Skieur alpin le plus décoré de l'histoire canadienne, 
Erik Guay s'est joint à l'équipe de Débats 
pour faire part de ses observations au fil 
des deux semaines olympiques.

Nous avons vécu 14 jours de performances sportives exceptionnelles. 

Deux semaines à encourager les Canadiens, à crier à chaque compétition, à les voir se dépasser, tout donner pour décrocher l'or, faire un podium ou améliorer un record personnel. 

Mais tout ça, depuis dimanche dernier, c'est du passé. Du moins, pour nous, spectateurs. Parce que les athlètes qui ont participé aux Jeux, eux, ils sont encore sur un nuage. 

Et ils ne redescendront pas tout de suite. Pendant encore quelques jours, voire quelques semaines, on les verra dans des émissions de télé, on les entendra à la radio, on lira des articles sur eux, ils se feront aborder dans la rue, prendre en photo, poser des questions, féliciter. 

Puis le printemps arrivera. Et la chaleur de l'été suivra. 

Les gens passeront alors à autre chose, auront d'autres sujets d'intérêt à discuter et d'autres préoccupations à débattre que les succès des athlètes amateurs canadiens. Les journaux et médias aussi parleront moins des performances passées. 

Je perçois depuis quelques années un engouement un peu plus marqué pour le sport amateur au Canada - merci à Vancouver 2010 d'avoir permis cela. Mais une baisse d'intérêt pour les exploits de nos sportifs aux Olympiques de PyeongChang arrivera tout de même, inévitablement. 

C'est à ce moment que les athlètes tomberont de leur nuage, et ce, qu'ils aient gagné une médaille ou non. Ils vivront alors ce qu'on appelle  un temps mort, ou, en anglais, un « down ». L'effet post-olympique. Et même si les compétitions de Coupe du monde se poursuivent pour encore quelques semaines dans de nombreuses disciplines, notamment en ski alpin, certains athlètes auront plus de difficulté que d'autres à tourner la page olympique et affronter ce temps mort. 

Alors, au printemps ou à l'été, une fois de retour à la maison, quand les demandes d'entrevues, les visites et les appels se feront moins nombreux, ils devront se souvenir que l'essentiel est autour d'eux. Ils peuvent compter sur l'amour de leurs proches, conjoint ou conjointe, parents et amis, de même que sur la compréhension et le soutien de leurs pairs. Un bon clan familial et un bon réseau deviennent alors importants. Et il s'agit là de l'essentiel.

***

Je n'ai pas l'intention d'arrêter. Si mon dos me le permet, j'aimerais faire une dernière année sur le circuit de la Coupe du monde, l'hiver prochain. 

Je suis déjà de retour à l'entraînement en salle. Et avant que la neige fonde, je vais retourner sur mes skis et véritablement tester mon dos. On verra alors comment ça va. Si tout se déroule comme je l'espère, je pourrai penser au prochain camp d'entraînement et envisager une dernière belle année sur le circuit de la Coupe du monde. 

Puis, au terme de la prochaine saison de ski, ce sera la retraite. 

Dans ma tête, c'est déjà réglé : il n'est pas question d'étirer ma carrière inutilement et de me retrouver avec un corps complètement détruit à l'âge de 40 ans, tout ça parce que je n'aurai pas su accrocher mes skis à temps. 

Mes jours de skieur de niveau international sont comptés. Je le sais. Mon corps me le rappelle tous les jours. 

La retraite approche. Mais avant de tourner la page définitivement, je vais pousser une dernière fois la machine. Pour ne pas avoir de regret une fois que tout sera terminé. Pour pouvoir me dire que j'ai tout donné à mon sport. 

Par la suite, un nouveau défi m'attend  : celui d'être papa à temps plein. Et vous savez quoi ? Je n'ai pas peur de vivre cela... J'ai même hâte ! 

Depuis deux mois, j'ai un avant-goût de ce qui m'attend ; forcé de rester à la maison à cause de ma blessure, j'en ai profité pour passer beaucoup de temps avec ma famille, avec ma femme et mes filles. Surtout avec ma plus grande, Logann, qui m'a fait vivre de grandes émotions la fin de semaine dernière  : elle a obtenu son premier podium en ski alpin ! 

J'étais tellement fier. Et c'était quand même compétitif comme épreuve, même pour des jeunes de 9 et 10 ans. Avant cette compétition, on a passé des jours à skier ensemble - légèrement pour moi, évidemment. On a travaillé fort parce que c'est ce qu'elle voulait. C'était donc incroyable de la voir monter sur le podium et de voir que les efforts rapportaient déjà. J'étais bien content de pouvoir l'aider à obtenir ce beau résultat. 

D'ailleurs... 

À la retraite, je me vois bien devenir entraîneur. Mais pour sur l'équipe nationale, comme mon frère. Je ne veux pas vivre dans mes bagages et être loin de la maison. Non. J'aimerais plutôt être entraîneur au niveau local et régional. Aider le club de ski de Mont-Tremblant, par exemple, tout en voyant mes filles grandir. 

Et aider ma plus vieille, si elle veut continuer à skier. Je pense que je pourrais être utile ; lui donner quelques conseils. J'ai un peu d'expérience, après tout... 

Mais avant de penser à tout cela, avant de me projeter dans l'avenir, je dois me préparer physiquement et mentalement à retourner sur le Cirque blanc. 

Pour un ultime tour de piste.