D’un atelier de Clarenceville à une écurie de Formule 1, l’innovation dans l’équipement a propulsé les athlètes paralympiques au fil des ans. Maintenant retraité, le Québécois Alexandre Dupont contribue à ces avancées technologiques qui ont façonné et qui façonneront le para-athlétisme de demain.

Alexandre Dupont a pratiqué la course en fauteuil roulant pendant 18 ans. À son palmarès international, on note une médaille de bronze au relais 4 x 400 m des Jeux paralympiques de Rio, ainsi que plusieurs podiums aux Championnats du monde, aux Jeux du Commonwealth et aux Jeux parapanaméricains.

Lorsqu’il était membre de l’équipe nationale, sa base d’entraînement qui lui permettait de s’entraîner à l’intérieur n’était pas à son goût. Pour corriger la situation, il a donc fabriqué la sienne. Des années plus tard, il codirige Révolution Sports, une entreprise spécialisée en équipement de sport adapté, fondée avec sa femme, Iliana, elle aussi ancienne membre de l’équipe canadienne.

« De fil en aiguille, mes coéquipiers ont vu ça et ils en voulaient [des bases d’entraînement] eux aussi. C’est comme ça que ç’a commencé », soutient celui qui a ensuite développé une caisse de transport pour protéger les fauteuils de compétition en avion.

Un domaine aux possibilités infinies

L’équipement des sports paralympiques est le champ des possibles en matière d’innovation et de recherche scientifique, car les limitations physiques diffèrent selon les handicaps des athlètes. Les sports adaptés sont aussi de plus en plus nombreux.

Un exemple : les simulateurs de vélo d’exercice ont gagné en popularité au cours des dernières années. Ce système d’entraînement en ligne qui mesure la puissance est désormais aussi accessible aux athlètes en fauteuil roulant. Dupont et son équipe ont d’ailleurs une entente avec un fabricant américain pour adapter leurs bases d’entraînement au simulateur.

Le double paralympien vient aussi de collaborer avec une entreprise québécoise qui offrira bientôt un fauteuil roulant adapté pour faire des exercices de musculation.

Des moyens illimités… ou pas

En conception de matériel sportif adapté, l’artisanat côtoie la haute technologie. Aux yeux d’Alexandre Dupont, les deux plus grandes avancées technologiques des dernières années ont été l’impression 3D et l’utilisation de la fibre de carbone.

La première permet une standardisation de la fabrication de gants de poussée, faits sur mesure et qui peuvent être produits de façon identique. Des gants fabriqués dans son atelier ont d’ailleurs été portés par une dizaine d’athlètes médaillés aux Jeux paralympiques de Tokyo.

« [Avant], si tu réussissais à t’en fabriquer une bonne paire, tu ne pouvais pas en faire une deuxième, car c’était dur de la reproduire. Et tu pouvais avoir un bon gant gauche et un gant droit qui va mal. »

L’autre innovation, la fibre de carbone, est légère et résistante, mais moins malléable. La question du prix est aussi un frein, tant pour les équipementiers que pour les athlètes. Dupont évalue que la moitié des fauteuils de course des compétiteurs internationaux sont en fibre de carbone, surtout aux épreuves de fond et de demi-fond.

Le maître incontesté de ces distances dans la catégorie T54 est le Suisse Marcel Hug. En prévision des Jeux paralympiques de Tokyo, l’écurie de Formule 1 Sauber, aujourd’hui Stake F1 Team Kick Sauber, a consacré temps et argent à la création de son fauteuil. Matériaux de pointe, tests d’aérodynamisme en soufflerie et tests de pneumatiques sur la piste et l’asphalte lui ont permis de remporter l’or au 800 m, au 1500 m, au 5000 m et au marathon en 2021.

PHOTO JOHN WALTON, ARCHIVES PRESS ASSOCIATION

Marcel Hug

Dans le documentaire Go4Gold, qui raconte cette préparation, son équipe explique qu’elle a voulu reproduire le modèle de la Formule 1 en matière de recherche et développement pour qu’ensuite cette technologie percole vers le grand public. Cela a toutefois un prix – environ 50 000 $CAN pour le fauteuil – et on est évidemment loin des conditions qu’on retrouve dans un atelier d’une PME familiale de Clarenceville, en Montérégie.

« Marcel Hug a une équipe qui dépense je ne sais combien d’argent pour le faire avancer. C’est comme si Max Verstappen était avec Red Bull et que toi, tu étais avec une Honda Civic et tes chums pour essayer de le battre. Même si tu es aussi bon conducteur que lui, tu vas avoir de la misère », lance-t-il en riant, à propos du détenteur des records du monde de toutes les distances entre le 800 m et le marathon.

Un fauteuil de course d’entrée de gamme en aluminium se vend au minimum 7000 ou 8000 $CAN, sans compter le prix des roues. À ce prix, l’accessibilité au sport, ne serait-ce que pour l’initiation, demeure un enjeu encore plus important.

D’anciens fauteuils ayant appartenu à Chantal Petitclerc et à Diane Roy sont passés dans l’atelier de Révolution Sports afin qu’on leur donne une nouvelle vie. L’an dernier, une quarantaine de fauteuils roulants de compétition ont été remis à neuf afin que cet équipement soit à la disposition de ceux et celles qui veulent essayer le sport.

Plus modeste, Alexandre Dupont ne rêve pas de travailler sur un fauteuil de course au sein de l’écurie suisse.

« Qu’ils s’amusent, eux autres ! Moi, je veux aider les jeunes à décoller. »