Les bureaux administratifs du Red Bull Arena bourdonnent à deux heures du coup d'envoi d'un match de Ligue des champions face à l'Impact. Si une bonne partie de la centaine d'employés s'activent en vue de duel, la tête est déjà tournée vers les séries que les Red Bulls de New York ont ensuite entamées du bon pied contre le Sporting Kansas City, puis DC United.

Pour coordonner les efforts de la ruche se trouve Marc de Grandpré, natif de la ville de Mont-Royal, qui effectue son deuxième séjour avec l'organisation new-yorkaise. Dans son rôle de directeur général, le nouveau quadragénaire s'occupe autant des enjeux reliés au stade que de ceux de la billetterie, du marketing ou du nouveau complexe d'entraînement. Au sein d'un marché qui foisonne d'équipes sportives et de divertissement en tout genre, la mission a de quoi donner le tournis.

Vêtu d'un jean et d'un pull-over rouge, de Grandpré donne une franche poignée de main avant de s'asseoir et de revenir sur son parcours qui l'a conduit de Montréal à Harrison, au New Jersey. Et de commencer par la rencontre avec un homme, Pierre Boivin, ancien président du Canadien de Montréal qui est aujourd'hui à la tête de Claridge.

«Je gardais ses enfants quand j'étais encore un adolescent à Mont-Royal. Nous sommes restés proches, et c'est lui qui m'a ensuite donné ma première chance dans le monde du travail, chez Bauer. Même quand j'ai quitté l'entreprise, je savais qu'il allait être la personne que je pouvais appeler ou contacter pour avoir des conseils. Il a toujours été une référence et une personne de confiance pour me guider sur le bon chemin.»

S'il a refermé la parenthèse Bauer, en 1998, c'est pour devenir l'un des premiers employés de la marque Red Bull, en Amérique du Nord. Et après six ans à la tête du marketing, c'est vers lui que l'entreprise s'est tournée au moment du rachat des MetroStars (MLS), en mars 2006. Une mission que ce passionné de sports a rapidement acceptée, même s'il était plus familier avec le hockey ou le baseball («avec le recul, le soccer est un sport que j'aurais aimé pratiquer»).

«Le défi a été de prendre les MetroStars et de les transformer en Red Bulls, en l'espace de 30 jours, se remémore-t-il en même temps que les nuits à dormir au bureau. C'était une tâche monumentale, car les uniformes, le stade et les billets de saison étaient tous aux couleurs des MetroStars. Nous avons tout changé jusqu'au moindre petit détail telle la peinture dans le vestiaire. Cela a été une course effrénée pendant ces 30 jours.»

Puisque le statu quo, avec des matchs au Giants Stadium, était devenu inacceptable depuis plusieurs saisons, le dossier d'une nouvelle enceinte était également bien placé sur son bureau. De Grandpré a largement piloté les premières étapes du Red Bull Park, son nom initial, en compagnie des anciens propriétaires AEG. Après le rachat des parts par Red Bulls, la construction du stade a finalement démarré, en 2008. Au même moment, le Montréalais faisait le saut chez Qualcomm, une entreprise de télécommunications.

Après six années à travailler dans les technologies ou dans le secteur agroalimentaire, de Grandpré est revenu dans le giron des Red Bulls au début de la présente saison. S'il trouvait le club un peu trop fragmenté à son goût, il a aussi constaté le chemin parcouru depuis son départ. Il met de l'avant la hausse des spectateurs, la construction du terrain d'entraînement à Hanover ou les moyens mis en place dans le développement des jeunes. Une chose reste cependant inchangée: il faut jouer du coude pour exister à New York.

Avec l'arrivée du New York City FC, les Red Bulls vont, en plus, coexister avec un concurrent direct. À l'heure actuelle, 40% de la base de partisans vient de la ville de New York, tandis que 60 % est issu du New Jersey. De Grandpré ne voit pas le nouveauvenu comme une menace, mais plutôt comme un levier.

«C'est bien pour la MLS et pour nous. Cela va accroître la visibilité du soccer dans la ville de New York et, avec le temps, cela va créer une rivalité naturelle. Je pense qu'il y a assez de partisans et de pratiquants, dans la grande région, pour que les deux équipes aient du succès.»

Quant à la réponse au faste recrutement du NYCFC - David Villa et Frank Lampard -, elle se décline en deux volets. Oui, les Red Bulls vont encore investir dans de nouveaux joueurs désignés, mais le développement de vedettes locales est aussi primordial, précise-t-il.

Si près, si loin

Tout au long de l'entrevue, de Grandpré zigzague entre le français et l'anglais, résultat d'un parcours universitaire et professionnel principalement réalisé aux États-Unis. Au «gros chagrin de sa mère», ses enfants n'ont également pas encore appris le français. Mais ce partisan du Canadien n'a cependant pas oublié ses racines et le contraste que Montréal lui inspire par rapport à New York. «Montréal est comme une petite ville européenne, c'est le fun. Ici, tout est intense et à 100 milles à l'heure, mais je sais que cette adrénaline permanente me permet d'avancer.»

Cela tombe bien, les dossiers ne manqueront jamais à New York...