Le baseball, immensément populaire au Japon, fait un retour aux Jeux olympiques de Tokyo en compagnie du softball, réservé aux femmes, absents depuis les Jeux de 2008, à Pékin.

Mais pourquoi pas le baseball féminin ?

Après tout, le sport gagne en popularité sur les losanges à travers le monde et le Japon en est la grande puissance, lui qui a remporté les six derniers Championnats du monde, après avoir terminé deuxième, derrière les États-Unis, lors des deux premiers tournois.

« C’est sûr que ç’a été une grande déception pour le Japon, qui a une structure de baseball féminin qu’on ne retrouve pas ailleurs », fait valoir André Lachance, directeur au développement du sport et directeur national du baseball féminin à Baseball Canada.

« Ils font du baseball féminin à partir du secondaire. Ils ont pendant longtemps eu des ligues professionnelles. Maintenant, ce sont davantage des ligues industrielles : [les joueuses] sont payées pour travailler pour une compagnie, pour autant qu’elles jouent dans l’équipe de la compagnie. C’est comme si Ameublements Tanguay avait une équipe !

« Les équipes professionnelles masculines commanditent aussi le baseball féminin maintenant. C’est un peu comme si les Blue Jays de Toronto avaient une équipe féminine. »

Lachance est l’un des grands bâtisseurs du baseball féminin sur la scène mondiale.

Après avoir été gérant de l’équipe nationale de 2004 à 2018, il est allé donner un coup de main à la Fédération française de baseball en devenant gérant de leur équipe nationale en 2019, expérience que la pandémie l’a empêché de renouveler l’an dernier.

Même s’il aurait souhaité voir un volet féminin au tournoi de baseball olympique, il offre quelques explications pour comprendre pourquoi c’est le softball qui, de nouveau, assure le volet féminin de ce sport de balle.

« Il y a différents éléments qui expliquent l’absence du baseball féminin à Tokyo », a-t-il raconté à La Presse Canadienne au cours d’un entretien téléphonique.

« D’abord, nous sommes une discipline relativement jeune : les premiers Championnats du monde n’ont eu lieu qu’en 2004. Il faut du temps pour faire sa place, mais il y a beaucoup d’expansion à travers le monde. On regarde en Europe, il y a la France, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne qui arrive et d’autres pays éventuellement.

« Nous n’avons pas encore le rayonnement, le nombre de pays participants pour pouvoir cogner à la porte des Jeux. Le softball, ça fait tellement longtemps qu’il est là. C’est dommage, mais dans le passé, le principe était que les petites filles commençaient au baseball avant de transférer au softball quand il n’y avait plus de service pour elle.

« Dans plusieurs pays, c’est encore comme ça. Ajoutez à cela la NCAA, qui offre du softball et non du baseball pour les femmes, et la structure [du softball] est beaucoup mieux assise que la nôtre présentement. »

Le Canada est une puissance mondiale au même titre que le Japon, les États-Unis et Taïwan sur la scène du baseball féminin. Sur les huit Mondiaux de baseball féminin organisés depuis 2004 – dont trois présentés au Canada –, l’équipe de Lachance est montée six fois sur le podium : deux médailles d’argent et quatre de bronze. Lachance le dit avec assurance : le Canada aurait représenté un espoir de médaille à Tokyo.

« Je pense que oui. L’équipe est deuxième au monde. Nous aurions donc été une favorite pour le podium, avec le Japon, les États-Unis et Taïwan. Derrière ce groupe se trouvent l’Australie, le Venezuela et Cuba. C’est certain qu’on aurait compté revenir de là avec une médaille. »

Comment explique-t-il les succès du Canada, avec sa petite population et, donc, un plus petit bassin de joueuses que les autres puissances mondiales ?

« Je crois que notre approche, bâtir des équipes avec des joueuses capables de jouer à plusieurs positions, a fait la différence, avance-t-il. C’est ce que je constate en rétrospective. Depuis le début, je regarde la façon dont les autres équipes sont conçues, et elles ont plusieurs joueuses à position unique. J’ai toujours préféré des athlètes capables de jouer plus d’une position, parfois plus de deux.

« C’est certain que tu as toujours deux ou trois joueuses qui ne peuvent que lancer, mais je me suis toujours fait un devoir d’accorder de la valeur aux baseballeuses capables de jouer à plus d’une position. Comme entraîneurs, nous ne sommes jamais à court de solutions ou d’options pendant les matchs. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons été capables de nous maintenir au sommet tout ce temps. »

Nul n’est prophète en son pays…

Malgré ses succès sur la scène internationale, le baseball féminin ne fait même pas partie du programme des Jeux du Canada.

« Un des critères pour entrer aux Jeux du Canada, c’est d’avoir un Championnat canadien où toutes les provinces sont représentées. Ça ne fait que trois ans que nous avons ça, explique Lachance. Ce sont donc les petites victoires comme celle-là qui font qu’on grimpe dans le classement. Il faut continuer la bataille.

« Quand nous avons appliqué pour 2021, nous n’étions vraiment pas là. Pour 2025, nous n’avons pas été choisis, mais nous frappions à la porte. On n’est vraiment pas loin. Mais ça va prendre du temps. On demeure un sport où il y a deux disciplines : softball gars et filles et baseball gars et filles. C’est certain que garder les quatre pour des jeux multisports, ça n’a pas de sens. »

Et dans certaines associations provinciales, le baseball féminin n’a pas encore la cote.

« Ce ne sont pas toutes les fédés provinciales qui moussent le baseball féminin. Le Québec a mis ça dans son développement stratégique. Ils en ont fait une priorité. Est-ce que tout le monde le met au même niveau ? Je ne crois pas. Est-ce que tout le monde voit le potentiel ? Je pense que oui.

« Il y a aussi la capacité de livrer. À l’Île-du-Prince-Édouard, il y a un employé à temps plein. Au Québec, ils sont une dizaine.

« Il y a seulement cinq ans, l’idée d’avoir des ligues féminines n’existait même pas. On se disait peut-être qu’on n’avait pas le bassin ou que le développement serait meilleur en jouant avec les garçons. Nous sommes rendus à avoir assez de monde pour mettre sur pied des ligues régionales et provinciales. »