(Doha) Le Mondial-2022 s’est achevé dimanche en apothéose avec une finale de légende remportée par l’Argentine de Lionel Messi sur la France de Kylian Mbappé, dénouement d’un mois de football riche en surprises, telle l’épopée du Maroc, et ponctué des parades spectaculaires de plusieurs grands gardiens.

Les tops

Argentine-France dans la légende, le sacre de Messi

Argentine-France : les qualificatifs manquent pour évoquer la victoire de l’Albiceleste (3-3 a. p., 4 t. a. b à 2), au terme de l’un des plus grands matchs de l’histoire du football.

Deux buts de Lionel Messi. Un triplé de Kylian Mbappé. Les vedettes ont été au rendez-vous d’un match fou.

Alors que les Argentins menaient 2 à 0 grâce à son penalty (23e) et un but de son lieutenant préféré Angel Di Maria (36e), l’autre vedette de ce Mondial, Kylian Mbappé a ramené son équipe à hauteur en quelques secondes (80e, 81e). Puis Messi a vu le Français réussir son deuxième penalty de la soirée (118e) alors que l’Argentin venait de redonner l’avantage aux siens et haranguait son public (109e).  

Mais après quatre échecs depuis 2006, cette fois, c’était le soir de celui qui ravit les amoureux du ballon rond depuis si longtemps. Pour un triomphe au bout du suspense qui offre une troisième étoile à l’Albiceleste après les titres de 1978 et 1986.

Et qui vient couronner l’immense carrière de Messi, immédiatement désigné meilleur joueur du tournoi, pour le plus grand bonheur de ses millions de supporteurs dans le monde entier

Avant ce sacre, l’enfant de Rosario, 35 ans, avait tout gagné en clubs, avec le FC Barcelone surtout. Mais avec sa sélection, il se contentait d’une Copa America (2021). Ce titre mondial le fait rejoindre dans la légende Maradona, « el pibe de Oro ». Il surpasse aussi Pelé, avec treize buts en cinq éditions de la compétition reine du football.

Mbappé, meilleur buteur

La bataille pour le trophée de meilleur buteur du Mondial s’est aussi jouée dimanche : avant la rencontre, Messi et Mbappé, les deux superstars du Paris SG, étaient en tête (5 buts chacun).

Mbappé a fini par émerger avec huit buts au total en inscrivant un triplé, tandis que l’Argentin s’est « contenté » d’inscrire deux buts.  

PHOTO PETR DAVID JOSEK, ASSOCIATED PRESS

Kylian Mbappé

Mbappé est devenu dimanche le deuxième joueur à réussir un triplé en finale de Coupe du monde, après l’Anglais Geoff Hurst face à l’Allemagne en 1966.

Avec douze buts en deux participations (ainsi que deux passes décisives lors de l’édition 2022), le joueur de 23 ans égale la légende Pelé pour devenir le sixième meilleur buteur de l’histoire du Mondial.

L’épopée du Maroc, première pour l’Afrique

Porté par une ferveur populaire impressionnante, le Maroc a brisé un plafond de verre en atteignant le dernier carré d’une Coupe du monde, pour la première fois pour une équipe africaine.

« On a eu cette énergie des Africains, du monde arabe, qui nous font passer ces ondes positives qui font qu’à un moment, tout le monde a envie que cette équipe gagne », a savouré le sélectionneur marocain Walid Regragui.

Les Lions de l’Atlas ont impressionné tout au long du tournoi qu’ils ont bouclé en prenant la 4e place : premiers du groupe F avec aucune défaite, puis victoires successives contre l’Espagne (0-0 a. p., 3 t. a. b. à 0) en huitièmes et le Portugal (1-0) en quarts, contre deux favoris.

La défaite en demi-finale contre la France (2-0) n’enlève rien au mérite des Marocains, solides défensivement et généreux devant, comme face à la Croatie samedi lors de la petite finale perdue (2-1).

