(Sao Paulo) Finies les défaites à répétition : Ibis,  club brésilien qui a longtemps mérité, et entretenu, son image de « pire équipe du monde », n’est plus fâché avec la victoire.  

Cette saison, il évolue en première division du championnat du Pernambouc, État pauvre du nord-est brésilien, pour la première fois en 21 ans.

Pas mal pour une équipe dont la mascotte s’appelle « Derrotinha » (petite défaite), et qui était parfois huée par ses propres partisans en cas de victoire.

« Cette histoire de “pire équipe du monde”, sportivement parlant, c’est surtout un souvenir des années 80, quand on était vraiment la pire équipe. Aujourd’hui, c’est surtout une question de marketing », explique à l’AFP Ozir Ramos Junior, président de l’Ibis Sport Club.

Avec une bonne dose d’humour et d’auto-dérision, ce petit club de la ville de Paulista, à 18 kilomètres de Recife,  s’est fait connaître au-delà des frontières du pays.

Fondé en 1938 par les patrons d’une usine de textile, Ibis est entré dans la légende avec une série record de 3 ans, 11 mois et 26 jours sans la moindre victoire, du 20 juillet 1980 au 17 juin 1984.

En presque 4 ans, l’équipe a affiché un bilan de 48 défaites et six matchs nuls en 54 rencontres, avec pas moins de 225 buts encaissés (plus de quatre par match en moyenne) et seulement 25 marqués.

Un contrat pour Messi

Sa réputation de « pire équipe du monde » est devenue une marque, qui a inspiré des campagnes publicitaires, puis, des décennies plus tard, des blagues bien senties sur les réseaux sociaux.

Quand Lionel Messi a annoncé qu’il quittait le FC Barcelone en août dernier, juste avant de signer au Paris SG, Ibis lui a fait une « proposition de contrat » sur Twitter.  

Parmi les clauses : « ne pas inscrire trop de buts, ne pas être champion » et « jurer trois fois devant le miroir que Pelé est meilleur que Maradona ».

La semaine dernière, c’est justement le PSG de Messi qui a fait les frais de cet humour grinçant après l’élimination en C1 face au Real Madrid, Ibis rappelant qu’il avait « le même nombre de titres en Ligue des Champions ».

Avec plus de 300 000 abonnés sur ce compte Twitter désopilant, le club a attiré son plus grand sponsor, le site de paris en ligne suédois Betsson.

Grâce à cette manne inespérée, Ibis a pu payer les salaires en retard des joueurs et moderniser les infrastructures du club.  

Les résultats ne se sont pas fait attendre : en novembre, cinq mois après la signature du contrat avec le sponsor suédois, l’équipe est remontée en première division régionale.

« Nous sommes connus dans le monde entier comme des perdants, mais il ne faut pas mélanger cette image avec ce qui se passe réellement sur le terrain », tempère le président Ramos Junior.

« Aujourd’hui, on peut dire qu’on ne travaille qu’avec des vainqueurs », renchérit l’entraîneur Paulo Jessé.

« Deuxième équipe de cœur »

Mais au sein de l’élite du Pernambouc, Ibis n’a pas pu faire de miracle. Avec six défaites en neuf matchs, l’équipe a terminé avant-dernière et devra disputer les barrages pour tenter de se maintenir.

Mais sa victoire 2-1 sur Salgueiro lors de la deuxième journée restera dans les annales.

« Pendant des années, Ibis ne faisait que perdre. Maintenant, il arrive à gagner des matchs. Ce club représente un esprit de résistance, une lueur d’espoir », dit Israel Leal, auteur du livre Le vol de l’oiseau noir, l’histoire d’Ibis, la pire équipe du monde.  

Avant la saga des perdants magnifiques des années 80, Ibis avait vu passer dans ses équipes de jeunes de vrais cracks comme Vava, double champion du monde en 1958 et 1962, ou Rildo, qui a joué par la suite avec le Roi Pelé à Santos.

Loin du niveau sportif des clubs les plus populaires du Pernambouc, Nautico et Sport, qui font le yoyo entre la première et la deuxième division nationale, Ibis transcende les rivalités historiques et sait se faire apprécier de tous les partisans de la région.

« C’est la deuxième équipe de cœur de tous les habitants de Pernambouc », conclut Ozir Ramos Junior.