L’Argentine du destin. L’Argentine de Messi. L’Argentine, championne du monde.
C’était trop facile pour l’Albiceleste contre la France. C’était trop beau pour Lionel Messi. Mais non. Le vent a tourné. Contre toute attente, alors qu’elle n’avait rien offert jusqu’à la 80e minute, la France est revenue. De 2-0 à 2-2, deux frappes de Kylian Mbappé, pour forcer la prolongation.
Après 120 minutes, conclues par la marque de 3-3, l’Argentine a dû trancher le débat aux tirs au but, au terme de l’une des finales les plus épiques de tous les temps. Peut-être la plus épique, avec les deux plus grandes vedettes du soccer mondial au plus haut de leurs habiletés.
« Après avoir tant lutté dans ma carrière, cela m’arrive presque à la fin », a dit en souriant Messi après le match, du haut de ses 35 ans, de ses 172 sélections et de ses 41 titres, en club comme en équipe nationale.
« Évidemment, je voulais finir ma carrière avec cela. […] J’aime le soccer, j’aime ce que je fais, j’aime être dans l’équipe nationale, être avec ce groupe. Et évidemment, je veux continuer à vivre encore quelques matchs en étant champion du monde. »
Le milieu Rodrigo De Paul a résumé le succès argentin en quelques mots : « Nous sommes nés pour souffrir ». Un thème récurrent pour l’Argentine, dimanche comme dans les dernières décennies.
« Nous, les Argentins, sommes comme ça. Nous serons éternels avec ce que nous avons accompli. Nous sommes au sommet du monde, je pense que nous le méritons. »
Pour le sélectionneur français Didier Deschamps, « pendant 60 grosses minutes, il n’y a pas eu de match ».
« Malgré tout, on est revenus de nulle part en renversant une situation compromise. C’est ça qui donne le plus de regrets. »
Ce sacre, le peuple argentin l’attendait. Depuis 1986, depuis l’époque de Diego Maradona, depuis l’ascension de Lionel Messi comme le plus grand joueur de tous les temps. La déception de l’Argentine était vive après 2014, cette finale perdue contre l’Allemagne. En 2016, après une nouvelle désillusion dans le match ultime de la Copa América, Messi avait dit renoncer à jouer avec l’équipe nationale. Jusqu’à ce qu’il revienne sur sa décision quelques mois plus tard. Puis encore, après l’élimination en huitièmes du Mondial 2018, jusqu’à ce qu’il reprenne le flambeau à nouveau en 2019.
Dans les dernières années, le mauvais sort a été conjuré. L’Albiceleste a remporté la Copa en 2021 devant le Brésil. Et maintenant, elle est de retour au sommet.
L’éclair Mbappé
L’Argentine avait dominé cet affrontement contre la France. Outrageusement, même. Les Bleus, foncés sur le terrain, étaient initialement bien pâles dans le jeu. Comme si Paul Pogba, N’Golo Kanté et Karim Benzema, tous blessés avant le début du tournoi, ont fini par manquer aux Français.
Messi a confirmé cet ascendant dans la rencontre en marquant sur penalty à la 22e. Puis s’est fait complice, comme cinq autres de ses coéquipiers, sur la magnifique réussite collective complétée par Ángel Di María, à la 36e.
La France ne faisait rien, rien, rien. Le sélectionneur Didier Deschamps a fait deux changements avant même la mi-temps : Olivier Giroud et Ousmane Dembélé sont sortis au profit de Marcus Thuram et Randal Kolo Muani. Le tout premier tir du match des Bleus a été tenté à la 68e.
« Je voulais que cela soit différent, a assuré Deschamps. On manquait de fraîcheur. Il ne faut pas culpabiliser sur Olivier [Giroud] et Ousmane [Dembélé], qui ont fait beaucoup pour qu’on en arrive là. Mais aujourd’hui, je les voyais moins bien. Je n’ai même pas attendu la mi-temps, car on n’allait pas y arriver. »
C’était 2-0 jusqu’à la 80e. On préparait le défilé à Buenos Aires. On préparait la couronne pour Messi.
