À l'échelle démographique québécoise, sa population de 330 000 habitants la situerait entre les villes de Laval et de Gatineau. Son bassin de joueurs professionnels, estimé à une petite centaine, dépasse de peu les effectifs combinés des trois équipes canadiennes évoluant dans la MLS. Petite quantitativement, l'Islande a cependant tout d'une grande dans cet Euro où elle disputera maintenant un quart de finale, dimanche, contre la France.

Au pays des volcans aux noms imprononçables, l'Euromania a frappé très fort: 98,9 % des téléspectateurs étaient branchés devant le match Islande-Autriche en conclusion de la phase de groupe. Il se dit aussi que 8% de la population islandaise était assise dans les tribunes de l'Allianz Riviera, à Nice, lors de l'énorme victoire aux dépens de l'Angleterre (2 à 1).

«C'est un soutien général et total. Tout le pays vibre au rythme de l'équipe nationale», confirme le joueur belge du Fimleikafélag Hafnarfjarðar, Jonathan Hendrickx, qui a brièvement côtoyé Laurent Ciman au Standard de Liège.

«J'ai été voir le match [lundi] sur un écran géant et il devait y avoir entre 40 000 et 50 000 personnes. C'est presque 20 % de la population, sans oublier les supporteurs présents au stade.»

De l'extérieur, le miracle islandais nous intrigue, nous pousse à l'interrogation et nous passionne. Le délirant commentateur à la voix cassée est devenue une sensation planétaire. La communion entre les joueurs et le public, au terme du succès contre l'Angleterre, restera comme l'un des grands moments de l'histoire de l'Euro. La 34e nation mondiale au classement FIFA, avec un gain de 78 places en l'espace de six ans, est devenue la coqueluche d'un public avide de belles histoires et de surprises.

Qui aurait prédit que l'Islande s'inviterait à la table des grands, en quarts de finale, dans une partie de tableau qui comprend l'Allemagne, l'Italie et la France?

«C'est un sentiment partagé, ici. Il y a des gens qui sont surpris de ce parcours parce que la mentalité islandaise est de montrer beaucoup de respect aux autres nations. Comme c'est un petit pays peu peuplé, ils se sentent un peu inférieurs, estime Hendrickx, qui a posé le pied en Islande en 2014. Il y a aussi d'autres personnes qui ne sont pas surprises et qui pensent même que l'Islande peut aller jusqu'en demi-finale. Quoi qu'il en soit, c'est historique.»

Sous l'impulsion du co-sélectionneur suédois, Lars Lagerbäck, l'Islande a fait un bond de géant. Lors des qualifications pour le Mondial 2010, les insulaires avaient pris le dernier rang de leur groupe en s'inclinant même en Macédoine.

Pour valider leur première présence dans un grand tournoi international, cet été, ils ont notamment battu la Turquie, les Pays-Bas et la République tchèque. La victoire contre l'Angleterre, à base de caractère, de solidarité, de puissance physique et d'opportunisme, notamment sur les phases arrêtées, reste un modèle du genre. Et un copier-coller de l'esprit islandais.

«Ils ont des capacités physiques au-dessus de la moyenne. Mais, il y a aussi de très bons joueurs comme Gylfi Sigurðsson qui possède des qualités énormes, distingue Hendrickx, âgé de 22 ans. La plus grande force de l'équipe, c'est qu'aucun joueur ne se sent supérieur à un autre. Dans le football comme dans la rue, les Islandais sont serviables et ils ont le coeur sur la main. Cette sélection est comme une grande famille dont les membres se donnent à fond l'un pour l'autre.»

Un championnat en essor

Aucun des 23 joueurs de la sélection islandaise n'évolue dans les clubs de la première division islandaise, l'Úrvalsdeild karla í knattspyrnu. On les retrouve plutôt dans 10 autres pays européens : de la Premier League anglaise à l'élite française ou allemande en passant par la Scandinavie.

En raison du climat difficile, il leur serait, de toute façon, difficile de maintenir un haut niveau tout au long de l'année. Le championnat islandais, qui est composé de 12 équipes, dont certaines semi-professionnelles, ne s'étale que de la mi-avril à la mi-octobre. L'hiver, période durant laquelle les équipes s'entraînent à l'intérieur, se déroule au ralenti.

«En deux ans, j'ai vu l'évolution et l'arrivée de beaucoup de joueurs étrangers. C'est un championnat en plein essor qui est coupé en deux. Les six premières équipes sont vraiment d'un bon niveau, avec de la qualité, tandis que celles en bas du classement sont un peu plus limitées», situe Hendrickx. 

«Avec les résultats de l'équipe nationale, il va y avoir énormément d'attention sur le championnat islandais. C'est tout bénéfice pour les joueurs étrangers, comme moi, et les clubs.»

