(Pékin) Les projecteurs braqués sur Kamila Valieva, au centre d’une retentissante affaire de dopage sur la glace olympique de Pékin, ont ouvert un débat sur la durée de vie au haut niveau des patineuses russes, sans cesse remplacées par de nouvelles virtuoses encore plus jeunes.

Regrettant ce renouvellement permanent, l’ancienne patineuse Katarina Witt, championne olympique en 1984 et en 1988 sous les couleurs de la RDA, a employé l’expression de « société à usage unique ».

« Cela fait des années qu’on me demande pourquoi des talents russes de 15 ou 16 ans remportent les Jeux olympiques en signant des performances exceptionnelles et quittent ensuite la scène pour toujours, trop souvent pour des raisons de santé », a-t-elle écrit sur Facebook.

Dans le patinage féminin, les championnes olympiques ont toujours été jeunes. Six des sept derniers titres ont d’ailleurs été remportés par des adolescentes.  

Cette année ne devrait pas faire exception, Valieva, 15 ans, et ses coéquipières de 17 ans Alexandra Trusova et Anna Shcherbakova étant les trois principales prétendantes au podium.

Burn-out et blessures

Toutes trois s’entraînent sous les ordres d’Eteri Tutberidze, coach autoritaire et controversée à la tête de l’usine à championnes qui a propulsé la Russie au sommet.

Mais le talent de ces très jeunes patineuses pourrait s’étioler avec la puberté, les laissant sujettes au burn-out et aux blessures, craignent certains observateurs.

Katarina Witt a ainsi demandé que l’âge minimum des patineuses sur le circuit sénior, actuellement de 15 ans, soit relevé – une idée qui apparaît régulièrement, mais qui ne s’est jamais concrétisée.  

L’école Tutberidze illustre parfaitement ces préoccupations : jusqu’ici, aucune de ses poupées russes n’a disputé plus d’une édition des Jeux.  

Sa première grande star, Ioulia Lipnitskaïa, n’avait que 15 ans lorsqu’elle a remporté l’or aux Jeux de Sotchi dans l’épreuve par équipes. Sa performance fascinante sur la musique de La liste de Schindler avait ébloui le public, qui lui prédisait alors une carrière étincelante.  

Mais trois ans plus tard, Lipnitskaïa avait pris sa retraite. En 2016, une sérieuse blessure à une jambe l’a stoppée dans son élan et elle n’est jamais parvenue à retrouver son niveau.  

Après sa dernière compétition, qu’elle avait terminée à la dernière place, elle avait confié aux médias russes être rentrée chez elle, avoir rangé ses patins au placard et ne pas les avoir ressortis depuis.  

Elle a aussi révélé avoir dû être suivie pour des problèmes d’anorexie.

Aux Jeux olympiques de PyeongChang, il y a quatre ans, deux autres adolescentes russes, toutes deux élèves de Tutberidze, se sont retrouvées sur le podium. Alina Zagitova et Evgenia Medvedeva ont pris l’or et l’argent respectivement, mais ont depuis été éclipsées.  

Elles disent toutes deux ne pas pouvoir rivaliser avec le trio Valieva-Trusova-Shcherbakova, capable de réussir des quadruples sauts.

« Trop dangereux »

La jeunesse serait-elle l’atout principal ?

Zagitova, aujourd’hui âgée de 19 ans, explique que les « quads » sont devenus « trop dangereux » pour elle et qu’elle devrait perdre du poids si elle voulait les tenter.

Medvedeva a, elle, souvent été victime de blessures, notamment au dos, qui ne lui permettent plus de tourner que dans un seul sens.  

Mais Zagitova et Medvedeva ne sont que les victimes les plus visibles. Les forums consacrés au patinage artistique regorgent de noms d’espoirs qui ont mis fin à leur carrière au bout de quelques années seulement.

Et, d’après des rumeurs, Shcherbakova et Trusova patineraient cette saison bien que blessées.  

Interrogée par les médias après le programme court de mardi, Shcherbakova, arrivée en deuxième position, a toutefois pris la défense de Tutberidze.

« Je m’entraîne avec elle depuis que j’ai 9 ans. Si je ne change pas de coach, ça veut dire que je l’apprécie, s’est-elle justifiée. Nous accomplissons beaucoup de choses ensemble, comme vous le voyez. »