Il ne le dira pas, par humilité et par crainte de s’attirer la poisse, mais Laurent Lavigne devrait participer à ses premiers Jeux olympiques à l’été. Le kayakiste parle de Paris au conditionnel, même si tout indique qu’il pourra s’y rendre avec le sentiment du devoir accompli.

Tout en étant optimiste, Lavigne reste sur ses gardes. L’été dernier, aux Championnats du monde de Duisbourg, en Allemagne, le K4 canadien a obtenu son quota olympique. Même si Lavigne et ses coéquipiers Pierre-Luc Poulin, Nicholas Matveev et Simon McTavish ont assuré, aucun d’entre eux n’a obtenu son billet pour l’Hexagone. En somme, le bateau canadien s’est qualifié pour les Jeux, mais pas les membres de l’équipage.

« Quand on a qualifié les quotas, plein de gens me félicitaient de m’être qualifié pour les Jeux, alors que je ne l’étais pas ! »

Au bout du fil, Lavigne a la voix un peu éraillée. Au moment de l’appel de La Presse, il est 7 h du matin à San Diego. L’athlète de 22 ans venait à peine de s’extirper du lit pour attaquer une nouvelle journée d’entraînement au Olympic Athletes Training Center. Un lieu « propice à la haute performance » où Lavigne et ses coéquipiers sont logés, nourris et traités aux petits oignons avec une salle d’entraînement et un lac mis à leur disposition.

L’équipe canadienne a tenu ses premiers essais de la saison dans ce lieu pittoresque de la côte ouest des États-Unis il y a quelques jours. Et sans avoir confirmé officiellement sa qualification au sein du quatuor olympique, parce qu’il reste encore les essais à Montréal à la fin de juin, Lavigne se rapproche de manière plutôt considérable d’une place dans l’avion qui transportera la délégation canadienne jusque dans le pays de Mitterrand à la mi-juillet.

En K1, il a pris le troisième rang au 500 m et le quatrième au 1000 m. En plus de finir en première place au K2 sur 500 m. Le Trifluvien décrit les résultats comme ses « meilleurs au niveau senior ».

Des essais concluants

Ces Nationaux servaient de baromètre pour mesurer la progression des athlètes canadiens. Il s’agissait après tout de la première compétition de la saison. Ils ont aussi été utiles pour « prouver qu’on est encore les meilleurs. Il fallait encore faire nos preuves », a mentionné Lavigne au sujet de ses trois coéquipiers.

La présence du même quatuor ayant terminé 10e aux derniers Mondiaux est presque une formalité. Il est cependant impossible de prendre Lavigne au mot. « C’est un pas dans la bonne direction. C’est le sport, il n’y a rien d’acquis. Les résultats me disent que la préparation va bien. »

Son objectif de début de saison est néanmoins atteint. « Après les Mondiaux l’an passé, j’avais une chose en tête et c’était d’être la meilleure version de moi-même en arrivant aux essais. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Laurent Lavigne à l’entraînement au bassin olympique du parc Jean-Drapeau, à Montréal

Il pourra attaquer avec confiance le reste de sa courte saison d’ici le rendez-vous olympique. Avant de pagayer dans les eaux françaises, Lavigne et compagnie disposeront d’une seule compétition internationale, au mois de mai, en Hongrie, pour achever leur préparation.

Un échéancier loin d’être optimal à partir duquel l’équipe n’aura pas le choix de travailler pour débarquer à Paris parée.

« Dans un monde idéal, on aimerait en faire plus, estime le kayakiste, mais c’est un couteau à double tranchant. Si on reste en Europe pour faire des compétitions, on perd des semaines d’entraînement et de préparation à Montréal. C’est la décision des coachs. »

Travail de préparation

Laurent Lavigne s’apprêtait donc à attaquer sa journée d’entraînement après l’entrevue. Fruits frais pour déjeuner, lunettes de soleil sur la tête, il ne demandait qu’à aller perturber le calme du lac Lower Otay.

À trois mois des Jeux olympiques, il oscille entre l’entraînement à fond de train et la volonté de limiter les risques de blessure et de fatigue. Selon le principal intéressé, trouver ce juste milieu est une bataille quotidienne.

À la base, j’aime m’entraîner et me pousser à l’entraînement. Et avec la motivation des Jeux, je suis all in à l’entraînement, mais je garde en tête qu’il faut que je fasse attention à mon corps, autant physiquement que mentalement.

Laurent Lavigne

Lorsque certains de ses proches l’ont félicité trop prématurément pour la qualification olympique qu’il n’a pas encore gagnée, Lavigne s’est mis à méditer sur une question à laquelle il n’avait jamais pensé réfléchir.

« Je me demandais si j’aimerais mieux être déjà qualifié. Et finalement, je pense que je suis content de savoir que je ne le suis pas encore. »

Il accepterait volontiers un billet olympique, mais cette attente jusqu’à la réalisation de son plus grand rêve le force à ne pas lésiner sur les efforts. Avec le recul, devoir patienter jusqu’à la fin du mois de juin est une sorte de bénédiction pour Lavigne. « Si je l’avais su un an d’avance, je ne dis pas que j’aurais pris ça à la légère, mais ça n’aurait pas été pareil. Le fait de ne pas le savoir me permet de me concentrer encore plus sur la préparation. Ça fait aussi partie de l’expérience. »

Cette expérience est la sienne et il l’embrasse complètement. D’ici au 23 juin, date des prochains essais, il continuera sans doute de se faire demander s’il ira aux prochains Jeux olympiques, mais sa réponse sera la même jusqu’à la fête nationale : « On verra. J’y vais une journée à la fois. »