Les iniquités budgétaires entre les joueuses et les joueurs de Soccer Canada sont choquantes, martèle la ministre canadienne des Sports, Pascale St-Onge. Elle appelle maintenant la fédération sportive, dont le président vient de démissionner, à se « mettre à jour » rapidement.

« Je pense que Soccer Canada est une organisation qui aura besoin de se mettre à jour », affirme Mme St-Onge en entrevue avec La Presse. La ministre assure que son gouvernement compte « regarder tous les outils à sa disposition » pour corriger les inégalités régnant au sein de Soccer Canada.

Lundi, le président de Soccer Canada Nick Bontis a remis sa démission, avouant qu’un changement de direction est nécessaire afin de retrouver un climat de travail pacifique. M. Bontis estime que Soccer Canada a l’occasion de signer ce qu’il qualifie de « convention collective historique », mais que « cet accord doit passer par le changement ».

Au début février, un document publié sur Twitter par la capitaine de l’équipe féminine canadienne de soccer, Christine Sinclair, démontrait un écart massif de 6 millions de dollars entre le financement de l’équipe masculine et celui de l’équipe féminine. Ainsi, en 2021, l’équipe masculine avait eu droit à un budget de 11 millions de dollars et les femmes, à 5,1 millions.

« C’est assez dégoûtant de devoir demander d’être traitées sur un pied d’égalité. […] Nous en avons vraiment assez. Et c’est quelque chose qui ne me déçoit même plus. Je suis juste en colère. Parce qu’il est temps, nous sommes en 2023 », avait lancé l’attaquante Janine Beckie, lors d’une visioconférence.

Dans la foulée, les Américaines, qui ont déjà mené ce combat, avaient d’ailleurs exprimé leur soutien à l’équipe canadienne. « Nous avons gagné les satanés Jeux olympiques et nous sommes sur le point d’aller à la Coupe du monde avec une équipe qui pourrait triompher. Donc nous nous attendons à être préparées de la meilleure façon possible pour aller gagner une Coupe du monde », avait insisté Janine Beckie.

PHOTO NEIL DAVIDSON, LA PRESSE CANADIENNE

Janine Beckie, Christine Sinclair et Quinn, de l’équipe féminine canadienne de soccer

Plus de femmes au C.A.

La ministre St-Onge, qui doit d’ailleurs présenter en mars son plan d’action pour réviser la gouvernance, le financement et la transparence des fédérations sportives partout au Canada, dit soutenir « ardemment » le combat des joueuses de Soccer Canada.

« S’il n’y a pas de femmes autour de la table de décision, c’est sûr que les questions d’équité salariale ou d’équité de traitement, ce n’est peut-être pas abordé adéquatement par les organisations. Donc d’avoir une diversité, c’est très important », poursuit la députée de Brome-Missisquoi.

Mais surtout, enchaîne la ministre, il faut « mieux représenter la voix des athlètes » à la table de décision. « Quand il n’y a pas une bonne gouvernance dans les organisations, ça amène des mauvaises décisions et en bout de ligne, ça a des conséquences sur les athlètes ou encore les membres du public », insiste-t-elle.

À ce jour, le conseil d’administration de Soccer Canada compte six femmes, dont au moins trois sont d’anciennes athlètes, et huit hommes, pour un total de quatorze membres. La présidence de la fédération n’a toutefois jamais encore été assurée par une femme, jusqu’ici.

Pascale St-Onge soutient que « tout le monde du sport doit revoir ses pratiques à l’ère 2023, avec un traitement équitable entre les hommes et les femmes ». « C’est justement en revoyant la gouvernance, la transparence financière et l’imputabilité des organisations tant envers les athlètes que la société que je pense qu’on peut avoir un impact direct sur ce type de problématique là », soutient Mme St-Onge.

Une enquête toujours secrète

La ministre fédérale des Sports a par ailleurs confirmé à La Presse n’avoir pas encore eu accès aux recommandations du comité indépendant chargé d’émettre des recommandations à Hockey Canada, dont l’enquête s’est terminée en décembre.

« Ce n’est pas mon échéancier. Le comité est indépendant, ce n’est pas moi qui leur dicte une date limite pour émettre leur rapport. Mais on continue notre travail et c’est sûr qu’on attend ces recommandations-là », a brièvement commenté la ministre à ce sujet, au cours de l’entrevue.

Elle rappelle que de son côté, le gouvernement fédéral « a complété l’audit financier jusqu’à 2018 » pour vérifier qu’aucun sou public n’avait été dépensé pour des règlements [à l’amiable] d’Hockey Canada, dans des dossiers d’agression sexuelle. « Ça s’est avéré que ce n’est pas le cas. Maintenant, il nous reste une portion avant 2018 à vérifier », affirme Mme St-Onge.

« Ultimement, je pense que tous les dirigeants ont des comptes à rendre sur la façon dont ils encadrent les jeunes, et ensuite, ce qu’ils vont mettre en place pour que ce type de violence cesse, et qu’on puisse enfin rompre avec la culture toxique qui règne dans certains sports », a-t-elle ajouté en guise de conclusion.

Avec La Presse Canadienne