Il aurait fallu rappeler aux sceptiques hier avant le match qu'Antti Niemi avait remporté trois de ses quatre dernières rencontres.

Qu'il avait accordé deux buts sur 47 tirs à Dallas et deux buts sur 32 tirs à Detroit à ses deux rencontres précédentes.

Que Carey Price avait été très sollicité la veille à Boston et que son genou semble toujours sensible malgré ses performances irréprochables.

Le Canadien affrontait en outre hier un club en pleine déroute, les Panthers de la Floride, toujours sans victoire en 2019.

Les Panthers ont joué avec énergie, mais Niemi a aussi offert le meilleur de lui-même. Il est venu à un tir d'atteindre le record d'équipe du Canadien pour le plus grand nombre d'arrêts dans un match, 53, réalisé par Wayne Thomas en 1974, et égalé par Price en 2009.

Enfin bref, l'entraîneur Claude Julien a pris la meilleure décision dans les circonstances.

Il faut se décider tout de même. Ça hurle lorsque Price se blesse, mais on voudrait qu'il dispute tous les matchs, même ceux présentés à 24 heures d'intervalle.

Les gardiens, malgré leur armure, ne sont pas des robots. Il y a des os, des muscles et des ligaments sous cet équipement. Ils exécutent des mouvements très exigeants et doivent se protéger tant bien que mal des adversaires qui foncent à toute allure en leur direction, alors qu'ils se trouvent justement dans des positions vulnérables.

Price a déjà 31 ans. Il dispute sa 12e saison dans la Ligue nationale de hockey. Il a déjà subi quelques blessures sérieuses.

Le hockey, tel qu'on le pratique aujourd'hui, ne permet plus aux gardiens de disputer 70 matchs et plus par saison. Encore plus vrai avec les gardiens trentenaires.

Non seulement faut-il le ménager car il lui reste encore au moins sept autres saisons à disputer à un salaire annuel de 10,5 millions, mais à court terme aussi, entrer en séries éliminatoires avec un gardien épuisé n'améliore pas les perspectives de victoire. Et le Canadien peut commencer sérieusement à envisager une participation aux séries.

Prenez les gardiens finalistes de la Coupe Stanley des cinq dernières années et le nombre de matchs disputés en saison régulière.  

2018

Marc-André Fleury, Vegas, 46 matchs

Braden Holtby, Washington 54 matchs

2017

Pekka Rinne, Nashville, 61 matchs

Matt Murray, Pittsburgh, 49 matchs

2016

Martin Jones, San Jose, 65 matchs

Matt Murray, Pittsburgh, 13 matchs

2015

Ben Bishop, Tampa, 62 matchs

Corey Crawford, 57 matchs

2014

Henrik Lundqvist, New York, 63 matchs

Jonathan Quick, Los Angeles, 49 matchs

Aucun de ces gardiens n'a disputé plus de 65 matchs. Jones est le seul à avoir atteint cette marque. Sur les dix, seulement quatre ont disputé au moins 60 matchs.

Par ailleurs, Jonathan Quick, des Kings, outre cette saison 2013-2014, a toujours été un gardien très sollicité. Entre 2009 et 2016, il a eu des saisons de 72, 61, 69, 72 et 68 matchs, sans compter de longs printemps. Voilà peut-être l'explication pour ses blessures importantes des dernières saisons. À 32 ans, il a disputé 17 matchs en 2016-2017 et seulement 22 cet hiver.

L'ancien entraîneur des gardiens du Canadien, François Allaire, était un précurseur. Seulement deux fois en carrière Patrick Roy a-t-il disputé 65 matchs ou plus, mais jamais 70. À ses six premières saisons à Montréal, il jouait en moyenne entre 45 et 55 matchs. Il n'y avait pas gardien plus frais en séries et il a su éviter les blessures graves.

Niemi a connu une première moitié de saison difficile. Sa moyenne de buts alloués a même dépassé la marque des quatre buts par matchs. Il faut reconnaître l'apport de Stéphane Waite dans son retour fructueux.

Sa renaissance change la donne. Dans une perspective où le Canadien aspire aux séries, il serait impensable de l'échanger à la date limite des transactions, d'autant plus qu'il ne rapporterait probablement pas plus d'un choix de troisième ou quatrième ronde. Il constitue un formidable atout advenant une blessure à Price.

Dans les plans initiaux, Niemi en était à sa dernière saison à Montréal. Il aura, après tout, 36 ans cet été. Le premier gardien à Laval, Charlie Lindgren, a un contrat garanti de la LNH à 750 000 $ pour cet hiver et les deux prochaines saisons.

Mais Lindgren, longtemps qualifié d'espoir, a maintenant 25 ans et il connaît une autre saison difficile dans la Ligue américaine, marquée par des blessures. Pour une deuxième saison consécutive, il risque de présenter un taux d'arrêts inférieur à ,900.

Pourra-t-il faire un adjoint de qualité à Price l'an prochain, ou offre-t-on une année de contrat supplémentaire à Niemi, le temps de donner une année supplémentaire de développement à Michael McNiven avec le Rocket et surtout Cayden Primeau, le véritable gardien d'avenir de l'équipe, avec son équipe de Northeastern dans la NCAA?

Pour l'instant, le CH a un heureux problème. Et Claude Julien a le luxe de ménager son joyau.

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J'adore la façon dont Guillaume Lefrançois a raconté l'échange entre Niemi et les reporters après la rencontre d'hier, dans le vestiaire du Canadien. «On ne s'attendait pas à grand-chose quand on lui a mentionné le nom de (Wayne) Thomas, a écrit Guillaume. Et pourtant...». La suite ici!