(Tokyo) Quand Andre De Grasse a pris un moment pour songer à ce qui lui a permis de courir plus vite que quiconque au monde, il n’a pas pu s’empêcher de laisser couler des larmes.

Le sprinter canadien a enfin une médaille d’or, après avoir triomphé au 200 mètres aux Jeux olympiques de Tokyo, mercredi, confirmant sa place parmi les grands sprinters de l’histoire.

Quelques instants après avoir filé à vive allure pour fracasser son record canadien en franchissant la distance en 19,62 secondes, De Grasse a paradé avec un drapeau canadien sur la piste. Puis, il a pu rejoindre sa famille installée à Jacksonville, en Floride, sur un écran. Il a affiché un large sourire en voyant sa copine Nia Ali et son fils Titus, ainsi que leur fille de trois ans Suri et leur garçon nouveau-né.

« C’était spécial de voir Nia et mes enfants, sachant à quel point j’ai travaillé fort pour faire ça pour eux… Je suis tellement fier, je suis tellement fier de moi, a dit De Grasse, la voix tremblotante. Ça, c’est pour eux. Oui, j’avais des attentes élevées envers moi-même. Mais je le fais simplement pour ma famille, je le fais pour mes enfants. »

Il ne manquait que l’or à la collection de médailles olympiques de De Grasse. Le sprinter âgé de 26 ans avait gagné le bronze au 100 m, plus tôt à Tokyo, ainsi qu’une médaille d’argent et deux de bronze aux Jeux de Rio en 2016. De plus, le natif de Markham, en Ontario, avait remporté une médaille d’argent et trois de bronze aux Mondiaux d’athlétisme en 2015 et 2019.

« Je trouvais toujours que j’arrivais à court en gagnant le bronze ou l’argent, c’est donc très satisfaisant d’avoir l’or. Personne ne pourra m’enlever ça », a dit De Grasse.

Les Américains Kenneth Bednarek et Noah Lyles ont suivi respectivement De Grasse à la ligne d’arrivée avec de temps de 19,68 et 19,74.

Le Torontois Aaron Brown a pris le sixième rang avec un chrono de 20,20.

Grâce à sa cinquième médaille olympique en carrière, De Grasse a rejoint Phil Edwards en tant que Canadien le plus décoré en athlétisme. Edwards a gagné cinq médailles de bronze entre 1928 et 1936.

La victoire de De Grasse survient aussi un peu plus de 25 ans après celle de Donovan Bailey au 100 m aux Jeux d’Atlanta, en 1996.

Après avoir franchi la ligne d’arrivée, De Grasse a fléchi les bras et a enchaîné avec quelques pas de danse. Il s’est laissé choir sur la piste, a regardé le ciel et des larmes se sont formées sous ses verres fumés dorés.

« Mon cœur allait à 100 à l’heure. Je ne crois pas que mon cœur ait battu si vite de toute ma vie. Je croyais que j’allais perdre connaissance pendant une seconde, a-t-il raconté. J’essayais de garder mes émotions à l’intérieur. Toutes les choses à travers lesquelles je suis passé pour en arriver à ce moment. Je voulais tout garder à l’intérieur… Je suis tellement content et fier de moi-même de l’avoir enfin réussi. J’attendais ce moment. Ce moment… Je suis sans mot. »

De Grasse a parcouru beaucoup de chemin depuis son temps sur la piste à l’école secondaire, où il était surtout reconnu comme un bon espoir au basketball comptant Andrew Wiggins parmi ses rivaux. Il a été aperçu par l’entraîneur d’athlétisme Tony Sharpe. L’histoire est connue, mais De Grasse a couru avec ses shorts de basketball sans s’installer dans les blocs de départ et a gagné. Sharpe a vu quelque chose de spécial en De Grasse.

« Tony me rappelle ça tous les jours, a dit De Grasse en riant, avant de laisser couler d’autres larmes. Nous allons avoir une grande célébration quand je serai de retour à la maison, mais je sais qu’il est fier de moi. Et je veux simplement le remercier de m’avoir donné la piqûre pour ce sport. Tony, je t’apprécie beaucoup, je t’aime. Et voilà ! Je l’ai finalement fait. Je l’ai finalement fait. »

Sa course vers le podium n’a pas toujours été facile. Une blessure à une cuisse l’a privé d’une participation aux Mondiaux en 2017, où on s’attendait à une dernière bataille entre De Grasse et l’étoile jamaïcaine Usain Bolt, pour qui il s’agissait d’une dernière compétition en carrière. Puis, la pandémie de COVID-19 l’a forcé à s’entraîner sur un terrain de soccer en Floride l’été dernier et l’a privé d’entraînements en gymnase pendant des semaines.

De Grasse, qui participera aussi au relais 4x100 m à Tokyo, ne sait pas quand il rentrera au Canada en raison des restrictions frontalières. Mais Ali, championne du monde au 100 m haies pour les États-Unis, souhaite le voir en Floride dès que possible.

« Ma copine me répète de me dépêcher pour rentrer à la maison, a raconté De Grasse. Ça fait six semaines que je suis parti et les enfants vont la rendre folle.

« Elle a hâte que je rentre pour jouer aux papas un peu. »

Le Canada comptait sur deux représentants en finale du 200 m pour une première fois depuis 1928, quand Percy Williams avait remporté l’or et que John Fitzpatrick avait terminé cinquième.

Brown, qui est âgé de 29 ans, participait à une première finale individuelle en carrière aux Olympiques. Il faisait partie du relais 4x100 m aux Jeux de Rio en compagnie de De Grasse, quand ils avaient obtenu le bronze.

« C’est incroyable, a dit Brown au sujet du triomphe de De Grasse. D’avoir un Canadien en tête dans un sprint, c’est bon signe pour l’avenir. Et j’ai hâte au relais, parce qu’il passe d’adversaire à coéquipier ! »

Brown courait avec une photo de sa conjointe Preeya Milburn et leur fils Kingsley sous son numéro de dossard.