À la veille de la cérémonie de clôture, l'équipe canadienne de ski acrobatique est descendue en ville pour une conférence de presse au centre principal des médias, hier après-midi. Normal : cette équipe est le success story de ces Jeux olympiques de Sotchi : deux doublés en bosses, l'or et le bronze en slopestyle féminin et l'argent en demi-lune masculine (1).

Ski acrobatique Canada peut se targuer d'être parvenu à ces résultats avec des moyens modestes par rapport à d'autres grandes fédérations sportives. Dans les circonstances, l'aide du programme d'excellence À nous le podium a été précieuse : 10,3 millions pour le cycle de quatre ans menant à Sotchi, soit le plus haut total des 17 disciplines ciblées.

Ce n'est pas un hasard si Peter Judge, chef de la direction sortant de Ski acrobatique Canada, a été choisi pour succéder à Ken Read comme directeur du volet hiver d'À nous le podium (ANP). À ce titre, il aura la tâche délicate de répartir les 22 millions (2) octroyés aux fédérations selon les résultats passés, les perspectives d'avenir et les recommandations des experts d'ANP.

« Après ce cycle de quatre ans, on va évidemment regarder les médailles qui ont été remportées, ce qui était visé et l'ensemble des résultats aussi », a mentionné Judge en entrevue plus tôt cette semaine. « Par exemple, si vous regardez la luge, ils ont obtenu deux quatrièmes places et une cinquième place. Ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas remporté de médaille qu'il faut les laisser tomber. On regarde aussi la qualité du système, la performance au plus haut niveau et les possibilités de développement à long terme. »

Les succès dans les disciplines acrobatiques ont cruellement rappelé à quel point le Canada a été discret dans les sports traditionnels que sont le ski alpin, le ski de fond et le biathlon. À elles seules, ces trois disciplines accaparent plus du tiers des médailles qui ont été remises à ces Jeux d'hiver, soit 102 sur 294.

À moins d'un miracle au 50 kilomètres style libre en ski de fond aujourd'hui (Ivan Babikov ?), le Canada sera limité à une seule médaille dans ces trois sports, le bronze de Jan Hudec au super-G.

Prudent, Peter Judge refuse de statuer sur l'avenir de ces sports dans l'optique d'ANP. « Pour être honnête, je ne connais pas très bien les plans de ces fédérations et je ne sais pas où on doit se diriger. Je dois me faire une idée à ce sujet. »

Le futur directeur des sports d'hiver croit néanmoins qu'il faut accorder une attention particulière à ces disciplines à médailles multiples. « On a vu ce que les Néerlandais ont fait avec une vingtaine de médailles et plus en patinage de vitesse longue piste, a souligné Judge. Il y a certainement une stratégie derrière ça. On va se pencher là-dessus. Du côté des sports d'été, il y a eu de nombreuses discussions au sujet des sports à épreuves multiples. L'idée est de viser trois ou quatre médailles dans chacun de ces sports, ce qui nous procurerait 14, 16, 18 médailles et plus. Ça ferait une énorme différence. Il faut penser de la même façon pour les sports d'hiver. »

Les médailles ne disent pas tout.

Des éléments encourageants

En ski alpin, la médaille d'Hudec a été une embellie dans une quinzaine autrement sombre. Ralenti par une blessure dans sa préparation, Erik Guay, 10e de la descente, n'a pas été en mesure de concrétiser son potentiel. La 10e place au super-G de Morgan Pridy, 23 ans, est un élément encourageant. Chez les femmes, la leader Marie-Michèle Gagnon a été éprouvée par une blessure et des sorties de piste, mais elle a rebondi avec le neuvième rang au slalom. L'avenir paraît prometteur pour le jeune groupe technique féminin, complété par Brittany Phelan (15e au slalom), Erin Mielzynski (18e en géant), Elli Terwiel et Marie-Pier Préfontaine (20e au super-G).

En biathlon, les attentes étaient modestes, mais Jean-Philippe Le Guellec, cinquième au sprint, est venu bien près de réaliser l'exploit. On l'a souvent vu en tête pendant les JO, mais une chute (poursuite) et des problèmes au tir (départ groupé et relais 4 x 7,5 km) l'ont empêché de concrétiser une forme (et des skis !) de toute évidence exceptionnelle. À 28 ans, l'athlète de Shannon peut partir à la retraite la tête haute. Du côté féminin, le relais aurait pu causer la surprise, mais Zina Kocher s'est mise à rater les cibles au dernier pas de tir alors qu'elle luttait pour la troisième place.

En ski de fond, le Canada n'est pas passé près d'atteindre son objectif d'un podium. Il y a eu la saga du fartage et la maladie de Devon Kershaw, mais personne n'a semblé atteindre son pic de forme aux JO, Alex Harvey inclus. Le bilan pourrait provoquer des grincements de dents.

Grand contributeur au financement de la haute performance à Ski de fond Canada - plusieurs centaines de milliers de dollars -, l'organisme B2Dix n'a pas l'intention d'abandonner le navire. Son directeur, Dominick Gauthier, estime cependant que la fédération devra prendre des « décisions difficiles ». « Ce ne sont pas des sports avec des budgets illimités, a-t-il noté. Sans médaille, il risque d'y avoir encore plus de restrictions budgétaires. Mais il ne faut pas les laisser tomber. »

S'il était le décideur, Gauthier concentrerait les ressources autour de deux ou trois athlètes, comme Harvey, et couperait radicalement le reste du programme haute performance. « Un appui minimal : pas question d'avoir du staff cinq mois en Europe, a-t-il illustré. Pour 2018, il faut penser à une petite équipe, bien supportée, et ensuite avoir une optique sur 2022 ou même 2026 en aidant et en développant des athlètes qui ont aujourd'hui 14 ou 16 ans. »

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(1) On ne compte pas le doublé en skicross féminin, cette discipline relevant dans les faits de Canada Alpin.

(2) Le récent budget fédéral a rendu permanent ce financement de 22 millions pour les sports d'hiver.