux qui prétendent que je ne suis plus au sommet. Je joue très bien présentement, en fait, je joue très bien depuis un an.»

Battu en quart de finale par le Tchèque Tomas Berdych, il y a un an à Wimbledon, Federer était alors blessé. De retour au sommet de sa forme, superbe finaliste à Roland-Garros après avoir stoppé le quasi invincible Novak Djokovic en demi-finale, celui qui aura 30 ans dans un peu plus d'un mois retrouve cette quinzaine le jardin de ses plus belles récoltes.

Et vous ne trouverez pas beaucoup d'habitants du village prêts à parier contre ses chances encore cette année.