« Le soccer au Québec est malade », selon Olivier Plante, prédécesseur de Pari Arshagouni à la direction générale de Soccer Québec. « Le soccer au Québec est en grande santé », estime quant à elle Felicia Schiro, vice-présidente du conseil d’administration de la fédération.

Qui croire ?

Peut-être Philippe Bernard, directeur général de l’association régionale de Québec, nommé à titre de DG par intérim de Soccer Québec ?

« De l’extérieur, on peut avoir certaines images », souligne celui qu’Olivier Plante avait qualifié de « type génial », « intègre » et « extrêmement compétent » lors de son appel avec La Presse, il y a quelques semaines.

M. Bernard venait alors tout juste de devenir DG intérimaire en remplacement de M. Arshagouni. En ce mercredi du début mars, il est assis au côté de Mme Schiro dans les bureaux lavallois de la fédération pour leur entretien virtuel avec La Presse.

Mais quand on est à l’interne, on voit qu’il y a des gens qui sont dédiés à la cause. […] Les gens qui sont là, ils y sont pour les bonnes raisons.

Philippe Bernard, DG intérimaire de Soccer Québec

« C’est beaucoup d’heures données par des bénévoles », répond à son tour Mme Schiro aux questions sur les allégations de magouille politique chez Soccer Québec. Elle-même est bénévole depuis 2005 et dit le faire exclusivement « par passion », elle qui « mange du soccer ».

« Pour ceux qui pensent qu’on fait ça pour la gloire ou pour les voyages, je peux vous dire que [ce n’est pas le cas]. Ces propos viennent peut-être de gens qui n’ont jamais passé une minute dans un siège de bénévole. »

Un rôle à redéfinir auprès des régions

M. Plante n’avait pourtant pas mâché ses mots lorsqu’on lui avait demandé ce qu’il pensait de l’organisation, lui qui avait été limogé de son poste de DG pour des raisons qu’il n’a jamais comprises. Nommé en avril 2023, le C. A. l’a écarté en septembre. Le mois suivant, Pari Arshagouni prenait sa place. On connaît la suite.

« Honnêtement, pendant l’année et demie que j’ai été là, j’ai vu à quel point c’était mal géré à la fédération, a-t-il tonné au bout du fil dans la foulée du départ de M. Arshagouni. À quel point c’était mal géré dans les régions. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Olivier Plante

C’est un cancer, actuellement, le soccer. Si on regarde ce qui se passe au niveau national avec Canada Soccer, ça vient compléter le portrait.

Olivier Plante, directeur général de Soccer Québec d’avril à septembre 2023

Selon lui, si « la tête » qu’est Soccer Québec est malade, « le corps » l’est aussi.

« Dans les associations régionales, il y a malheureusement plusieurs tumeurs. On se l’est souvent dit : la meilleure façon serait de tout rincer et repartir à zéro. On remet en cause le modèle d’affaires, avec des gens qui viennent de l’externe, […] pas tachés par des relations malsaines avec des gens qui sont dans le milieu depuis longtemps. »

L’une de nos sources convient que le court règne d’Olivier Plante « n’a pas été un épisode très glorieux » pour la fédération, et qu’il avait « le mauvais casting » pour ce poste.

Mais l’ancien DG s’est attaqué à un point important, confirment les gens que nous avons interrogés : les relations hargneuses entre Soccer Québec et les associations régionales doivent cesser.

Dans l’avenir, il faudra « redéfinir le rôle et les responsabilités de la fédération vis-à-vis » de celles-ci, selon Jean Gandubert, membre du conseil d’administration.

« Ils veulent avoir leur mot à dire »

« Je ne te conterai pas de menteries, dit Philippe Bernard. [La personne qui deviendra DG], elle a un défi. Mais c’est justement ça qui est intéressant : tout peut être à bâtir avec cette personne-là. »

Il explique que Soccer Québec, bien qu’elle soit « l’organisation numéro un » de ce sport dans la province, doit travailler « en collaboration » avec les régions.

« [Le but], c’est d’être capable de trouver une synergie dans toutes ces organisations-là. […] Est-ce que ça va être facile ? La réponse est non. Mais c’est un beau défi. »

Jean Gandubert convient que certaines choses doivent changer, mais assure que les « gros changements sont déjà en cours ». Il nomme Valerio Gazzola, figure bien connue du soccer montréalais et québécois, qui agit en véritable leader au sein de la fédération à titre de directeur du développement. Il dit observer une « unanimité » inédite à l’endroit de Gazzola de la part des parties prenantes, notamment régionales.

