Comme l'indique le macaron épinglé sur la bretelle de son sac à dos, Didier Cuche est en campagne. Le 19 février, il tentera de se faire élire à la commission des athlètes du Comité international olympique. Si Erik Guay se donne la peine de voter, le Suisse sera probablement son candidat de choix.

Quand il est devenu champion mondial de descente en 2011, Guay a devancé Cuche. Un an plus tard, le plus grand descendeur de sa génération s'est retiré du ski alpin à 37 ans et demi, après avoir remporté la mythique descente de Kitzbühel pour la cinquième fois, un record. Le titre mondial et l'or olympique de la discipline reine du ski alpin lui ont cependant toujours échappé.

«Aux Jeux olympiques, tout peut arriver», a rappelé Cuche, rencontré hier après-midi à la station de ski de fond Laura, tout juste avant le départ du 15 km classique. «Les cartes sont un peu plus mélangées que sur une Coupe du monde. Il y a des choses un peu inattendues qui arrivent. Des favoris qui ne font pas une mauvaise course, mais d'autres qui prennent plus de risques, qui tentent leur chance.»

Aux JO de Vancouver, Cuche partait grand favori. Numéro un au classement de la Coupe du monde, il avait remporté les deux descentes d'entraînement. Avec le recul, il estime que les dizaines d'entrevues qu'il a enchaînées sur le bord de la piste à Whistler ont fini par saper une partie de ses énergies. Le lendemain, il a terminé sixième tandis que son compatriote Didier Défago s'envolait vers l'or. Guay a fini cinquième, à deux dixièmes du bronze.

Après sa déception à la descente de Sotchi, où il s'est classé 10e, Guay tentera de rebondir dimanche au super-G pour décrocher le seul honneur manquant à son palmarès: une médaille olympique.

Cuche l'en croit capable: «Je pense qu'Erik est un peu revanchard par rapport à la descente. Il a envie de faire mieux. C'est sûr que, pour les pays d'Amérique du Nord, la reconnaissance, elle passe beaucoup par les Championnats du monde ou les Jeux olympiques. Donc, je lui souhaite. En plus, c'est vraiment un gars très agréable, très fair-play, avec qui j'ai eu énormément de bons contacts.»

Ralenti par des ennuis physiques une bonne partie de sa carrière, Cuche a connu ses meilleures années à partir de 32 ans, remportant quatre globes de cristal en descente. Guay a 32 ans et il a clairement l'intention de poursuivre sa carrière pour un autre cycle olympique, si sa santé le lui permet.

«Dans les disciplines de vitesse, l'expérience est très importante, a rappelé Cuche. Erik en a tellement emmagasiné maintenant. Après, il y a de petites choses qui font que ça marche ou pas. Mais tous ces détails, cette expérience sur le matériel, sur le plan de la gestion de course, ça s'accumule. Au bout d'un moment, ça aide. C'est un gros bagage qui commence à porter des fruits maintenant. Oui, il a de belles années devant lui.»

Et le Neuchâtelois d'enchaîner: «Après, il commence à avoir une grande famille [NDLR: le couple attend un troisième enfant au printemps]. Ils ont l'air heureux. Si sa femme est d'accord, et que lui a le feu et la passion, il faut qu'il continue, il faut qu'il se fasse plaisir. Après, c'est une autre vie, ce n'est pas le même baromètre émotionnel... Il faut profiter. Moi, je pense que j'aurais pu faire encore deux ou trois ans et ça serait encore bien allé.»

L'homme de 39 ans se félicite néanmoins de sa décision de raccrocher. «Pourquoi tendre la corde jusqu'à ce qu'elle lâche? a-t-il demandé. On voit chaque année de graves accidents. J'ai la chance d'être tombé quelques fois dans les entraînements, rarement en course, voire jamais. Je suis planté devant vous, je n'ai mal nulle part. Je peux faire tout ce dont j'ai envie comme sport.»

Cuche est reparti poursuivre sa tournée des athlètes avant de se retourner, les deux pouces en l'air. «Pour Erik...»

La confiance de Podborski

Steve Podborski a une bonne idée de la façon dont Erik Guay a pu se sentir après avoir raté son coup à la descente des Jeux olympiques de Sotchi, dimanche dernier.

Le chef de mission de l'équipe canadienne était dans les gradins pour encourager celui qui l'a surpassé en montant sur son 21e podium en Coupe du monde, en décembre.

«Je sais à quel point c'est affreux, a raconté Podborski vendredi. J'ai fini huitième à mes deuxièmes Jeux olympiques après avoir gagné une médaille [NDLR: le bronze à Lake Placid en 1980]. Comment cela peut-il être bon? C'est un sentiment affreux, affreux...

«Peu importe comment on s'est préparé ou à quel point on est bon, parfois, on ne peut juste pas gagner, a ajouté le chef de mission. Et c'est très, très frustrant. Contrairement à d'autres sports, comme la natation ou la course à pied, où on essaie d'atteindre graduellement son pic et espère qu'il soit meilleur que tous les autres, le ski alpin, c'est un peu plus une loterie.»

À son dernier départ en super-G, à Val Gardena en décembre, Guay a pris la sixième place. Aux yeux de Podborski, le skieur de Mont-Tremblant «peut certainement gagner» celui de Sotchi demain. «Il a été champion de la Coupe du monde, il sait comment gagner un super-G. C'est un grand compétiteur, il va être correct.»