Un plaidoyer passionné de la médecin canadienne Jane Moran a peut-être joué un rôle déterminant dans la décision du patinage artistique de hausser la limite d’âge en compétition.

Aucun patineur artistique de 15 ans ne sera autorisé à participer aux Jeux olympiques de 2026 à la suite de la controverse entourant la championne nationale russe Kamila Valieva aux Jeux de Pékin cette année.

L’Union internationale de patinage (ISU) a adopté une nouvelle limite d’âge pour les patineurs artistiques lors d’évènements internationaux seniors lors d’un vote de 110 contre 16. Cette décision portera l’âge minimum à 17 ans avant les prochains Jeux olympiques d’hiver de Milan-Cortina d’Ampezzo, en Italie.

Moran, présidente de la commission médicale de l’ISU, était au bord des larmes lorsqu’elle a affirmé, mardi, au 58e Congrès de l’organisme que la décision concernait « la santé et la sécurité de nos patineurs ».

« Il s’agit de leur longévité dans la vie, pas de leur carrière de patineur. Il s’agit d’eux en tant que personne. Il ne s’agit pas du nombre de patineurs que vous avez dans votre pays. Il s’agit du patineur lui-même, a déclaré Moran. Et ils patinent, mais ils ont aussi des vies. Et ils ont le droit de se développer en tant que personnes pendant leur adolescence, ce qui est très difficile. »

La limite sera introduite progressivement alors que les jeunes de 15 ans seront admis aux compétitions la saison prochaine. L’âge minimum sera porté à 16 ans en 2023-24 et passera à 17 ans la saison suivante, qui est la dernière avant les Jeux olympiques.

« Patinage Canada appuie entièrement le changement d’âge, a mentionné la chef de la direction de Patinage Canada, Debra Armstrong, lors du congrès qui se déroule à Phuket, en Thaïlande. La voix de l’athlète a été entendue haut et fort lors de ce vote. La protection de la santé et du bien-être des athlètes doit être à la base de tout ce que nous faisons. »

Moran est également membre du groupe Jeux de la commission médicale du Comité international olympique (CIO). Elle est professeure agrégée clinique à la faculté de médecine de l’Université de la Colombie-Britannique et a travaillé à de nombreux Jeux olympiques et championnats du monde en tant que physiothérapeute, médecin d’équipe et conseillère médicale.

« (Les jeunes patineurs) doivent être capables de performer, ils doivent traverser la puberté, ils doivent pouvoir devenir indépendants. Ils ont besoin de soins pendant cette période. Ils n’ont pas besoin que nous les forcions à concourir, a encore dit Moran au Congrès, s’attirant de longs applaudissements.

« Ils doivent être capables de se développer à la fois du point de vue physiologique, de leurs compétences en patinage, de leur passion, mais aussi psychologiquement, pour pouvoir faire face aux pressions du patinage, mais aussi aux pressions d’être un adolescent et de pouvoir y faire face dans leur carrière et dans leur vie.

« Alors, s’il vous plaît, ne modifiez pas cette proposition. »

Changement nécessaire

Ce changement semblait inévitable avant même la performance déchirante de Valieva aux Jeux olympiques de Pékin. Elle était la favorite pour remporter la médaille d’or de l’épreuve individuelle, après avoir aidé les Russes à remporter le titre par équipe. Mais un test antidopage positif en décembre révélé tardivement aux Jeux olympiques a tout fait dérailler. Elle est tombée plusieurs fois pendant son programme libre ponctué d’erreurs et elle a terminé quatrième. Son entraîneur Eteri Tutberidze l’a réprimandée avec colère lorsqu’elle est sortie de la patinoire.

L’adolescente a été autorisée à s’entraîner alors qu’une audience du Tribunal arbitral du sport (TAS) était en préparation, ce qui lui a permis de concourir en attendant l’enquête complète. Elle est toujours en cours. Le Canada, qui a terminé quatrième de l’épreuve par équipe, mériterait le bronze si les Russes étaient disqualifiés.

La Canadienne Madeline Schizas, qui a excellé dans l’épreuve par équipe à ses débuts aux Olympiques, a été interrogée à Pékin sur ce qui pouvait être fait pour faire du patinage une expérience plus positive pour les jeunes patineurs.

« Je pense que le sport m’a beaucoup apporté, a indiqué Schizas, qui a eu 19 ans pendant les Jeux de Pékin. J’attribue au sport une grande partie de la confiance que j’affiche, une grande partie de l’expérience vraiment formidable que j’ai eue…

« Je l’ai fait avec un groupe de qui sait combien d’autres enfants, et je suis la seule présente aux Jeux olympiques. Pour la grande majorité, les enfants ne se rendent pas aux Jeux olympiques, vous faites du sport pour en tirer toutes ces autres bonnes expériences, pour acquérir des compétences de vie, pour apprendre le travail d’équipe, et toutes les autres choses dont vous aurez besoin dans la vie. »

Schizas, qui a terminé 19e dans l’épreuve individuelle à ses débuts olympiques et 12e aux championnats du monde, a remercié ses entraîneurs Nancy Lemaire et Derek Schmidt pour l’environnement positif au club de patinage de Milton.

Critiques des Russes

L’ISU a rédigé une proposition de limite d’âge indiquant que « l’épuisement professionnel, les troubles de l’alimentation et les conséquences à long terme des blessures » constituaient un risque pour les patineurs adolescents qui sont poussés à effectuer plus de quadruples sauts.

La décision a été critiquée en Russie, dont les patineurs sont actuellement interdits des compétitions internationales en raison de l’invasion militaire de l’Ukraine par le pays.

« Je pense que cela a été fait pour plus ou moins niveler la compétition, afin que nos patineuses russes n’aient pas la possibilité de remporter des médailles aux championnats du monde, européens et olympiques, a affirmé à la chaîne Match TV, Dmitri Soloviev, médaillé d’or par équipe pour la Russie aux Jeux olympiques de Sotchi en 2014.

« Mais à mon avis, Eteri Tutberidze trouvera une façon de préparer nos athlètes dans une condition idéale à l’âge de 17 ou 18 ans », a poursuivi Soloviev, « afin qu’ils puissent offrir leurs meilleurs résultats lors de compétitions internationales à cet âge en particulier. »