« Je peux monter sur le mont Royal et le crier très fort : présentez-vous, investisseuses ! »

Lorsque Amy Walsh, ambassadrice du soccer féminin chez le CF Montréal, parle de son sujet de prédilection, on sent et entend la passion dans sa voix.

Ça tombe bien, une bonne nouvelle est tombée cette semaine : il y aura enfin une ligue de soccer professionnel féminin au Canada.

Le Project8, nom de code du circuit qui n’a pas encore été baptisé, a été dévoilé par l’ancienne joueuse Diana Matheson et la légende Christine Sinclair, lundi soir. La ligue de huit équipes devrait voir le jour en 2025. Les Whitecaps de Vancouver ont déjà annoncé qu’ils créeront un pendant féminin à leur club, tout comme les Foothills de Calgary, un club semi-professionnel évoluant en USL 2.

Matheson est l’instigatrice principale du projet. En plus des raisons évidentes qui la poussent à mettre sur pied cette ligue professionnelle, un manque criant au Canada globalement dénoncé notamment par des joueuses actives et retraitées, elle souhaite encourager les femmes à s’y investir sur tous les plans. Dont financièrement.

Son amie Amy, ancienne joueuse du Canada et une des voix les plus fortes réclamant l’arrivée d’un circuit professionnel, l’appuie là-dedans.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Amy Walsh, ambassadrice du soccer féminin au CF Montréal

On peut rendre ça public. Hors de mon rôle avec le CF Montréal, je jase avec plein de gens pour trouver des investisseurs.

Amy Walsh, ambassadrice du soccer féminin au CF Montréal

Il en coûte maintenant des dizaines de millions pour acheter un club de la National Women’s Soccer League (NWSL), aux États-Unis. Peut-être même jusqu’à 50 millions, rapporte le média Front Office Sports, en vue de l’expansion de deux équipes prévue pour 2024.

« Avec le plan de Diana, c’est très abordable », assure Amy Walsh. Le reportage de la CBC, publié lundi soir, parle d’un prix avoisinant les 8 à 10 millions pour mettre sur pied une équipe du Project8.

D’une pierre deux coups

Mais au-delà de l’investissement à trouver, c’est le développement des joueuses et la création d’un parcours vers le monde professionnel qui l’enchantent le plus.

« Moi, j’avais perdu espoir », dit Walsh. Elle parle des déceptions répétées après les succès de l’équipe canadienne à Londres, à Rio, puis à Tokyo. Les joueuses canadiennes ont gagné le bronze en 2012, encore le bronze en 2016, puis l’or en 2021. Chaque fois, elle croyait que ça allait donner l’élan nécessaire pour allumer le tison de l’intérêt des investisseurs, ou de Canada Soccer. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé.

Après le triomphe de Tokyo, les joueuses font « une tournée de célébration, puis pas grand-chose ne se produit ».

Matheson a donc pris les choses en main, en faisant d’une pierre deux coups. Elle termine une maîtrise en administration des affaires pour les dirigeants à l’Université de Queens, et elle a son grand projet pour lequel elle sera évaluée : le circuit tant attendu de soccer professionnel.

C’est la bonne personne pour bâtir quelque chose qui a de l’allure. Quelque chose qui est nécessaire pour faire grandir le soccer au Canada.

Amy Walsh

La réponse de la fédération a été positive. « Ils s’attendent à travailler ensemble pour sanctionner la ligue », dit-elle. « Ça comblait un besoin urgent pour le soccer féminin au Canada. »

Au CFM, pas à court terme

Vous avez vu le nom des Whitecaps au début de ce texte. Une équipe canadienne en MLS. Le CF Montréal souhaite-t-il se joindre au projet ?

« À court terme, en toute transparence, je dirais non », a affirmé le président du CFM, Gabriel Gervais, mardi.

« Ce qu’on veut faire, c’est lancer une académie féminine. C’est quelque chose qu’on souhaite annoncer bientôt, c’est encore en cours. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Gabriel Gervais, président du CF Montréal

Si ce n’est pas dès l’année prochaine, Walsh veut que cette académie voie le jour avant le premier botté de ballon du Project8, prévu en 2025.

Parce que c’est ainsi que le club veut se positionner pour l’instant : devenir une pépinière de talents pour l’organisation de soccer féminin qui verra inévitablement le jour au Québec.

« S’il y a une équipe professionnelle, que ce soit ici à Montréal, que ce soit à Québec, c’est sûr qu’on va leur tendre la main pour les aider », assure Gervais.

L’académie peut être un moteur pour générer des talents qui peuvent aller jouer dans cette équipe.

Gabriel Gervais, président du CF Montréal

À l’interne, Amy Walsh milite-t-elle pour que le CFM fasse l’investissement et ajoute une équipe séniore féminine ?

« Amy est passionnée, répond le président en souriant. Elle veut que le soccer progresse. Je suis certain qu’elle ne haïrait pas ça qu’on ait une équipe pro féminine au CF Montréal. Mais vraiment, ce n’est pas dans les plans à court terme. »

Il rappelle que le CFM perd « entre 10 et 20 millions par année », et qu’au sortir de la pandémie, il veut assurer « une certaine stabilité ».

Walsh espère quand même que si elle trouve un investisseur, « le club pourrait avoir un rôle mineur pour promouvoir le développement de la ligue ».