Surprenants Saoudiens, Japonais, Sud-Coréens

Atypique dans son calendrier avec son rythme effréné et sa programmation en fin d’année civile, le Mondial-2022 a brouillé les repères des grandes nations et favorisé les surprises, outre le Maroc.

L’Arabie saoudite du sélectionneur Hervé Renard a ainsi fait déjouer l’Argentine (2-1) en ouverture, même si les « Faucons verts » n’ont ensuite pas réussi à franchir le premier tour.

Le Japon, lui, a battu tour à tour l’Allemagne (2-1) et l’Espagne (2-1) pour finir en tête du très relevé groupe E, avant de chuter en huitièmes devant la Croatie (1-1 a. p., 3 t. a. b. à 1).

PHOTO INA FASSBENDER, AGENCE FRANCE-PRESSE

Les Japonais en ont surpris plus d’un lors de cette Coupe du monde.

Enfin, mention pour la Corée du Sud qui a dompté 2-1 le Portugal de Cristiano Ronaldo, ainsi que pour la Tunisie tombeuse de la France (1-0), même si les Bleus étaient déjà qualifiés et ont joué avec l’équipe des remplaçants.

Les gardiens en état de grâce

Et si les meilleurs joueurs du Mondial-2022 étaient dans la cage ? Les gardiens se sont signalés au Qatar, en particulier à partir de la phase à élimination directe.

Une statistique résume leur importance : un quart des penaltys (hors tirs au but et hors frappes hors cadre) ont été arrêtés dans ce Mondial, 5 sur 23 contre 4 sur 29 quatre ans plus tôt en Russie.

Et Yassine Bounou (Maroc), Dominik Livakovic (Croatie), Emiliano « Dibu » Martinez (Argentine), Andries Noppert (Pays-Bas) ou encore l’expérimenté capitaine français Hugo Lloris ont tous été décisif dans le jeu.

« C’est une Coupe du monde extraordinaire pour les gardiens », a analysé l’ancien portier international colombien Faryd Mondragon, membre du groupe d’étude technique (TSG) de la FIFA. « Les quatre gardiens qui ont conduit leurs équipes en demi-finales ont tous été décisifs, déterminants, par leurs arrêts, mais aussi leur apport à la construction. »

Les flops

Éliminations sans gloire de l’Allemagne et de la Belgique, sortie ratée de Cristiano Ronaldo, le Brésil éliminé dès les quarts sans oublier l’attitude du gardien argentin Emiliano Martínez à l’issue de la finale : les flops du Mondial au Qatar.

Brésil, encore raté

Cela fait donc cinq finales de rang que les joueurs brésiliens ont regardé à la télévision. Du jamais vu depuis l’après Pelé et une longue absence de cinq éditions (1974 à 1990).

Pour Neymar, se profile peut-être un destin à la Zico, celui du « grand joueur » qui n’a jamais remporté le moindre titre avec la Seleçao.

PHOTO NELSON ALMEIDA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Neymar

Mais le Brésil peut y croire pour 2026, avec une armada de jeunes talents, Richarlison, Vinicius Jr, Rodrygo.

Ronaldo, sortie ratée

Il est arrivé en superstar, capitaine d’une sélection candidate au titre ; il est reparti en larmes, vieux footballeur relégué sur le banc des remplaçants, éliminé par le Maroc (1-0) en quart de finale et pour le moment privé de club.

Son interview retentissante d’avant Mondial a accéléré son divorce avec Manchester United. Il est très probable que Ronaldo doive faire le deuil d’un autre maillot : celui du Portugal.

PHOTO PAUL CHILDS, REUTERS

Cristiano Ronaldo

Homme de records, il a tout de même quitté le Qatar avec celui du seul joueur de l’histoire à avoir inscrit un but dans au moins cinq Coupes du monde.

Belgique, génération usée

Enthousiasmante demi-finaliste en 2018, désespérante en 2022. Triste spectacle offert par Kevin De Bruyne, Romelu Lukaku et autres Eden Hazard.

