(Tokyo) Un joli parc boisé jouxte notre hôtel dans le quartier émergent Ikebukuro.

Samedi après-midi, deux adolescents y jouaient au badminton. Tout près, un enfant chassait les cigales avec un filet. En soirée, des planchistes à roulettes pratiquaient leurs trucs dans les marches, peut-être inspirés par la jeune Momiji Nishiya, 13 ans, première championne olympique de street.

En matinée, des sans-abri viennent y finir la nuit, attirés par le soleil et de rares toilettes publiques. Ils se lient d’amitié avec deux chats qui ont élu domicile dans le parc.

Dans un coin, à l’ombre des arbres, une grosse roche semble avoir été oubliée. Des fleurs sont déposées au pied et de l’encens y a brûlé récemment. On dirait un mémorial.

Petite recherche sur Google pour découvrir la nature de l’inscription en japonais gravée sur le rocher : « Prions pour la paix éternelle ».

Le rocher est le dernier vestige de la célèbre prison de Sugamo, construite dans les années 1920. Cet établissement pénitentiaire de grande envergure a servi à enfermer les prisonniers de guerre japonais après la Seconde Guerre mondiale.

Quelque 500 soldats américains la dirigeaient durant l’occupation, mais ce sont des travailleurs japonais qui en assuraient le fonctionnement. Apparemment, les relations entre les prisonniers japonais et leurs gardiens américains étaient relativement bonnes.

Son prisonnier le plus célèbre fut Hideki Tojo, le premier ministre qui avait ordonné l’attaque sur Pearl Harbor. Surnommé le « Rasoir », il a été pendu pour crimes de guerre avec six de ses comparses à la prison de Sugamo, le 23 décembre 1948.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Le parc jouxtant l’hôtel Sunshine City Prince, dans le quartier Ikebukuro.

Le rocher marque l’endroit où le gibet se dressait, et c’est resté un peu lugubre malgré les fleurs.

La prison a été fermée en 1971 pour laisser place à l’immense complexe qui comprend l’hôtel, un grand centre commercial et une tour de 60 étages, la Sunshine 60, le plus haut gratte-ciel d’Asie au moment de son érection en 1978.

L’hôtel Sunshine City Prince sert maintenant à enfermer les journalistes qui couvrent les Jeux olympiques. Dans ce cas-ci, on parle d’une prison dorée.