Soccer Québec a entendu les critiques. Après l’« échec » de la nomination bâclée de Pari Arshagouni au poste de directeur général l’automne dernier, la plus importante fédération sportive de la province a amorcé cette semaine un nouveau processus d’embauche qui se fera avec l’aide d’une firme externe, a appris La Presse.

« On est conscients que dans certains dossiers, consulter des gens de l’externe qui travaillent là-dessus tous les jours, ça va juste être bénéfique pour le processus », a indiqué Felicia Schiro, vice-présidente du conseil d’administration de Soccer Québec, lors d’une entrevue virtuelle avec La Presse, mercredi.

Arshagouni, qui avait démissionné de son poste de président pour poser sa candidature à la direction générale juste avant la date limite du 10 octobre, avait été nommé, sans avoir passé d’entrevue, le lendemain. Quatre mois plus tard, soit le 22 février dernier, La Presse révélait que le conseil d’administration de la fédération s’était entendu avec Arshagouni pour qu’il quitte ses fonctions.

À noter que M. Arshagouni a lui-même interpellé La Presse pour donner sa version des faits la semaine dernière, avant de repousser toutes nos demandes d’entrevue par la suite, citant des maux de gorge.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE X DE SOCCER QUÉBEC

Pari Arshagouni, en novembre dernier

En entrevue avec Radio-Canada, l’avocate Mélissa Lafond, qui chapeaute notamment le comité de ressources humaines au sein du C.A., assurait en novembre que « tout le monde » était « confortable » avec la décision de nommer M. Arshagouni. Pourquoi, quelques mois plus tard, n’était-ce plus le cas ?

Mme Schiro parle de « visions » différentes avec le DG sortant, et dit qu’il valait mieux « regarder d’autres options ».

Était-ce une erreur que de le nommer en premier lieu, alors ?

« Je ne dirais pas que c’était une erreur », se défend Felicia Schiro, qui occupe en quelque sorte les fonctions de présidente intérimaire depuis la démission d’Arshagouni à ce poste.

« Mais dans la vie, il faut avouer qu’il y a peut-être des échecs. Il faut se dire qu’à l’automne dernier, il y avait beaucoup de feux, beaucoup de dossiers très urgents. […] On a peut-être précipité certaines décisions à l’automne pour éteindre certains feux qui nous paraissaient très importants. »

Un processus « loin d’être élégant »

M. Gandubert est un administrateur de longue date dans le soccer, et notamment chez Soccer Québec. Il en a déjà été le secrétaire général – ce qu’on appelle aujourd’hui la direction générale – pendant huit ans, en plus d’en avoir été le président.

Selon lui, le processus de nomination de Pari Arshagouni a été « parfaitement légal, mais loin d’être élégant ».

Une nuance qu’apporte également Jean-François Henri, directeur pédagogique du Collège des administrateurs de sociétés, qui examine notamment les enjeux de gouvernance au sein d’organismes à but non lucratif comme les fédérations sportives.

C’est la prérogative du conseil d’administration, s’il y a lieu, de mettre fin à une relation d’emploi avec un directeur général. Le patron du DG, c’est le C.A. […] [Cela dit], la situation est moins courante de voir un président du C.A. démissionner pour aller vers le poste de direction.

Jean-François Henri, directeur pédagogique du Collège des administrateurs de sociétés

Pour Jean-François Henri, le mot d’ordre est d’avoir un « processus établi » au préalable pour être prêt à réagir à toute éventualité, ce qui pourrait donc mener à plus de « transparence ».

Ce qui nous ramène à la firme externe qui aidera le C.A. à trouver son prochain DG.

« C’est quelque chose qui peut toujours être sain pour une organisation, souligne l’expert. C’est une bonne pratique. […] Faire preuve de transparence, c’est autre chose. On peut très bien travailler avec une agence et ne pas être transparent au bout du compte. »

« Chicanes internes »

La ministre responsable du Sport, du Loisir et du Plein air a annoncé, début février, un investissement de 3,3 millions dans la professionnalisation du sport, qui se déploiera dans le développement d’outils et de formations offertes aux gestionnaires et administrateurs des organismes.

Il se trouve que le Collège des administrateurs de sociétés pour lequel travaille Jean-François Henri est l’un des trois partenaires de cette initiative. Soccer Québec assure que certains de ses membres ont déjà assisté à des conférences. « Le soutien du gouvernement est là », atteste Felicia Schiro.

La fédération affirme que le Ministère a déjà validé la conformité du nouveau processus de nomination.

Jean Gandubert veut se faire rassurant envers les membres de Soccer Québec, au vu des critiques sur le manque de transparence dont aurait fait preuve l’organisation au sujet des changements à la gouvernance dans les derniers mois. Il cite l’exemple des « très bonnes personnes » siégeant au conseil d’administration ainsi que la publication continue des états financiers.

« Mais il y a un travail à faire pour resserrer la confiance et les liens avec les membres, particulièrement des associations régionales », dit-il.

Dans toute cette histoire, la boussole de la fédération a-t-elle perdu le nord, soit le bien des jeunes joueurs et joueuses qui fouleront bientôt les pelouses du Québec ?

« Je dirais qu’il y a eu des chicanes internes qui ont fait en sorte que des gens qui n’avaient pas nécessairement d’expérience ont été élus simplement parce qu’ils n’étaient pas dans le groupe proche de l’ancien président Pierre Marchand », avance Jean Gandubert.

Marchand a été président de Soccer Québec de 2017 à 2022. Selon nos sources, la nomination de Pari Arshagouni s’est faite un peu dans l’optique de rapprocher la fédération des associations régionales qui s’étaient senties délaissées pendant le règne de son prédécesseur.

« C’est malheureux, ajoute Gandubert, parce qu’on perd de vue le bien des participants, des jeunes et des clubs pour des considérations que je dirais plus politiques qu’autre chose. »

Selon Felicia Schiro, la question « n’est pas de remettre les jeunes » au centre des priorités de la fédération, puisque ça a toujours été le cas, dit-elle.

« Si ce message a été mal transmis ou s’est perdu dans la prise de décision dernièrement, il faut surtout remettre ça sur la bonne voie. »

Lisez « Soccer Québec : “Malade” ou en “en grande santé”, le soccer au Québec ? »