L’équipe nationale de boccia a l’habitude des imprévus dans les compétitions internationales, surtout en matière d’accessibilité. Cette fois, c’est à la maison qu’elle a dû se mettre en mode solution après que l’incendie du Parc olympique a sonné le début d’une longue saga.

Mario Delisle se trouvait au Portugal lorsqu’il a appris la nouvelle, le 21 mars dernier. Un début d’incendie a entraîné la fermeture du site d’entraînement de l’équipe nationale, en pleine préparation pour les Jeux paralympiques de Paris.

Déjà, le directeur de la haute performance de Boccia Canada se doutait bien que les prochains jours n’allaient pas être de tout repos.

« On avait tout ce qu’il fallait à l’INS Québec, rappelle Mario Delisle, dont le sous-sol s’est encombré de matériel très rapidement. On ne veut pas trop se plaindre. Certains sports ont besoin d’installations spécifiques comme les sports aquatiques ou la gymnastique artistique. On a voulu nous accommoder, mais les gens ne connaissent pas toujours nos besoins. »

Il s’avère que dénicher un gymnase à Montréal n’est pas chose simple non plus. Surtout lorsqu’on y ajoute les critères d’une surface adéquate pour le boccia, des toilettes accessibles en fauteuil roulant et un peu de tranquillité pour demeurer concentré. Difficile de cocher chaque élément de la liste.

« On est prêts à faire des concessions, mais on n’a pas trouvé les conditions optimales pour s’entraîner », ajoute Mario Delisle.

Double médaillée d’or aux Jeux parapanaméricains de Santiago et espoir de médaille aux Jeux paralympiques de Paris, Alison Levine a subi une opération qui l’a tenue au repos pendant plus de deux mois au cours de l’hiver. Son retour progressif au boccia a donc débuté sans lieu d’entraînement.

« J’étais bouleversée, mais si on compare avec notre préparation pour les Jeux de Tokyo, en temps de COVID-19, ça va encore beaucoup mieux ! », souligne Levine, qui garde le moral malgré tout.

Elle et ses coéquipiers se sont d’abord tournés vers le complexe sportif Claude-Robillard, sur l’aire centrale de la piste d’athlétisme. Une seule séance a suffi pour constater que la surface était inappropriée, rendant les déplacements difficiles en fauteuil. La formation a alors insisté pour accéder au deuxième sous-sol, là où le plancher de béton ne l’a finalement pas convaincue.

« Ça paraît peu important, mais il faut comprendre que cela un gros impact sur l’exécution de nos lancers, que l’on joue sur du bois, du béton ou du plastique. C’est une question de millimètres en boccia, alors si la balle roule moins vite ou plus vite qu’à l’habitude, ça vient tout changer », explique Mario Delisle, qui a dû poursuivre ses recherches.

Tentative suivante : le centre Pierre-Charbonneau, qui affichait complet à la fermeture de l’INS Québec. Partageant parfois le terrain avec des joueurs de pickleball ou étant d’autres fois installés dans le hall, les athlètes ont eu du mal à se concentrer. Limiter les distractions est prioritaire lorsque la précision est reine comme au boccia. Mais surtout, les athlètes avaient l’impression de déranger et de ne pas être à leur place. Il a donc fallu trouver une autre solution.

PHOTO FRANÇOIS LACASSE, DÉFI SPORTIF ALTERGO

Iulian Ciobanu et Alison Levine ont décroché la médaille d’argent en double BC4, à la Coupe du monde de Montréal, disputée à l’aréna Maurice-Richard.

Capacité d’adaptation

C’est dans cette situation que les athlètes ont pris part à la Coupe du monde de Montréal, disputée à l’aréna Maurice-Richard.

Si le Canada n’a pas livré les performances souhaitées dans les tableaux individuels, il a réussi à se démarquer aux tournois par équipe. Alison Levine et Iulian Ciobanu ont notamment décroché la médaille d’argent en double BC4, mais ils ont glissé au deuxième rang mondial de cette catégorie.

La bonne nouvelle, c’est que l’équipe nationale pourra retrouver un semblant de routine en s’entraînant dorénavant à la Maison du loisir et du sport du Québec. L’annonce tombe à point admet Mario Delisle, qui anticipait l’achalandage avec le début des nombreux camps de jour et l’absence de climatisation pour ses protégés, dont plusieurs réagissent mal à la chaleur.

« Jusqu’à tout récemment, ça nous amenait beaucoup d’anxiété », confie celui qui aura fait une dizaine d’appels afin de dénicher un site d’entraînement. Il a parfois eu l’impression de devoir porter l’équipe canadienne à bout de bras face à toutes ces embûches.

On a beau diriger des athlètes parmi les meilleurs au monde dans leur sport, quand je frappe à une porte, on me regarde en disant “T’es qui, toi ?” et “De quoi tu parles ?” On n’était pas toujours accueillis à bras ouverts et on remplissait plus des trous dans les plages horaires.

Mario Delisle, directeur de la haute performance de Boccia Canada

Après l’incendie, les athlètes et les fédérations sportives ont d’abord été informés qu’ils devaient trouver une solution jusqu’à la mi-avril. Vu l’ampleur des dégâts, le délai est vite passé à entre six et huit mois.

Les Jeux paralympiques, eux, sont prévus à la fin du mois d’août. Tout ce que les athlètes souhaitent, c’est s’y préparer dans un lieu accessible et adapté à leurs besoins où ils pourront pleinement se consacrer à l’entraînement. En d’autres mots, se sentir comme à la maison, dont ils s’ennuient tant.