« Pour être bien honnête avec toi, le plus beau souvenir que j’ai de cette soirée au Stade olympique contre l’AC Milan, c’est la photo. »

Parce que hormis cette rencontre avec Ronaldinho, en 2010, vous ne trouverez pas cet affrontement dans la colonne des bons matchs qu’estime avoir disputés Patrick Leduc au fil de sa carrière. L’Impact s’était incliné 4-1 contre les ténors italiens dans ce match amical, le 3 juin 2010.

« Le match ne s’est pas très bien passé, raconte l’ancien milieu de terrain québécois, au bout du fil. En fait, je pense que j’avais beaucoup trop de respect pour l’adversaire. Ça m’a dérangé. On savait que ce n’était pas un match qui comptait, mais je ne peux pas dire que j’ai eu énormément de plaisir à le jouer. J’étais comme aux trois quarts un fan qui rencontre son idole et au quart un joueur. Tu ne peux pas jouer comme ça. »

On en parle aujourd’hui, parce que ses successeurs au CF Montréal s’apprêtent à jouer contre Lionel Messi, l’idole de plusieurs, ainsi que les légendes Luis Suárez et Sergio Busquets au stade Saputo.

À l’époque, l’idole de Leduc, c’était bel et bien Ronaldinho. Le parallèle permet de comprendre dans quel état se trouvent, et se trouveront, les joueurs du CFM ce samedi soir et par la suite.

Je n’étais pas fier de mon match. Je l’avais un peu en travers de la gorge. […] Je n’avais tellement pas bien joué que je n’aimais même pas mes chances de jouer le prochain match de notre équipe ! C’était ça, ma préoccupation.

Patrick Leduc

Patrick Leduc avait 33 ans à l’époque, il était au crépuscule de sa carrière. « J’ai senti que j’avais joué comme un débutant qui n’était vraiment pas prêt. »

« Ce gars-là, il a deux, trois temps d’avance ! »

Des anecdotes de matchs avec et contre de grandes vedettes, Patrice Bernier en a à la tonne.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Patrice Bernier avec l’Impact de Montréal en 2015

Il y a eu Pavel Nedved, au premier match du Québécois avec le Canada. Le Tchèque allait remporter le Ballon d’or deux mois plus tard. Puis les Brésiliens Robinho, Maicon. Puis, en MLS, Kaká. Thierry Henry, qui est devenu son ami. David Villa, Robbie Keane, Steven Gerrard, Frank Lampard, Andrea Pirlo. Et, bien sûr, son ancien coéquipier Didier Drogba. Nous y reviendrons.

Parce qu’avec le Canada, il a aussi affronté un Cristiano Ronaldo de 19 ans qui venait tout juste de se joindre à Manchester United. Mais il se rappelle surtout son coéquipier, le petit Deco, que l’auteur de ces lignes a lui-même adoré voir contrôler le milieu de terrain portugais toute sa jeunesse.

Bernier raconte l’anecdote de cette défaite de 4-1, le 26 mars 2005, et on en a des frissons.

« Deco, c’était un peu l’égal de Ronaldinho au Barça, dit Bernier. Moi, Deco, c’était comme man, fuck ! J’essaie de jouer au ballon, mais ce gars-là, il a un, deux, trois temps d’avance sur sa façon de penser. Pas juste techniquement. Juste qu’il voit le jeu vite. »

Il y a là une parcelle d’information sur ce qui différencie les joueurs de ce niveau des autres, que l’on va, pour les besoins de la cause, qualifier de « normaux ».

Mais pour avoir côtoyé Didier Drogba, Bernier parle aussi d’un effet d’entraînement.

« Didier Drogba, l’anecdote, c’est [qu’avant son arrivée à Montréal], pas beaucoup de joueurs restaient après l’entraînement. Et là, plusieurs restent pour faire de la finition. Tout le monde regarde ce qu’ils font et se dit qu’il faut les copier. Tu vois leur éthique de travail. Tu vois qu’ils ne sont pas juste là parce qu’ils ont été bons, mais parce qu’ils répètent maintes et maintes fois à l’entraînement. Parce qu’ils se pratiquent. »

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Didier Drogba lors d’un entraînement de l’Impact de Montréal en 2016

Bernier parle également d’une « aura » qui les accompagne – en plus de ses prouesses avec Chelsea, Drogba et ses compatriotes ont quand même contribué à la fin de la guerre civile en Côte d’Ivoire.

Il avance aussi l’idée de l’« image de marque » à protéger pour ces vedettes. L’ancien numéro 8 de l’Impact l’a remarqué tant avec Henry qu’avec Drogba.

Ils ne sont pas là en vacances. Ils viennent pour démontrer que ce qu’ils ont fait ailleurs, ils sont capables de le faire ici. […] Quand ils arrivent, ils veulent maintenir l’habitude de gagner.

Patrice Bernier

Et les joueurs à leurs côtés veulent démontrer qu’ils ne sont « pas des boulets ».

« Tu es un accompagnement qui permet de maintenir leur niveau. »

« C’est ça, le foot »

Patrick Leduc se souvient de toutes les « distractions » qu’il y avait eu autour de la rencontre contre l’AC Milan. Le club venait d’annoncer, un mois plus tôt, son entrée en MLS. Il y avait de la pelouse au Stade olympique. Les amis qui veulent des billets. Les questions sur la foule qui se présenterait – il y a eu 47 861 spectateurs, finalement.

« Je te parle de ça, et je pense à nos joueurs, dit celui qui est aujourd’hui directeur de la culture chez le CFM. La bonne nouvelle, c’est que c’est un match de ligue. Et ils ont déjà joué contre Miami. Tu n’es pas là pour faire un spectacle, tu es là pour aller chercher un résultat. Ça devrait les aider. »

Patrice Bernier pense que la question des billets offerts aux amis et à la famille, c’est réglé « depuis un bon bout de temps ».

Je peux te dire tout de suite que n’importe lequel des joueurs de cette équipe-là, il a un jardinier, il a le gars qui gère son condo, il a le gars où il va manger régulièrement, le café du coin. Ils vont lui poser la question : « As-tu des billets pour moi ? » C’est clair, il n’y a plus de billets.

Patrice Bernier

Et sur le terrain, lorsque viendra le temps d’affronter Messi et les autres, après que toutes ces questions seront derrière les acteurs du match, comment se sentiront-ils ?

« Je me rappelle quand on jouait contre Thierry Henry, lance Bernier. Hey man, on veut arrêter Thierry Henry là ! Il ne marquera pas contre nous ! Autant tu veux être sur le terrain, autant l’esprit de compétiteur se lève. Tu sais ce qu’il est capable de faire, la saison qu’ils ont. Donc ton état de concentration, il est alerte. »

« C’est ça, le foot, conclut-il. C’est de dire que tu es un petit gars du coin, et tu te retrouves avec les joueurs qui sont à la télé. »