À la 81e, c’était 2-2. L’éclair Mbappé a frappé. Deux fois. À la 79e, Randal Kolo Muani a gagné un penalty pour la France. Mbappé s’amène et marque. 2-1.
On remet le ballon en jeu. Quelques secondes s’écoulent. Quatre-vingt-dix-sept, pour être exact. Après un petit 1-2 avec Thuram, Mbappé reçoit le ballon à l’orée de la surface. Et l’envoie, à la volée, en tombant, avec puissance, dans le fond du filet. 2-2.
On a cru à un braquage du siècle de la part des Bleus. On a cru que cet élan allait les propulser vers un deuxième sacre consécutif, en brisant les rêves, les grands rêves argentins.
Messi et Mbappé, au bout du suspense
La prolongation a été spectaculaire. Des arrêts de part et d’autre. Du jeu ouvert. Comme si toutes les stratégies avaient pris le bord.
Mais Messi s’est levé. Encore. Il pensait bien avoir délivré son peuple, son pays, à la 108e minute. Il s’est emparé d’un retour dans la surface, sur une belle course de Lautaro Martínez juste avant. Et il a marqué le 3-2. Il célèbre, les larmes aux yeux, comme si le travail était fait.
Mais le travail n’était pas fait. Parce que quand un gars comme Mbappé est du côté opposé du terrain, on ne peut rien tenir pour acquis. Pas même une avance en deuxième période de prolongation de la finale de la Coupe du monde.
La France obtient un autre penalty. Et, évidemment, Mbappé s’amène. Et, évidemment, il le réussit. C’est 3-3, à la 118e. Avec ses huit buts, le talisman français a obtenu le Soulier d’or du tournoi, une réussite devant Lionel Messi. C’était aussi un tout premier tour du chapeau en finale depuis celui de l’Anglais Geoff Hurst, en 1966.
Un match ultime épique, qu’on vous disait. Les nerfs ont tenu, chez vous ? Difficilement, par ici. On ne compte plus les différentes versions écrites de l’article sous vos yeux présentement.
Il a donc fallu se rendre aux tirs de barrage. En finale de Coupe du monde. Il n’y a aucun moment plus grand, grandiose, plus angoissant dans le sport d’équipe.
L’Argentine, dont Messi, a réussi tous les siens. Le gardien Emiliano Martinez a dansé, souri, a fait un arrêt crucial contre Kingsley Coman. Aurélien Tchouaméni a raté le cadre. Et l’Argentine a eu le dessus, 4-2.
La France aura finalement cru à son pari de remporter une deuxième Coupe du monde consécutive. Mais une force a semblé habiter l’Argentine depuis sa défaite contre l’Arabie saoudite, en lever de rideau. Une force qui lui a permis de triompher, pour et par son Messi.
Ils ont dit
Nous avions le contrôle de la partie et avec deux tirs de merde, ils sont revenus au score. Ils ont tiré trois fois et ont marqué trois buts. Je pense que j’aurais pu faire plus, peut-être que j’aurais pu sauver le premier, mais ensuite j’étais bien. J’ai vécu les tirs au but tranquillement.
Emiliano Martinez, gardien de l’Argentine
Je n’oublierai jamais ce moment de ma vie. Venir ici, avoir la possibilité de jouer une Coupe du monde et de la gagner pour mon pays, ça n’a pas de prix. C’est un moment que je vais toujours emporter avec moi. Messi le mérite plus que quiconque, je suis heureux pour lui, pour les joueurs.
Enzo Fernandez, élu meilleur jeune joueur du tournoi
Je suis très fier d’être français et du groupe. On garde la tête haute. On est revenus dans le match alors qu’on n’était pas dedans. Ça s’est joué très vite. Physiquement, on était mieux, on a poussé et on y croyait. On n’était pas loin de réussir à renverser un match mal embarqué. On a eu un parcours sinueux, mais il y a de la force mentale dans le groupe, beaucoup de cœur.
Raphaël Varane, défenseur français
On a été trop en réaction dans la finale. C’était presque un match de boxe, on s’est rendu coup pour coup. Le seul regret qu’on peut avoir, c’est d’avoir complètement raté la première période.
Le gardien français Hugo Lloris
Avec l’Agence France-Presse