La dernière chance pour la « génération dorée » a tourné au chemin de croix entre dissensions internes, entraîneur dépassé et spectacle indigent. Les invraisemblables loupés de Lukaku contre la Croatie (0-0), synonymes d’élimination dès les phases de poules, avaient des airs de justice immanente.

Autre faillite, celle de la Mannschaft : pour la deuxième fois consécutive, l’Allemagne est sortie dès les phases de poules. Historique… Et préoccupant à un an et demi de l’Euro à domicile.

Espagne, « tiki taka » éculé

Fut un temps où le « tiki taka », ce style de jeu fait de longues possessions et de passes courtes, était présenté comme l’alpha et l’oméga du foot.

Estampillé « made in Spain », il est la signature de l’ère glorieuse du foot espagnol, consacré par un titre mondial (2010) et deux Euros (2008 et 2012). Mais la « Roja » disposait alors d’un ingrédient indispensable au football : un buteur de la trempe de Fernando Torres et David Villa, pour concrétiser toute cette possession.

Le « tiki taka » version Luis Enrique a tourné à la caricature et l’ennui. Contre le Maroc, le match de son élimination aux tirs au but, elle a cumulé 967 passes réussies (trop souvent latérales)… pour un seul tir cadré et zéro but en cent vingt minutes.

PHOTO KARIM JAAFAR, AGENCE FRANCE-PRESSE

Luis Enrique

Le sélectionneur Luis Enrique a été démis de ces fonctions et son successeur Luis de la Fuente a promis d’intégrer « de nouveaux concepts »… à un modèle de jeu « non négociable ».

Esprit sportif sacrifié

Dans un Mondial pauvre en cartons jaunes et en exclusions, joueurs argentins et néerlandais ont offert un rare visage d’agressivité lors du quart de finale remporté aux tirs au but par l’Albiceleste (2-2).

Avec 18 cartons jaunes, dont quinze pendant le match et le reste dans les pugilats émaillés d’insultes qui ont suivi, ils ont battu un record.

Mentions spéciales dans l’inélégance aux Néerlandais qui sont allés déconcentrer les tireurs de tirs au but adverses, et, côté argentin, à la violence du milieu Leandro Paredes et au chambrage des adversaires battus après la qualification.

Même l’ordinaire placide Messi a « dégoupillé », avec une insulte lancée en direct à un adversaire : « Qué miras, bobo ? » (« Qu’est-ce que tu regardes, abruti ? »)

Qatar, hôte dépassé

Jamais un pays-hôte n’avait été éliminé après seulement deux matchs. Personne ne savait trop quel visage allait montrer cette drôle de sélection, qui s’est préparée à huis clos pendant six mois.

Dès le match d’ouverture, les spectateurs ont été fixés en une demi-heure, suffisant pour que l’Équateur mène 2-0 et que le stade se vide, spectacle affligeant en Coupe du monde… Avec sept buts encaissés pour un marqué, les joueurs qataris n’étaient pas plus au niveau que leurs supporters.

Geste obscène et célébrations provocatrices

Si la dramaturgie de la finale haletante entre l’Argentine et la France aura réjoui les fans de ballon rond dans le monde entier, le comportement du gardien de l’Albiceleste a choqué.

PHOTO KIRILL KUDRYAVTSEV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Emiliano Martinez

Dans l’euphorie de la remise du trophée du « Gant en or », récompensant le meilleur gardien du tournoi, Emiliano Martinez s’est fendu d’une drôle de célébration sur le podium, plaçant l’objet en forme de main au niveau de son entrejambe.

Revenu faire la fête dans le vestiaire avec le reste de l’effectif, il n’a pas hésité ensuite à chambrer ouvertement la superstar française Kylian Mbappé : « Une minute de silence… pour Mbappé », ont scandé les joueurs argentins, « Dibu » Martinez en tête.