« Il ne veut pas travailler pour un DG, il veut travailler avec, dit Gandubert. On le comprend. Un DG doit comprendre qu’il est un chef d’orchestre qui doit faire briller son équipe. Ça ne peut pas être des petites guéguerres de pouvoir. On n’ira pas loin avec ça. »

Lui-même ancien directeur général, Gandubert souhaite que sa fédération soit en « conversation avec les régions ». « Ils veulent avoir leur mot à dire. »

« Il y a eu des décisions malheureuses », ajoute-t-il. « La fédération doit faire son mea culpa et apprendre. » Mais c’est la beauté d’un sport d’équipe, dit-il. « Quand on tombe, on apprend à se relever ensemble. »

À L’antichambre, dans la foulée du départ du directeur général de Hockey Québec, Jocelyn Thibault, la semaine dernière, le panéliste Denis Gauthier mentionnait que « les jeunes ont été pris dans des jeux d’adultes ».

Est-ce le cas chez Soccer Québec également ?

« Ils ont toujours été, restent et resteront toujours la priorité », martèle Felicia Schiro.

PHOTO CLAUDE-ANDRÉ FORTIN, TIRÉE DU SITE WEB DE SOCCER QUÉBEC

Felicia Schiro, vice-présidente du conseil d’administration de Soccer Québec

Peu importe qui siège, que ce soit au poste de DG ou de présidence, aux postes de directeurs de chaque département, je peux vous garantir que c’est en pensant aux enfants qu’on prend nos décisions et qu’on étudie chaque dossier.

Felicia Schiro, vice-présidente du conseil d’administration de Soccer Québec

Avec tout ça, Jean Gandubert convient que la fédération « a perdu au moins six mois, un an ».

« Il est temps qu’on remette les choses sur les rails. »

Lisez « Soccer Québec : Une firme externe pour trouver le prochain DG »

« Je ne suis pas rendu là »

Avant que le nouveau directeur général soit nommé, l’intérimaire Philippe Bernard a du pain sur la planche. Son mandat pour les 30 à 90 prochains jours ? S’assurer qu’il n’y ait aucun retard en vue du début de la prochaine saison.

« [Il ne s’agit] pas d’aborder de nouveaux sujets ou dossiers, souligne Felicia Schiro. Ses priorités sont de s’occuper de tous les dossiers prioritaires au niveau des échéanciers. »

De gérer les opérations quotidiennes et pressantes, en somme, plutôt que de se lancer dans de grands projets.

Le poste permanent de directeur général l’intéresse-t-il ?

« Je ne suis pas rendu là dans ma carrière, répond Philippe Bernard. Je suis vraiment bien [dans l’association régionale de Québec]. Mes quatre enfants ne sont pas encore assez vieux. Déménager à Laval [où se trouvent les bureaux de la fédération], pour l’instant ce n’est pas une option. Mais d’aider dans ce contexte, ça fait plaisir. »

La présidence, un autre poste à pourvoir

On le disait : la présidence de Soccer Québec a également été laissée vacante après la démission de Pari Arshagouni. Felicia Schiro, à titre de vice-présidente, occupe les fonctions de présidente. Le conseil d’administration est en train d’évaluer les façons de procéder pour la suite avec la collaboration de son comité de gouvernance, dit-elle.

« Est-ce qu’on va nommer au sein du C. A. le prochain ou la prochaine présidente ? demande-t-elle. Est-ce qu’on va attendre à l’assemblée générale annuelle de juin 2024 ? »

Le travail se fait malgré tout entre-temps, assure Mme Schiro. « J’ai rassuré le C. A. et les présidents des 18 régions […] qu’on est en mesure d’aller de l’avant dans les dossiers qui sont prioritaires. »

S’agit-il d’un poste qui l’intéresserait à temps plein, elle aussi ? Elle rappelle d’emblée avoir posé sa candidature pour devenir présidente en juin dernier.

« Je pense que c’est un peu tôt pour me prononcer sur ça, souligne-t-elle néanmoins, étant donné les dossiers qu’on a à régler. Mais je peux vous dire que si la volonté est que ma contribution reste importante au niveau du C. A., je vais continuer à contribuer dans mes fonctions. »