(Tokyo) Au coup de sifflet de l’arbitre, les joueuses de l’équipe britannique se sont regardées, puis ont posé un genou sur le sol. De l’autre côté du terrain, les joueuses chiliennes ont réagi à leur tour en posant un genou au sol sur le terrain du Sapporo Dome.

Une heure plus tard, c’était au tour des Américaines et des Suédoises de s’exécuter sur le gazon de Tokyo, mercredi, dans un geste de solidarité sans précédent aux Jeux olympiques visant à dénoncer le racisme.

En cette première journée de compétition aux Jeux de Tokyo, les joueuses de soccer étaient les premières athlètes à se prévaloir de la nouvelle règle permettant de faire des gestes de militantisme aux Jeux.

Longtemps interdits par le Comité international olympique (CIO), ces gestes symboliques de protestation sont désormais permis à l’intérieur de certaines balises pendant les Jeux.

Contrairement à certains sports professionnels, comme dans la NFL, où les joueurs posaient le genou sur le sol durant l’hymne national, les joueuses de soccer l’ont fait tout juste avant le coup d’envoi de la partie.

« C’est une occasion pour nous de continuer d’utiliser nos voix et notre visibilité pour parler d’enjeux qui nous affectent toutes intimement de différentes façons », a indiqué la capitaine de l’équipe des États-Unis, Megan Rapinoe, à la suite de la défaite surprise des Américaines 3-0 contre la Suède.

« On a des personnes au sein de l’équipe américaine qui proviennent de partout au pays et de tous les milieux, puis on a littéralement des gens de partout dans le monde dans l’ensemble des autres équipes, alors j’encourage évidemment tout le monde à utiliser cette plateforme du mieux qu’il le peut surtout au moment où tous les yeux sont tournés vers Tokyo pour les deux prochaines semaines », a-t-elle ajouté.

Les Américaines avaient refusé plus tôt cette année de cesser de s’agenouiller pendant l’hymne national du pays. Elles avaient entrepris de protester en 2016 par solidarité avec le joueur de football Colin Kaepernick, qui avait fait ce geste dans l’uniforme des 49ers de San Francisco, dans la NFL.

« Nous sommes sur la scène internationale, a renchéri Rapinoe. Avec les médias du monde entier et l’attention de tout le monde de la planète tournée vers des athlètes incroyables de partout dans le monde qui ont à cœur leur sport et qui ont aussi plusieurs autres enjeux à cœur. »

« Un sentiment très fort »

Les joueuses britanniques ont décidé en réunion d’équipe, avant de s’envoler pour le Japon, qu’elles poseraient le genou sur le sol comme elles l’avaient fait tout au long de l’année dans leur équipe respective de la Super ligue féminine anglaise.

« On avait un sentiment très fort, en tant que groupe, que l’on voulait témoigner notre soutien envers les personnes affectées par la discrimination et les inégalités », a expliqué la capitaine Steph Houghton à la suite de la victoire de son équipe de 2-0 face au Chili.

On a vécu un moment de grande fierté en voyant les joueuses chiliennes s’agenouiller pour démontrer la solidarité qui existe dans notre sport.

La joueuse britannique Steph Houghton

L’équipe chilienne a toutefois été prise par surprise devant le geste de ses adversaires. En voyant les Britanniques s’exécuter, la joueuse de défense Daniela Pardo a fait de même et ses coéquipières ont suivi.

« Il y a eu un petit problème de synchronisme, a décrit la milieu de terrain chilienne Karen Araya. On a eu des problèmes de communication en raison de la langue. Dès qu’on a vu les Anglaises s’agenouiller, on a immédiatement réagi et on est évidemment d’accord avec ce genre de geste. »

Le CIO a décidé de permettre les manifestations militantes si celles-ci sont permises par la fédération sportive qui gouverne la discipline à laquelle participe l’athlète. Ces gestes peuvent être faits uniquement avant le début officiel d’une compétition.

Le site web officiel des Jeux olympiques de Tokyo n’a fait aucune mention du geste des joueuses mercredi.

Les gestes de militantisme demeurent interdits sur le podium. Une règle adoptée pour empêcher toute récidive du poing levé dans un gant noir brandi par les sprinteurs américains Tommie Smith et John Carlos aux Jeux de Mexico en 1968.