Médaillé d’or en lutte olympique ET champion en lutte professionnelle, c’est possible ? C’est ce qu’a accompli Kurt Angle, ancien champion du monde à la WWE. La fierté de Pittsburgh sera de passage au Comiccon de Montréal samedi, pour des séances payantes d’autographes et de photos. Entrevue avec un homme au parcours singulier.

Janvier 2000. La WWF organise le Royal Rumble, un classique annuel, au Madison Square Garden, essentiellement sa maison. C’est là qu’ont eu lieu plusieurs des spectacles les plus importants de l’histoire de l’entreprise, c’est là qu’on retrouve les partisans les plus à l’affût. C’est New York et tout ce qui vient avec.

Quiconque connaît le moindrement la lutte sait à quel point le premier combat d’une soirée est crucial, afin de donner le ton, de stimuler les spectateurs. C’est l’équivalent de la première présence dans un match de hockey. Et c’est à Kurt Angle, alors un débutant qui lutte à la WWF depuis seulement deux mois, que l’on confie la tâche de lancer les hostilités. Son combat l’oppose à Tazz, une légende locale qui débarquait à la WWF en provenance de l’ECW, une autre organisation.

Le combat dure à peine trois minutes, mais les spectateurs en ont pour leur argent et rugissent d’un bout à l’autre. Tazz remporte le combat, « infligeant » à Angle sa première défaite à la WWF.

« Je me sentais bien, la compagnie me faisait confiance contre le plus grand nom de l’ECW. J’ai perdu, mais c’était une bonne façon de lancer la carrière de Tazz avec nous », estime aujourd’hui Angle.

Crédibilité à préserver

Quelques années plus tôt, Angle n’aurait jamais tenu ce discours. Son passé de lutteur olympique l’amenait en effet à regarder de haut la lutte professionnelle, avec ses chorégraphies, ses coups de chaise et ses artifices.

Lutteur émérite dans les rangs universitaires de 1988 à 1992, Angle allait ensuite laisser sa marque dans son sport comme champion du monde de lutte libre en 1995, puis de médaillé d’or des 100 kg aux Jeux d’Atlanta en 1996.

Vince McMahon, propriétaire de la WWF, est alors à la recherche incessante de futures vedettes, lui qui en a perdu une et une autre, notamment Hulk Hogan, aux mains de sa concurrente directe, la WCW. Il pressent notamment deux athlètes olympiques américains, soit Angle et l’haltérophile Mark Henry.

« Après les Jeux, Vince m’a invité au siège social de la WWF pour m’offrir un contrat de 10 ans, pour plusieurs millions de dollars. Je ne savais pas comment réagir, je n’avais jamais fait d’argent avant ! Mais je ne comprenais pas la lutte, je n’étais pas fan. Je lui ai dit : “Je suis champion olympique, tu dois me promettre que je ne perdrai jamais.” Il m’a dit : “Pas besoin de nous appeler, on va te rappeler !” », raconte Angle dans un éclat de rire, au bout du fil.

« Donc j’en parle à mon agent, et il jette le contrat aux poubelles. Il était lui-même un ancien lutteur amateur. Il me dit : “Tu fais de la vraie lutte, ils font de faux combats. Oublie ça, je vais te trouver autre chose.” »

L’agent tient parole et lui trouve effectivement autre chose : un travail de lecteur de nouvelles dans une station locale de Pittsburgh, les fins de semaine.

Voyez Kurt Angle lisant les nouvelles à la télévision de Pittsburgh

« Mais je n’ai jamais été très bon. Après un an, j’ai lâché, j’ai rappelé la WWF pour savoir si l’offre était toujours sur la table. Ils m’ont dit : “Non, mais tu peux venir faire un essai.” »

Apprendre à perdre

La suite, diraient nos amis anglophones, fait partie de l’histoire.

Angle a connu une ascension fulgurante dans ce qui est ensuite devenu la WWE et en a été champion des poids lourds à quatre reprises. Il a vite gagné le respect des amateurs par sa capacité à livrer des combats enlevants. Ses saltos arrière semblaient produits par l’intelligence artificielle, tant ils étaient fluides. En 2001, il en avait même tenté un du haut d’une cage ; son adversaire s’était tassé.

Angle a aussi vite gagné le respect des dirigeants de la WWE. En 2002, quand un lutteur prometteur du nom de John Cena était prêt pour les grandes ligues, c’est avec Kurt Angle qu’il a livré son premier combat.

Il a accompli tout ça non sans avoir perdu des combats en chemin, ce qu’il croyait impensable quand il trimbalait sa médaille olympique fraîchement gagnée.

PHOTO FOURNIE PAR LE COMICCON DE MONTRÉAL

Kurt Angle subit la prise du grappin de l’Undertaker

Il remercie Dory Funk fils et Tom Pritchard – le frère de l’inimitable Brother Love – de lui avoir appris l’importance de la défaite.

« Ils m’ont enseigné la psychologie de la lutte. Un lutteur doit gagner pour se bâtir un personnage. Mais pour gagner, tu dois battre d’autres lutteurs. En perdant, tu dois mettre en valeur ton adversaire. Comme j’étais un médaillé d’or olympique, un adversaire qui me battait avait de quoi se vanter ! »

Kurt Angle au sujet de…

Kevin Owens et Sami Zayn

Au moment où les Québécois Kevin Owens et Sami Zayn ont pris d’assaut la WWE, Angle ralentissait ses activités dans l’arène et luttait de façon sporadique. Il n’a donc jamais lutté avec eux. Il a toutefois interagi avec eux à quelques reprises au micro. « Ils sont tellement talentueux. C’est fou de voir le nombre de lutteurs canadiens qui ont eu des carrières incroyables. C’est fou. Kevin et Sami n’ont pas l’air de lutteurs typiques. Kevin a un léger surplus de poids, Sami est maigre, mais ils sont tellement talentueux qu’ils sont devenus populaires. Quand tu penses à un lutteur, tu penses à un culturiste, pas à des gars comme eux ! »

Mario Lemieux

Kurt Angle n’a pas des tonnes d’histoires à raconter en lien avec Montréal. Il a lutté une dizaine de fois dans la métropole, mais n’y a jamais livré de combats mémorables, lui qui a pourtant produit des dizaines de batailles épiques. Il a toutefois un historique avec un des plus grands sportifs d’ici : Mario Lemieux. Angle vient de Pittsburgh et quand il est devenu champion olympique, il s’est mis à recevoir diverses invitations à des évènements pour célébrités locales. C’est donc là qu’il s’est mis à respirer le même air que le 66. « Il m’a invité à son tournoi de golf et j’ai été vraiment mauvais ! Je l’ai moins vu ces dernières années, mais l’an passé, j’ai assisté à un match à Pittsburgh et ma loge était voisine de la sienne, donc on a parlé un peu. » Angle est catégorique sur l’héritage de Lemieux : « Il est le plus grand nom de l’histoire du sport à Pittsburgh. Peut-être plus gros que Terry Bradshaw. N’oublions pas ce qu’il a fait : des œuvres de charité, des complexes sportifs. Il n’a pas seulement été un athlète, il en a fait bien plus. »