Son essor est également dû à une bonne adaptation aux conditions météorologiques avec, dans les années 2000, la construction de sept terrains intérieurs. Environ 150 bâtiments couverts permettent aussi aux plus jeunes de jouer toute l'année. «Le pays a énormément évolué sur le plan des infrastructures et la Fédération essaie de mettre en place des projets. Chaque club a maintenant un grand hall couvert synthétique qui permet de s'entraîner toute l'année», confirme le joueur belge.

«Il y a 20 ans, ce n'était pas le cas et beaucoup de clubs faisaient du handball durant l'hiver. Si tu ne joues pas pendant cinq, six mois, c'est un peu difficile après. La formation est aussi de meilleure qualité et il y a, à la base, beaucoup de talent et de potentiel. Je vois des jeunes de 15 ou 16 ans partir faire des tests dans des académies en Europe et la majorité réussit. Maintenant, le but du championnat est de devenir complètement professionnel.»

La relève semble donc assurée pour que la bonne histoire islandaise se poursuive encore un peu. Son équipe des moins de 21 ans est, par exemple, toujours en lice pour disputer l'Euro, en 2017.

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PHOTO BERTRAND LANGLOIS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Après avoir causé la surprise, lundi, en éliminant l'Angleterre, l'Islande disputera dimanche, contre la France, un quart de finale historique à l'Euro 2016.

Les autres quarts

Portugal-Pologne, demain à 15h

Il est étonnant d'écrire que la Pologne se retrouve en quarts de finale sans que son attaquant vedette, Robert Lewandowski, n'ait inscrit le moindre but. Devant cette absence d'efficacité, la défense a d'abord pris le relais en phase de groupe. Lors des huitièmes de finale, contre le Suisse, la Pologne a semblé accuser le coup physiquement après une première mi-temps bien maîtrisée. Mais cette équipe a de l'ambition, tout comme le Portugal, qui n'a pourtant pas encore disputé de match référence dans cet Euro. Après trois contre-performances en phase de groupe et une victoire à l'arraché face à la Croatie, saura-t-il ajouter la manière au résultat? Le potentiel est évidemment là même si tous regards se tournent vers Cristiano Ronaldo, dont le prochain but lui permettra d'égaler le record de Michel Platini (neuf) dans la compétition. À noter que Raphaël Guerreiro, João Moutinho et André Gomes ont raté la séance d'entraînement, lundi.

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Pays de Galles-Belgique, vendredi à 15h

Kevin De Bruyne a pris la tête du baromètre des joueurs de l'UEFA, mais c'est Eden Hazard qui a signé la plus grande prestation, en huitièmes de finale, contre la Hongrie. Avec ses dribbles, ses accélérations, son but, sa passe décisive et ses quatre passes clés, le milieu gauche de Chelsea a offert le match que toute la Belgique attendait enfin. Marc Wilmots devra par ailleurs trancher entre Laurent Ciman et Jason Denayer pour remplacer le défenseur central Thomas Vermalaen, suspendu. En attaque, le sélectionneur a vivement défendu les performances de Romelu Lukaku, encore critiqué en Belgique. Le bilan gallois est déjà positif dans cet Euro, mais on assure ne pas craindre ce duel contre la meilleure nation européenne, selon le classement FIFA. Après tout, la compétition a montré que les coéquipiers de Gareth Bale étaient davantage taillés pour évoluer dans le rôle de négligés. Ils peuvent aussi se rappeler le dernier affrontement face à la Belgique, en juin 2015, remporté 1 à 0 grâce à un but de... Bale.

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Allemagne-Italie, samedi à 15h

Comme adjoint de Jürgen Klinsmann, puis en tant que sélectionneur, Joachim Löw était aux premières loges lors des éliminations contre l'Italie, au Mondial 2006 et à l'Euro 2012. En conférence de presse, il a déclaré ne pas être «traumatisé» par la sélection d'Antonio Conte. Il faut dire que l'heure est davantage à l'analyse présente qu'aux souvenirs poussiéreux. «Nous avons vu comment ils défendent, parfois avec neuf ou dix joueurs. Ils ne laissent pas d'espace à l'adversaire. Même une bonne équipe comme l'Espagne n'a pas trouvé les solutions», a-t-il souligné. Les deux équipes ont été impressionnantes au tour précédent. L'Allemagne a été impériale offensivement et défensivement - elle n'a pas encore encaissé le moindre but - même si l'adversaire, la Slovaquie, ne présentait pas un profil susceptible de la faire trébucher. L'Italie a frappé encore plus fort en prenant le dessus sur l'Espagne grâce à un pressing agressif et intelligent, des transitions défense-offensive rapides, ainsi qu'une détermination typique des équipes de Conte.