Le talent individuel de ses joueurs ne suffit pas à Laurent Blanc. Le nouveau sélectionneur des Bleus entend les doter d'un esprit de corps indestructible en leur faisant travailler le mental grâce à un profileur venu sonder les cerveaux cette semaine à Clairefontaine.

«Ne croyez pas qu'ils ont été mis dans une pièce noire et allongés sur un divan jaune!», s'est amusé Blanc, jeudi, à deux jours d'un match crucial de l'équipe française de football face à la Roumanie, comptant pour les éliminatoires de l'Euro 2012. «C'était une mise en bouche pour avoir plus de renseignements sur les personnalités, tirer un profil individuel de chaque joueur. Je l'ai pratiqué sur moi, il y a 15 jours, tous les joueurs s'y sont plié de bonne grâce.»

«J'ai beaucoup apprécié», témoigne Adil Rami, le défenseur de Lille, qui a répondu comme ses coéquipiers à un questionnaire de personnalité.

«Il (le profileur) nous apprend à mieux nous connaître. Les questions étaient intéressantes, sur le caractère, le comportement, les choix de vie», a poursuivi Rami, titularisé après le fiasco du Mondial sud-africain dans une défense centrale remodelée, où a réapparu Philippe Mexès, le joueur de l'AS Rome.

«Tout le monde était concentré, c'était court, trois quarts d'heure, après le repas et avant la sieste», a repris Rami.

Alors que son prédécesseur Raymond Domenech se targuait de parfois recourir à l'astrologie pour départager deux candidats à l'équipe de France, Blanc entend de son côté désamorcer tout conflit potentiel, afin de voir son groupe tirer dans le même sens.

«Il peut arriver que deux caractères ne soient pas compatibles, a-t-il souligné. Pour moi, l'important c'est qu'ils soient compatibles 90 minutes durant.»

«Il n'y a rien d'inutile (à faire de nouvelles expériences). C'est un professionnel. Il est venu parler du mental, important chez le footballeur, témoigne l'attaquant Guillaume Hoarau. Cela fait partie de la performance des joueurs. Il a apporté ses lumières. Individuellement, cela permet de se découvrir. Nous aurons les résultats (du questionnaire) dans quelques jours.»

«Il n'y a pas de danger à mieux se connaître, certaines personnes à 80 ans ne se connaissent toujours pas, analyse Blanc. Dans les sports individuels, il y a beaucoup de sportifs de haut niveau qui ont un préparateur mental ou un profileur, avec des bons résultats dans le golf, dans le tennis. En sports collectifs, c'est plus délicat à faire fonctionner en raison des caractères, des religions, des couleurs de peau différentes. À mon avis, c'est (le profileur) l'avenir dans les sports collectifs.

«Le premier préparateur mental, c'est l'entraîneur», affirme en seul maître à bord Laurent Blanc, qui continue d'apposer sa griffe à fleuret moucheté sur son équipe de France. Il a confirmé jeudi des sanctions internes contre Karim Benzema et Lassana Diarra, arrivés en retard au stage de Clairefontaine lundi, sans préciser la nature de ces sanctions.

«Je n'ai pas apprécié. Il y a eu sanction. On verra ce qui se passera dans l'avenir», a-t-il dit.

Menaçant pour les fautifs, Blanc sait aussi être rassurant pour ces mêmes joueurs. Il a ainsi tranquillisé Lassana Diarra, soucieux d'évoluer au poste de milieu défensif, en confirmant que s'il devait jouer latéral droit, ce serait pour un dépannage exceptionnel. Il a aussi adoubé Benzema, parfois considéré comme trop nonchalant chez les Bleus et dans son club du Real Madrid. «Il est dynamique et a beaucoup d'envie. Ça se traduit par une aisance, une envie et une implication qui me plaisent beaucoup chez lui», a-t-il déclaré.

Le nouveau sélectionneur a déjà quelques certitudes. Florent Malouda, l'attaquant émérite de Chelsea, se pose comme son leader technique et de vestiaire. Il cite aussi Mexès et Alou Diarra. Samir Nasri «améliore le collectif de l'équipe, c'est un leader de terrain», dit-il, sans jeter la pierre à l'autre artiste Yoann Gourcuff, qui ne veut pas entendre parler du capitanat, a contrario du meneur de jeu d'Arsenal. «Gourcuff a un caractère plus effacé.»

Blanc, qui entend faire tourner entre trois et quatre joueurs pour le brassard de capitaine, sent les frémissements de la naissance d'un groupe.

«La réalité, c'est que ce groupe se connaît de plus en plus. En vivant avec eux depuis lundi intensément, (je sens que) des gens commencent à s'apprécier. L'important est de s'apprécier sans forcément être les meilleurs amis du monde. Notre difficulté de staff technique est de créer un groupe comme on a en club. Si on y arrive, on sera solide et les résultats suivront.»

Battue par le Bélarus lors de son entrée en lice dans les éliminatoires de l'Euro 2012, la France a ensuite dominé la Bosnie-Herzégovine. Elle doit confirmer ce succès de Sarajevo lors de la réception de la Roumanie, samedi, puis trois jours plus tard contre le Luxembourg, à Metz.